De nombreuses Marocaines vivent rudement, notamment dans le monde rural où elles sont confrontées à la pauvreté. Les droits des femmes, les discussions de salons sur l’égalité, l’équité, et autres valeurs universelles, … elles n’en savent rien. Cela ne leur parle pas vraiment, tant leur seul souci est d’assurer de quoi vivre au jour le jour pour elles et leur famille. L’école, l’éducation, l’alphabétisation, …. hélas, elles n’y ont pas eu droit. Elles essaient bon gré mal gré de s’en sortir. Et pour certaines, leur savoir-faire artisanal représente leur seule richesse.
Avec l’avènement de l’INDH, une lueur d’espoir a réellement pointé à l’horizon. Les AGR (activité génératrice de revenus) lancées sous l’impulsion de l’INDH, représentent, en effet, un tournant majeur dans la vie de nombreuses femmes. Le projet de confection de Khaima, (tentes traditionnelles), porté par la coopérative Kafila, qui regroupe 16 femmes de l’oasis d’Isrir ,dans la région de Guelmim, illustre parfaitement ce changement et ces avancées.
Autonomie
Parti de l’idée de l’autonomisation socioéconomique de la femme, à travers les AGR, ce projet lancé en 2009 avait pour objectif de donner aux femmes de la région d’Isrir les outils nécessaires pour sortir de la précarité. Le choix du projet n’est pas fortuit.
En effet, doté d’une portée écologique, économique, sociale et culturelle, il représente un véritable tremplin pour ces femmes, et une valeur ajoutée pour la communauté et toute la région.
Les tentes traditionnelles font partie intégrante de la culture marocaine, en particulier dans le contexte du désert et du nomadisme. Mais, force est de constater que les jeunes générations s’intéressent de moins en moins à ce produit, porteur de richesse et de symbolique.
C’est donc pour préserver et valoriser le patrimoine culturel saharien du Maroc, assurer le transfert de ce savoir faire ancestral aux futures générations, promouvoir l’artisanat marocain, tout en permettant aux femmes de vivre «décemment» qu’est né le projet de tissage des tentes traditionnelles. A travers une vision globale, où le patrimoine culturel, la création artisanale (génératrice de revenu) et la sauvegarde de l’environnement, qui sont indissociables de la dimension socioéconomique, que l’esprit de la coopérative Kafila a évolué.
L’idée est de permettre aux femmes de vivre de cette activité, en leur apportant le soutien nécessaire, pour une meilleure organisation, une production efficiente et une visibilité sur le marché. Le but, in fine, est de leur garantir une vie décente, en disposant d’un revenu permanent. Car si les artisanes maîtrisent le volet création, elles avaient du mal à commercialiser leurs productions. Et quand bien même elles arrivaient à le faire, leur marge était quasi-insignifiante, parce qu’elles n’ont pas été rodées aux techniques de négociations et de gestion d’activités commerciales.
Grâce au soutien de l’INDH, à travers les AGR, 16 personnes regroupées en coopérative, ont pu réaliser leur rêve. En bénéficiant d’un soutien financier, d’une assistance technique, de formation et de coaching ( commercialisation, identification des circuits de vente). Enarrivant à mieux gérer leur activité artisanale, les femmes de Kafila (autonome) évoluent en permanence. Le coût global du projet est de l’ordre de 590.000,00 DHS, financé à hauteur de 400.000 Dhs par l’INDH et l’Agence du Sud, tandis que l’apport de la coopérative se limite à 10 000 Dhs, le reste est supporté par la commune d’Isrir (80 000 Dhs) et la délégation de l’Artisanat (100 000 Dhs).
Au-delà de Kafila, cette initiative se veut porteuse d’espoir pour d’autres femmes. Chapeauté par Halima Berdid, une jeune femme battante, le projet des tentes a transformé le quotidien de ces femmes, qui se sentent aujourd’hui valorisées, voire épanouies.
Développement humain
Non seulement, elles sont passionnées par leur activité, mais elles ont une source de revenus, et elles ne comptent plus sur le maigre apport de leurs conjoints pour répondre à leurs besoins et ceux de leurs familles. Cette autonomie leur donne des ailes pour surmonter tous les obstacles et, surtout, une assurance pour le long terme.
Cette détermination s’est traduite par une nouvelle conception de tente traditionnelle de différentes dimensions (4×3, 4×6, 5×8) adaptable à tous les espaces. Ce qui permet d’étendre le champ de commercialisation des produits de Kafila, en touchant d’autres segments de clientèles.
En outre, la coopérative a également élargi son offre, en diversifiant ses produits. Elle propose tous les accessoires qui permettent de mettre en valeur le produit de base (la tente). Tapis traditionnel (hassir), coussins, ainsi que le service à thé (tabla),… le tout revisité dans une version moderne. Ces efforts ont permis aux produits de la coopérative de se forger une place sur le marché.
Diversification obligatoire
Commercialisées entre 5 000 Dhs et 30 000 Dhs, les tentes réalisées par la coopérative Kafila représentent une fierté pour ces femmes, qui ont su surmonter les difficultés, pour aller de l’avant, en générant des ressources pour leurs familles. Ce qui leur permet de développer leur estime de soi, nécessaire pour relever de nouveaux challenges.
Au-delà des 16 bénéficiaires, l’objectif est de créer des émules autour de l’activité artisanale et d’inciter les jeunes générations à reprendre le flambeau des anciens, pour pérenniser ce riche patrimoine d’une part et d’autre part assurer leur autonomisation socioéconomique. D’ailleurs, les retombées économiques ne se limitent pas aux seules femmes de Kafila mais se font ressentir dans toute l’oasis. Leur motivation, leur dynamisme et leur implication ont pu changer le visage de leur palmeraie.
A leur échelle, elles contribuent à la dynamique économique et au processus du développement. Non seulement, elles ont un revenu permanent, mais elles participent à la promotion du produit artisanal, ainsi que la valorisation d’un savoir-faire ancestral, qui a défaut de ce genre d’initiative serait menacé de disparaitre. Le volet écologique n’est pas des moindres. Le projet des tentes traditionnelles s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la sauvegarde de l’environnement. A l’instar d’autres projets similaires créés dans le cadre des AGR, le projet a pour but de faire face aux aléas des changements climatiques (désertification, dégradation du milieu naturel, problèmes des palmiers- dattiers…) dans la région de Guelmim.
En somme, ce projet, à l’instar d’autres, initiés dans le cadre de l’INDH et la sauvegarde des oasis, incarne un modèle innovant à plusieurs titres. Ses mécanismes sont en parfaite adéquation avec l’esprit de la budgétisation sensible au genre, ainsi que les programmes des OMD. Le but étant de permettre un développement local (moins d’exode rural) à travers la valorisation du patrimoine culturel, la préservation de l’environnement et par conséquent la lutte contre la précarité et l’exclusion.