Le stade Khalifa à Doha au Qatar, le 18 mai 2017 © AFP/Archives KARIM JAAFAR
En l’espace d’une dizaine d’années le Qatar est devenu un acteur incontournable de la planète sports, mais l’accumulation de scandales, notamment autour des conditions d’attribution du Mondial-2022 de foot vient ébranler son « soft power », cette diplomatie sportive censée compenser la petite taille de son territoire.
Avec l’ouverture d’une enquête de la justice suisse jeudi contre Nasser Al-Khelaïfi, président du Paris SG et patron de beIN Media, ce sont deux pans intimement liés de cette stratégie du « soft power », le sport et les médias, qui sont d’un coup ébranlés.
La justice suisse soupçonne l’émirat de « corruption privée » dans l’attribution des droits médias de plusieurs coupes du monde, via beIN Media, et avec la complicité du déjà multi-condamné Jérôme Valcke, ancien N.2 de la Fifa.
« Il ne s’agit pas d’un incident isolé, et cela constitue un récit toujours en cours qui s’est construit autour du Qatar et de la Fifa », estime Simon Chadwick, professeur d’économie du sport à l’Université de Salford près de Manchester.
Une histoire qui commence fin 2010, lorsque la Fifa décide d’attribuer l’organisation du Mondial-2022 au Qatar. Les conditions dans lesquelles l’instance mondiale du foot s’est tournée vers l’émirat font déjà l’objet d’une enquête de la justice suisse.
Ce Mondial-2022 au Qatar a d’ailleurs tourné au casse-tête pour la Fifa, qui a dû se décider à abandonner ses traditionnels mois de juin et de juillet, bien trop chauds pour jouer au foot au Qatar, pour programmer l’événement planétaire entre novembre et décembre 2022.
Et à plusieurs reprises, l’émirat a également été épinglé par plusieurs ONG sur les conditions des travailleurs pour la construction des stades.
Au cours de la décennie écoulée, le richissime émirat gazier a tenté de compenser sa petite taille, et dès lors sa fragilité politique, par une diplomatie sportive couronnée de succès: tous les grands sports, de l’athlétisme (2019) à la natation (2023), en passant par le football (2022), le cyclisme (2016), ou encore le handball (2015) y auront organisés leurs Championnats du monde d’ici à 2023.
– Image et réputation fragilisées –
Le football, le sport roi, aura été la vitrine privilégiée, avec, outre l’obtention du Mondial-2022, le rachat du Paris SG en 2011, et l’arrivée dans la capitale française du Brésilien Neymar, le joueur le plus cher de l’histoire.
Le Qatar ne compte pas s’arrêter là avec cette « stratégie d’occupation du terrain » selon les dires d’un président d’une fédération internationale, et vise à terme l’organisation des jeux Olympiques.
Doha a été ville requérante pour les JO-2016 et 2020 et le Comité olympique qatari (QOC) pourrait se montrer à nouveau intéressé pour les JO-2032, après la double attribution des JO-2024 à Paris et 2028 à Los Angeles.
Mais la belle vitrine de la diplomatie sportive se fissure à mesure que les scandales s’accumulent, alors que le Qatar est isolé diplomatiquement depuis juin, mis au ban par l’Arabie Saoudite et plusieurs de ses alliés pour un soutien supposé au terrorisme.
« Cette évolution intervient dans le contexte d’une querelle intense et de plus en plus conflictuelle », estime Simon Chadwick.
« L’image et la réputation, tant du Qatar que de la région en pâtissent. Cette dispute renforce les préjugés et les stéréotypes que beaucoup de gens dans le monde ont à propos des pays du Golfe, estime-t-il.
« Il semble donc impératif que toutes les parties concernées trouvent une solution rapide et consensuelle, sur ce qui abîme l’image du football dans la région et sa réputation dans le monde », conclut-il.
LNT avec Map