Le Moyen-Orient continue de s’enfoncer dans une spirale de violence qui semble sans fin, avec Gaza en épicentre de ce conflit meurtrier. Depuis plus d’un an, la bande de Gaza est bombardée de façon quasi-continue par l’armée israélienne, tandis que le Hamas réplique par des tirs de roquettes sporadiques sur Israël.
Ce conflit asymétrique expose l’injustice criante d’une situation où une puissance militaire d’envergure mondiale, Israël, exerce une domination totale sur un peuple enfermé dans une enclave appauvrie. L’absence de solution diplomatique, conjuguée au refus de toute concession par les dirigeants israéliens, est non seulement une catastrophe humanitaire mais aussi une honte pour notre civilisation moderne.
Depuis plus d’un an, la situation ne fait qu’empirer, avec des pertes humaines massives côté palestinien, particulièrement à Gaza où les civils sont piégés dans ce qu’on appelle communément la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Alors que les frappes israéliennes sont justifiées par le gouvernement de Netanyahu au nom de la sécurité nationale, les faits montrent une violence disproportionnée et aveugle. En parallèle, le blocus implacable imposé par Israël depuis plus de quinze ans à Gaza étouffe toute tentative de développement économique, plongeant une population de deux millions d’habitants dans une misère et un désespoir sans fin.
Ce conflit asymétrique est le reflet d’une injustice criante, avec un Israël surarmé, capable de mobiliser une des armées les plus puissantes et technologiquement avancées au monde avec à sa tête un gouvernement pour lequel la riposte de masse est devenue la doctrine. Tout en affirmant lutter contre le terrorisme, Israël a mis en place des tactiques militaires qui ne distinguent plus entre combattants et civils, menant à des pertes humaines d’une ampleur dramatique. Cette stratégie, loin de se limiter à des frappes « ciblées », s’apparente de plus en plus à une punition collective et ne se contente pas de tenter de détruire le Hamas.
La montée du Hamas
Pour comprendre les dynamiques actuelles, il est essentiel de revenir aux racines de la montée du Hamas à Gaza. À la fin des années 1980 et au début des années 1990, alors que le Fatah de Yasser Arafat dominait la scène politique palestinienne et entamait des négociations avec Israël, le Hamas n’était qu’un mouvement marginal. Pourtant, Israël, sous divers gouvernements, y compris ceux dirigés par Benjamin Netanyahu, a adopté une approche permissive, voire encourageante, envers le Hamas, le considérant comme une alternative radicale aux modérés de l’OLP.
La logique était simple, en permettant au Hamas de prospérer à Gaza, il sapait toute possibilité de création d’un État palestinien unifié. En effet, avec une Palestine divisée entre le Fatah en Cisjordanie et le Hamas à Gaza, les négociations de paix devenaient impossibles. Netanyahu a su jouer de cette division pour affaiblir les tentatives internationales visant à relancer un processus de paix sérieux.
Mais au-delà du conflit à Gaza, Benjamin Netanyahu poursuit une stratégie plus vaste et plus inquiétante : attiser les tensions avec l’Iran pour pousser la République islamique à commettre une erreur fatale, entraînant ainsi une intervention militaire directe des États-Unis contre Téhéran. Cette stratégie d’escalade contrôlée, qui s’appuie sur l’isolement diplomatique de l’Iran et des provocations répétées, n’a qu’un but : forcer un conflit régional qui pourrait entraîner la destruction du régime iranien.
Les travaux de John Mearsheimer, éminent théoricien des relations internationales, apportent un éclairage pertinent sur la stratégie à long terme de Netanyahu, mais aussi sur la réponse américaine à cette crise. Mearsheimer, coauteur du célèbre ouvrage The Israel Lobby and U.S. Foreign Policy, a démontré depuis longtemps comment l’influence du lobby pro-israélien aux États-Unis a façonné la politique étrangère américaine de manière à soutenir Israël, même lorsque ses actions sont contraires aux intérêts stratégiques à long terme des États-Unis.
