Le président ivoirien Alassane Ouattara, 78 ans, a été réélu pour un troisième mandat controversé sur le score fleuve de 94,27% des voix au premier tour, l’opposition ayant boycotté le scrutin, selon les résultats proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI) mardi à l’aube.
« Est donc élu président de la République M. Alassane Ouattara », a déclaré le président de la CEI, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, après avoir lu les scores de l’élection présidentielle qui s’est tenue samedi.
Selon les chiffres de la CEI, le taux de participation, un enjeu important de ce scrutin du fait du boycott de l’opposition, est de 53,90%.
Des militants de l’opposition, qui avait appelé à la « désobéissance civile », ayant saccagé ou bloqué environ 5.000 bureaux de vote, 17.601 bureaux des 22.381 bureaux ont pu ouvrir, et le nombre d’inscrits pouvant voter est donc passé de 7.495.082 à 6.066.441 inscrits, selon la CEI.
M. Ouattara a recueilli 3.031.483 de voix sur un total de 3.215.909 suffrages exprimés à ce scrutin marqué par des violences meurtrières.
Selon les scores annoncés par la CEI, le candidat indépendant Kouadio Konan Bertin arrive en deuxième position avec 1,99% des voix, devant les deux autres candidats qui avaient appelé au boycott mais ont tout de même reçu des suffrages. L’ancien président Henri Konan Bédié termine 3e avec 1,66% et l’ex-Premier ministre Pascal Affi N’Guessan 4e avec 0,99% .
La CEI a trois jours pour transmettre ces résultats au Conseil constitutionnel, qui a sept jours pour les valider.
Elu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara avait annoncé en mars qu’il renonçait à une nouvelle candidature, avant de changer d’avis en août, à la suite du décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
La loi fondamentale ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu’avec la nouvelle Constitution adoptée en 2016, le compteur des mandats présidentiels a été remis à zéro. Ce que l’opposition conteste.
Lundi soir, l’opposition, qui ne reconnaît pas la validité de l’élection présidentielle, a annoncé qu’elle avait créé un « Conseil national de transition (…) présidé par M. Bédié » dans le but de former un « gouvernement de transition ».
Au moins neuf personnes sont mortes lors des violences lors du scrutin ou dans son sillage. On a notamment appris lundi la mort de quatre personnes d’une même famille dans l’incendie de leur maison lors de violences à Toumodi (40 km de Yamoussoukro, centre) dimanche.
Depuis le mois d’août, une trentaine de personnes sont mortes dans des troubles et des violences intercommunautaires.
– Détonations chez les opposants –
Lundi soir, des détonations provoquées par des individus non identifiés, qui n’ont fait aucun blessé, ont résonné devant les domiciles à Abidjan de quatre leaders de l’opposition.
« Nous étions chez le président Bédié. Nous avons entendu huit coups. C’était très fort. Les vitres ont tremblé. Les jeunes dehors m’ont dit avoir vu des véhicules passer à vive allure. Personne n’a été blessé », a déclaré à l’AFP Maurice Kakou Guikahué, le numéro deux du principal mouvement d’opposition, présidé par M. Bédié.
Si la mission d’observation de l’Union africaine estime que « l’élection s’est déroulée de manière globalement satisfaisante », le Centre Carter, fondation créée par l’ancien président des Etats-Unis et prix Nobel de la paix Jimmy Carter, est beaucoup plus critique : « Le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection présidentielle compétitive et crédible », selon son rapport.
La mission d’observation de la Cédéao a souligné que « la montée de l’insécurité dans la période pré-électorale a créé une psychose ».
Des milliers d’Ivoiriens avaient quitté les grandes villes, anticipant des troubles, dix ans après la crise qui avait suivi la présidentielle de 2010, faisant 3.000 morts, à la suite du refus du président Laurent Gbagbo (au pouvoir depuis 2000) de reconnaître sa défaite face à M. Ouattara.
Ces événements en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao, font craindre une nouvelle crise dans une région éprouvée par des attaques jihadistes au Sahel, un putsch au Mali, une élection contestée en Guinée et une contestation politique chez le géant voisin nigérian.
LNT avec Afp