Conventions fiscales entre le Maroc et ses partenaires commerciaux : favoriser l’investissement et éviter la surimposition
Le cabinet Roche Mameri et Associés, réseau Exygene Group, composé de quatre cabinets en France et au Maroc, est spécialisé dans les services financiers aux entreprises. M. Karim MAMERI, associé expert-comptable, et Hakim ESSADIQ, associé responsable du réseau Maroc, ont récemment effectué une étude approfondie sur les conventions fiscales de non double imposition entre le Maroc et les pays partenaires, que nous publions ci-après.

Dans un environnement économique marqué par la mobilité internationale des capitaux, la compétitivité fiscale est, depuis un certain temps déjà, un facteur décisif d’attractivité pour les investisseurs. Les entreprises multinationales, les fonds d’investissement mais aussi les particuliers, disposant d’un patrimoine significatif, comparent leurs destinations potentielles, non seulement en raison des taux d’imposition applicables, mais surtout à travers la sécurité juridique et la transparence du système fiscal. Dans ce contexte, les conventions fiscales de non-double imposition jouent pleinement un rôle fondamental.
La double imposition est une situation à travers laquelle un même revenu est taxé dans deux États différents. Elle représente un frein majeur aux investissements. Sans mécanismes correcteurs, elle réduit la rentabilité des projets et incite les investisseurs à se tourner vers des pays plus attractifs et offrant une meilleure protection. Le Maroc a progressivement bâti un réseau de conventions fiscales avec ses principaux partenaires commerciaux. Notre Royaume dispose de d’une soixantaine de conventions en vigueur, couvrant l’Europe, l’Afrique, le Proche-Orient et l’Asie ainsi que les Amériques du Nord et du Sud.
L’objectif de ces conventions est double :
Cet article propose au lecteur une analyse des fondements, du fonctionnement et de l’impact de ces conventions, tout en mettant en lumière leurs limites et les perspectives d’évolution. Il n’est pas inutile de rappeler la différence entre une convention de non double imposition entre deux Etats et un accord de coopération bilatéral de libre-échange.
COMPRENDRE LA DOUBLE IMPOSITION
La double imposition résulte du fait que deux États revendiquent simultanément le droit d’imposer un même revenu. Le plus souvent, il s’agit de l’État de la source (où le revenu est généré) et de l’État de résidence (où réside le bénéficiaire du revenu).
Lorsqu’une société française détient une filiale au Maroc, les bénéfices réalisés au Maroc sont imposés selon le régime de droit commun du Code Général des Impôts marocain. A contrario, si ces bénéfices sont distribués sous forme de dividendes à la mère en France, ils seront taxés par l’administration fiscale française et la retenue à la source opérée au Maroc sera imputable en crédit d’impôt selon la convention. En l’absence de convention, la double charge fiscale réduit fortement l’intérêt de l’investissement.
Deux mécanismes permettent la neutralisation de la double imposition :
Ces solutions sont organisées et encadrées par les conventions fiscales bilatérales.
LES MODELES INTERNATIONAUX DE CONVENTIONS ET LA TRANSPOSITION MAROCAINE
La ratification de conventions fiscales bilatérales s’inspire de modèles élaborés par des organisations internationales :
Le Maroc qui attire des investissements des pays du Nord et exporte des capitaux vers l’Afrique, s’appuie sur une combinaison de ces deux approches. Cette flexibilité permet d’adapter les conventions selon ses partenaires : plus favorables aux investisseurs européens pour stimuler les IDE, et plus protectrices pour les conventions conclues avec certains pays africains afin de préserver ses propres recettes fiscales.
L’EVOLUTION DU RESEAU CONVENTIONNEL AU MAROC
La première convention de non-double imposition du Maroc a été signée avec la France au début des années 1970. Depuis, le réseau s’est considérablement élargi :
Le Maroc dispose désormais d’un réseau qui le place parmi les pays africains les mieux couverts en matière de conventions fiscales lui permettant de renforcer son rôle de hub économique.
FONCTIONNEMENT DES CONVENTIONS
Une convention fiscale organise plusieurs aspects :
NB : la fiscalité de droit commun a évolué plus rapidement que certaines conventions internationales devenues obsolètes et à réviser. A ce titre, la fiscalité locale peut être devenue plus avantageuse que certaines conventions. Ces dernières s’appliquent uniquement en étant plus favorables que la fiscalité locale, à défaut c’est le droit commun qui s’applique.
Exemple concret : Un dividende versé par une filiale marocaine à sa maison mère française est soumis à une retenue à la source maximale de 11,25 % en 2026 (la convention Maroc–France prévoit toujours 15%). Le dividende perçu sera taxé de : 30% (droit interne) – 11,25% (crédit d’impôt de la RAS marocaine) = 18,75% en France. Cela pourra potentiellement encourager la mère à opter pour réinvestir au Maroc (pas de remontée de dividendes).
IMPACT SUR L’INVESTISSEMENT ETRANGER
Les conventions de non-double imposition contribuent directement et indirectement à l’attractivité des investissements dans notre pays, mais pour cela elles doivent être régulièrement révisées et actualisées conformément à l’évolution de notre référentiel juridique et fiscal :
Ces conventions sont aussi un complément aux mesures incitatives prévues par la législation marocaine : régimes préférentiels des zones d’accélération industrielle (ZAI), exonérations temporaires d’impôts et autres avantages de Casablanca Finance City (CFC).
Il est important de préciser que, pour de nombreuses multinationales (Renault, Stellantis, Boeing…), l’existence d’une convention fiscale est un critère complémentaire mais non déterminant dans leur décision d’implantation au Maroc.
DIPLOMATIE ECONOMIQUE ET INTEGRATION AFRICAINE
Les conventions fiscales ne sont pas seulement des instruments techniques et elles s’inscrivent dans une stratégie de diplomatie économique.
DEFIS ET LIMITES
Les conventions fiscales posent toutefois plusieurs défis et limites :
L’équilibre entre préservation économique des IDE et souveraineté vs attractivité fiscale est une notion bien plus globale qu’un simple barème d’imposition.
PERSPECTIVES ET REFORMES
Le Maroc participe au projet Base Erosion and Profit Shifting de l’OCDE et a signé la Convention multilatérale en 2019. Ceci a permis l’intégration de clauses anti-abus pour plusieurs conventions déjà signées.
Les priorités du Maroc sont, en plus des accords de libre-échange, les suivantes :
En conclusion, les conventions fiscales de non-double imposition constituent un des piliers essentiels de la politique d’attractivité du Maroc. Elles offrent une sécurité juridique aux investisseurs étrangers, facilitent l’internationalisation des entreprises marocaines et renforcent le rôle du Royaume comme hub économique régional. Dans un contexte où elles sont, pour certaines, devenues obsolètes, le regain d’efficacité dépendra de la capacité à les actualiser en intégrant les normes internationales, prévenir les « abus de droit et d’utilisation », conseiller et accompagner les PME qui ne bénéficiaient pas, à ce jour, des dispositifs mis en place à l’international. Les conventions de non-double imposition ne sont pas des instruments d’optimisation fiscale mais une brique à l’édifice d’un contrat de confiance entre le Maroc et ses partenaires permettant un développement durable.
