Me Romain Berthon
Trois décrets forment le socle réglementaire des mesures prises par le Maroc pour contenir la pandémie du Covid-19. Ces décrets, en plus d’avoir un impact sur le quotidien des Marocains, ils ont également un impact sur les affaires judiciaire.
Il s’agit du décret-loi n°2-20-292 édictant des dispositions particulières à l’état d’urgence sanitaire et des mesures de sa déclaration et du décret-loi n°2-20-293 qui déclare l’état d’urgence sanitaire pour faire face à la pandémie, sur l’ensemble du territoire national, du 20 mars au 20 avril 2020 et impose certaines mesures restrictives de confinement. Le troisième décret est celui qui prolonge l’état d’urgence.
Romain Berthon, avocat au Barreau de Paris, associé de LPA-CGR avocats et co-gérant du bureau de Casablanca où il réside depuis 12 ans, a animé mardi 21 avril, un webinar sous le thème « Covid-19 et droits immobiliers : conséquences sur les baux et sur les contrats de construction ».
Dans son intervention, M. Berthon est revenu sur les conséquences de la Pandémie sur les relations locatives commerciales.
L’avocat explique que la fermeture des commerces non indispensables à la vie de la nation comme les cafés, restaurants, salles de jeux, etc., le 16 mars, c’est-à-dire avant les décrets, pousseraient certains locataires à ne pas payer leur loyer, se considérant privés de la jouissance du local loué. « D’autres, simplement restreints dans leur activité commerciale, tenteront aussi de ne pas payer leur loyer », a-t-il souligné.
Ainsi, les locataires commerciaux évoqueront la notion de force majeure (Covid-19) qui a entravé leur activité, ce qui les empêche de remplir leur obligation de payer le loyer.
« S’agissant d’une obligation monétaire, le bailleur répondra qu’en principe, la force majeure est sans effet sur une obligation qui porte sur une chose fongible, car elle ne périt pas… Ainsi, les bailleurs répondront qu’ils ne pourraient se prévaloir d’une réelle impossibilité de procéder au paiement du loyer, car les banques sont toujours ouvertes, malgré la décision et les décrets. La notion de force majeure pourrait, ici, ne pas être retenue par un juge en l’absence de cette impossibilité d’exécution, qui est l’un des critères nécessaires à la qualification de la force majeure », a expliqué Me Berthon.
Les bailleurs pourraient aussi argumenter que plusieurs mesures ont été adoptées par le comité de veille économique marocain en faveur des entreprises, PME, TPME, afin d’atténuer les effets de la crise et qu’ainsi, les preneurs n’auraient pas d’impossibilité de payer leurs loyers.
Pour Romain Berthon, chaque situation particulière, chaque contrat, doit être bien analysé, pour déterminer si un preneur peut demander la suspension de son loyer ou sa diminution. Le juge, ne pouvant pas statuer sur ces questions en raison de la fermeture des tribunaux, devrait avoir une place importante dans la construction du droit des baux pendant la pandémie. « En attendant la réponse des tribunaux, la meilleure solution reste peut-être que preneur et bailleur trouvent un accord à l’amiable sur le sort du paiement des loyers », conseille l’avocat.
A. Loudni