Photo fournie à l'AFP par le Parlement européen montrant la vice-présidente du Parlement européen Evia Kaili durant un discours le 7 décembre 2022 à Bruxelles
Secoué par un scandale de corruption présumée impliquant le Qatar, le Parlement européen s’apprêtait mardi à sanctionner Eva Kaili, l’eurodéputée grecque mise en cause, un premier pas avant une réforme de l’institution qui souhaite restaurer rapidement sa crédibilité.
Au cœur de l’affaire, Mme Kaili, qui occupe l’une des 14 vice-présidences du Parlement, devrait être déchue mardi de cette fonction pour « faute grave ».
Une majorité des deux tiers sera requise lors d’un vote en session plénière à Strasbourg organisé à midi (11h00 GMT), a annoncé la présidente Roberta Metsola, après une décision « à l’unanimité » de la conférence des présidents, organe politique du Parlement européen.
Mme Kaili, élue socialiste incarcérée dimanche en Belgique, est soupçonnée d’avoir été payée par Doha pour défendre les intérêts de l’émirat qui accueille actuellement le Mondial de football. Trois autres personnes ont été écrouées dans cette enquête menée un juge d’instruction belge.
L’avocat d’Eva Kaili a assuré mardi qu’elle n’avait accepté aucun « pot-de-vin du Qatar ». « Sa position est qu’elle est innocente. Elle n’a rien à voir avec les pots-de-vin du Qatar », a affirmé Me Michalis Dimitrakopoulos à la télévision grecque.
Mais des sacs de billets ont été découverts dans son appartement dans la capitale belge.
Le parquet fédéral belge a annoncé au total des centaines de milliers d’euros saisis, en trois lieux différents, auprès de trois suspects, au cours des 20 perquisitions déjà réalisées. La police a en outre inspecté lundi les locaux du Parlement à Bruxelles pour saisir des données de collaborateurs parlementaires.
Le scandale menace la crédibilité du Parlement européen tout entier, une assemblée souvent en pointe pour dénoncer les pratiques de corruption de certains pays, y compris à l’intérieur de l’UE comme récemment la Hongrie de Viktor Orban.
Roberta Metsola a exprimé lundi « fureur, colère et tristesse », en annonçant une « enquête interne » pour examiner tous les faits ainsi qu’une révision en profondeur des procédures de l’institution.
Elle a dénoncé des « acteurs malveillants, liés à des pays tiers autocratiques » qui « ont apparemment utilisé des ONG, des syndicats, des individus, des assistants et des députés européens comme des armes » contre la démocratie européenne.
« Nous allons lancer un processus de réforme pour voir qui a accès à nos locaux, comment ces organisations, ONG et personnes sont financées, quels liens ils entretiennent avec des pays tiers, nous demanderons plus de transparence sur les réunions avec des acteurs étrangers », a promis la responsable maltaise.
– « Partie émergée de l’iceberg » –
L’ordre du jour de la session de mardi a été bouleversé et, outre le vote de la mi-journée, un débat doit être consacré à cette affaire, à 16h30 (15h30 GMT). A l’issue, un texte, qui devrait plaider pour plus de transparence dans les institutions européennes, sera soumis au vote jeudi.
L’eurodéputé social-démocrate allemand René Repasi redoute, comme d’autres élus, que l’affaire Kaili ne soit qu’un début. « Je crains fort que ce que nous voyons ici ne soit que la partie émergée de l’iceberg », a-t-il expliqué à l’AFP, n’excluant pas que d’autres groupes politiques soient concernés.
« On a besoin d’une Europe transparente, intègre, il faut agir maintenant », a estimé l’eurodéputé vert Yannick Jadot. « Dans un moment de défiance très forte vis-à-vis de la politique, cela crée un sentiment qu’il y a une élite qui s’en met plein les poches au moment où les Européens sont en souffrance », a dit l’élu français, s’inquiétant que l’affaire nourrisse le vote d’extrême droite.
Doha a démenti de son côté être impliqué dans des tentatives de corruption.
Ex-présentatrice de télévision âgée de 44 ans, Eva Kaili, eurodéputée depuis 2014, s’était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué, en présence du ministre qatari du Travail, les réformes sociales de l’émirat.
Exclue du parti socialiste grec (Pasok-Kinal) dont elle était déjà une figure controversée, mais aussi lundi de son groupe politique au Parlement européen (S&D, gauche), Eva Kaili n’a pas bénéficié de son immunité parlementaire car l’infraction a été constatée en flagrant délit.
Ses avoirs ont été gelés par l’Autorité grecque de lutte contre le blanchiment d’argent.
Son maintien ou non en détention, comme celui des trois autres personnes écrouées, sera examiné mercredi par la justice belge.
LNT avec Afp