Dans cette crise, Mearsheimer souligne que la politique de soutien inconditionnel des États-Unis à Israël, quelle que soit l’ampleur des exactions commises contre les Palestiniens, est non seulement moralement condamnable, mais aussi stratégiquement dangereuse. En maintenant cette politique, les États-Unis alimentent le ressentiment à travers tout le Moyen-Orient, y compris en Iran, ce qui rend une confrontation militaire inévitable à terme.
Pour Mearsheimer, le calcul de Netanyahu repose sur un postulat de départ ; celui que les États-Unis interviendront toujours pour protéger Israël, quel qu’en soit le prix. Cependant, cette approche ignore le fait que l’implication américaine dans un conflit ouvert avec l’Iran pourrait déclencher une guerre régionale, voire mondiale, avec des conséquences catastrophiques non seulement pour Israël et l’Iran, mais pour toute la région et même au-delà.
Une logique de guerre permanente
Face à cette situation, l’absence de perspective de sortie de crise est accablante. Les dirigeants israéliens, avec Benjamin Netanyahu en tête, ne proposent aucune voie diplomatique. Au contraire, leur stratégie repose sur une logique de guerre permanente, où la paix est perçue comme un risque existentiel pour l’État hébreu. Cette impasse est une honte pour notre civilisation, car elle montre l’échec de la communauté internationale à imposer une solution juste et durable à un conflit qui perdure depuis des décennies.
La vision religieuse de Netanyahu et de ses plus proches conseillers, qui voient la Torah comme un cadastre divin, est non seulement dangereuse, mais profondément anachronique. Dans un monde moderne, où la coexistence pacifique et le respect des droits de l’homme sont des principes fondamentaux, cette lecture littérale et exclusive des textes religieux ne peut pas servir de base à la politique d’un État. En revendiquant un droit exclusif sur des terres partagées par plusieurs peuples depuis des siècles, Netanyahu nie la réalité actuelle et condamne la région à une guerre sans fin.
Cette vision est incompatible avec les réalités géopolitiques et démographiques du 21ème siècle. Le peuple palestinien, tout comme le peuple israélien, a un droit légitime à vivre en paix et en sécurité sur cette terre. Toute solution durable doit passer par une reconnaissance mutuelle et un partage équitable des ressources et des territoires. Mais tant que Netanyahu et ses partisans resteront enfermés dans cette vision archaïque, toute paix durable restera hors de portée.
L’inaction des puissances occidentales face à ce conflit asymétrique, et en particulier face aux actions brutales d’Israël à Gaza, témoigne de l’hypocrisie des valeurs proclamées par les démocraties modernes. Alors que ces dernières prônent la protection des droits de l’homme, elles ferment les yeux sur les violations massives perpétrées par Israël, allant de la colonisation illégale des territoires palestiniens à l’imposition d’un régime d’apartheid.
Au-delà des enjeux géopolitiques, le coût humain de cette stratégie est colossal. La population de Gaza, épuisée par des années de blocus et de bombardements, vit dans une pauvreté endémique, privée des droits les plus fondamentaux. L’accès à l’eau, à l’électricité, aux soins médicaux et même à la nourriture est dramatiquement restreint. Les enfants, qui représentent la majorité de la population, grandissent dans un climat de peur et de violence constante.
En Cisjordanie, la colonisation israélienne continue de progresser, réduisant à néant les espoirs de création d’un État palestinien viable. Les colons israéliens, encouragés par le gouvernement de Netanyahu, s’emparent chaque jour de nouvelles terres palestiniennes, sous la protection de l’armée israélienne, tandis que les Palestiniens sont soumis à des restrictions de mouvement, à des détentions arbitraires et à des violences systématiques.
Un an après les attaques du 7 octobre, la stratégie de Netanyahu mène la région vers une guerre dont les conséquences seront incalculables que seul un sursaut de la communauté internationale, États-Unis compris, peut empêcher.
Ayoub Bouazzaoui