Des membres des forces spéciales désinfectent le sol devant des gardes de sécurité, le 10 avril 2020 à Colombo, pendant le confinement instauré au Sri Lanka pour lutter contre le coronavirus © AFP Ishara S. KODIKARA
A l’approche de la barre symbolique de 100.000 morts du coronavirus, la communauté internationale cherche des réponses économique et diplomatique à la pandémie, qui menace d’une récession planétaire un monde largement en confinement.
Plus de 94.000 personnes ont succombé à la pandémie qui, selon la patronne du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, aura « les pires conséquences économiques depuis la Grande Dépression » de 1929.
Quelques chiffres encourageants en Europe et aux Etats-Unis permettent d’espérer un ralentissement prochain dans la hausse de ce décompte macabre. Pour la première fois, le nombre de patients en réanimation a légèrement baissé en France, et la situation s’est stabilisée dans plusieurs foyers épidémiques américains du Covid-19.
En Grande-Bretagne, où la pandémie progresse à grands pas avec 881 décès en 24 heures, le Premier ministre Boris Johnson, affecté par la maladie et hospitalisé depuis dimanche, a pu sortir des soins intensifs.
Mais en l’absence de vaccin, le retour à la normale devra attendre et se fera probablement de manière graduelle, les autorités voulant à tout prix éviter une nouvelle vague d’infections.
Les mesures de confinement, qui concernent plus de la moitié de l’humanité, ont un coût faramineux. Des secteurs entiers de l’économie sont paralysés, les échanges commerciaux dégringolent, le chômage s’envole.
Dans cette période « anxiogène », le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a souligné qu' »un signal d’unité et de détermination » du Conseil de sécurité, divisé depuis des semaines, « compterait beaucoup » pour atténuer les implications sur la paix de la pandémie, affirmant qu’il s’agissait « du combat d’une génération ».
Mais les 15 membres du Conseil, réunis par visioconférence dans la nuit de jeudi à vendredi pour une première session consacrée au Covid-19, se sont bornés à apporter leur « soutien » au chef de l’ONU.
– Accord à l’arraché –
Sur le volet économique, en Europe, les ministres des Finances sont parvenus jeudi à trouver un accord à l’arraché incluant 500 milliards d’euros disponibles immédiatement et un fonds de relance à venir d’un montant équivalent. Paris a salué un « excellent accord », Berlin « un grand jour pour la solidarité européenne » et la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, « un accord novateur ».
Ils n’ont pas tranché la question brûlante de la mutualisation de la dette, les « coronabonds » destinés à soutenir l’économie à plus long terme, qui divise les pays du nord et du sud de l’UE.
De leur côté, les principaux pays producteurs de pétrole, Arabie saoudite et Russie en tête, s’efforçaient vendredi de finaliser un accord après être parvenu à une « entente préalable » pour une réduction de production de 10 millions de barils par jour face à l’effondrement des cours provoqué par la pandémie.
Aux Etats-Unis, la Banque centrale a frappé un grand coup en annonçant 2.300 milliards de dollars de nouveaux prêts pour soutenir l’économie. Celle-ci pourrait rebondir assez rapidement, selon les autorités monétaires. Et la France a doublé son plan d’urgence, à 100 milliards d’euros.
– « Crise alimentaire » –
Dans le reste du monde, la majorité des pays n’ont pas les moyens américains ou européens. La Banque mondiale a dit craindre une « crise alimentaire » en Afrique.
Au Nigeria, pays le plus peuplé du continent, le confinement perturbe déjà les circuits de production agricole. Et déjà à Lagos, le poumon économique du pays, retentit la litanie: « On a faim ».
A l’inverse, au Burundi, la vie se poursuit normalement, bars et églises ne désemplissant pas.
« Soyez sans crainte. Dieu aime le Burundi et s’il y a des personnes qui ont été testées positives, c’est pour que Dieu manifeste sa puissance au Burundi », a martèle le général Evariste Ndayishimiye, homme fort du parti au pouvoir.
En Inde, les plus pauvres luttent pour survivre. « La nuit dernière, nous avons eu des rotis (pain traditionnel indien, ndlr) avec du sel mélangé dans de l’huile de moutarde », décrit Rajni Devi, une mère de famille de la périphérie de New Delhi, qui dit s’endormir en pleurs chaque soir.
– « Aplatir la courbe » –
Bien que la planète soit claquemurée, le virus poursuit sa progression et la barre des 100.000 morts semble devoir être atteinte en cours de journée vendredi.
Avec plus de 18.000 décès, l’Italie est toujours le pays au monde comptant le plus de victimes. Les Etats-Unis occupent désormais la deuxième place de ce sinistre classement avec 16.478 morts, suivis de l’Espagne (plus de 15.000) et de la France (plus de 12.000).
Epicentre de la pandémie aux Etats-Unis, l’Etat de New York a déploré près de 800 morts en 24 heures, son pire bilan sur une journée. Mais le nombre des hospitalisations n’a jamais été aussi bas depuis le début de la crise, a relevé son gouverneur Andrew Cuomo pour qui « nous sommes en train d’aplatir la courbe ».
L’Espagne, l’Italie et la France relèvent aussi une tendance à la baisse de la tension hospitalière. Partout, les autorités sanitaires appellent à ne pas relâcher les efforts pour autant.
Les soignants de tous les pays continuent de payer un lourd tribut à la pandémie : en Italie, une centaine de médecins ainsi qu’une trentaine d’infirmiers et aides-soignants sont décédés. Au Royaume-Uni, un docteur qui avait sonné l’alarme sur le manque d’équipements de protection pour les soignants a succombé au virus.
Les pompes funèbres, également sur le pied de guerre, regrettent que leur travail soit moins valorisé. « On a un fort sentiment d’abandon. Les soignants ont eux une sorte de reconnaissance », constate Jean-Christophe Saels, à Bruxelles.
Des centaines de millions de chrétiens confinés s’apprêtent de leur côté à célébrer Pâques dans des conditions inédites.
Au Vatican, c’est sans la présence de fidèles que le pape François a célébré jeudi la messe de la Cène, sans le traditionnel lavement des pieds.
Et en Bosnie, au sanctuaire marial de Medjugorje, véritable fourmilière avant Pâques, durant la semaine sainte, les panneaux intiment le « silence » à des pèlerins absents.
LNT avec Afp