L’Autorité Marocaine des Marchés de Capitaux occupe une place centrale pour la mise en place des outils, procédures et règles destinées au développement d’un marché des capitaux actif et attractif. Dans l’entretien qui suit, Mme Nezha Hayat, Présidente de l’AMMC expose avec clarté l’ensemble du processus enclenché par l’Autorité pour l’accomplissement de ses objectifs.
La Nouvelle Tribune : Quelle est votre appréciation de la confiance dans le marché des capitaux ?
Mme Nezha Hayat : L’évolution du marché des capitaux s’appuie sur une vision claire visant à faire du Maroc un hub financier international et ce, à travers les différentes réformes menées ces dernières années portant tant sur le cadre légal et réglementaire, que sur le plan de l’organisation et du fonctionnement des marchés ainsi qu’en termes d’infrastructures de marché. Dans ce cadre, il y a lieu de souligner l’importance de la loi 43-12 relative à l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux, qui a marqué un tournant avec l’adoption du nouveau statut de l’Autorité. Cette loi a ainsi insufflé une nouvelle dynamique, renforcé l’indépendance du régulateur et élargi ses prérogatives. Ladite loi a également instauré, dans un objectif de séparation et de professionnalisation des fonctions, un Collège des sanctions chargé d’instruire les dossiers pouvant faire l’objet de sanctions administratives ou pénales et dont la qualité des membres et l’autonomie participent à la consolidation du climat de confiance. En effet, afin de permettre au marché des capitaux de jouer pleinement son rôle de financement de l’économie nationale, il est nécessaire que le public, les épargnants et les investisseurs, lui accordent sa confiance. Celle-ci constitue véritablement la pierre angulaire sur laquelle reposent toutes les composantes du marché et sans laquelle ce dernier ne peut se développer harmonieusement. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux a fait du renforcement de la confiance dans le marché des capitaux le premier axe de son plan stratégique 2017-2020.
Depuis la transformation de l’AMMC qu’est-ce qui a été fait pour renforcer la confiance ?
Depuis sa transformation, l’AMMC a mené de nombreuses actions visant à renforcer la confiance dans le marché des capitaux. Ces actions s’articulent autour des trois axes principaux suivants : l’amélioration de la transparence du marché, le renforcement des contrôles notamment par une approche préventive basée sur les risques, ainsi que le développement des capacités des opérateurs et des épargnants. S’agissant de la transparence, elle constitue un vecteur essentiel pour un fonctionnement efficient du marché. Elle procure aux investisseurs l’assurance de prendre des décisions en connaissance de cause et dans des conditions d’égalité d’accès aux informations.
La nouvelle circulaire relative à l’appel public à l’épargne, récemment publiée, s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans cette logique. Elle vise notamment à améliorer les standards de la communication tant financière qu’extra-financière, ainsi que les pratiques de bonne gouvernance des émetteurs. Comme vous le savez, la décision d’investissement repose sur l’information. Aussi, une information de qualité, obtenue en temps opportun et largement accessible, contribue nécessairement au renforcement de la confiance. Il en est de même de l’amélioration de la gouvernance des émetteurs avec l’obligation pour les sociétés faisant appel public à l’épargne de désigner un ou plusieurs administrateurs indépendants, et pour les sociétés cotées de disposer d’un comité d’audit composé d’au moins deux administrateurs indépendants dont le Président dudit comité.
Sur le plan du renforcement des contrôles, nous avons revu notre approche et notre organisation interne en dédiant une direction entière aux enquêtes et contrôles et ce, dans le but de veiller davantage à l’intégrité du marché. Parallèlement, nous avons opérationnalisé le Collège des sanctions institué par la loi 43-12 relative à l’AMMC et dont les résultats commencent véritablement à produire leurs effets auprès des acteurs concernés. En effet, la création de cet organe au sein de l’AMMC constitue une avancée majeure, répondant à l’exigence de séparation des fonctions de poursuite et de sanction et du respect des principes du contradictoire et du procès équitable.
Je rappelle que les sanctions sont efficaces lorsqu’elles permettent, de manière effective, de faire respecter les textes législatifs et réglementaires, proportionnées lorsqu’elles reflètent adéquatement la gravité de l’infraction commise et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs visés, et dissuasives lorsqu’elles sont suffisamment sévères pour décourager les auteurs d’une infraction de récidiver et tout contrevenant potentiel de passer à l’acte. Je rappelle également que les sanctions prononcées par l’AMMC sont systématiquement rendues publiques. Concernant les actions visant à développer les capacités des opérateurs et des épargnants, il y a lieu de citer la récente mise en place du dispositif d’habilitation. Celui-ci permet de s’assurer que les professionnels du secteur disposent des compétences nécessaires pour mener à bien leurs missions. Il s’agit d’une évolution importante dans la consolidation des acquis de notre place financière qui a pour but à la fois de crédibiliser les professionnels mais aussi de les protéger. Cette action est de nature à améliorer la confiance exprimée par le public à l’égard des intervenants, acteurs incontournables du marché des capitaux.
L’AMMC a également mis en place une structure dédiée à l’éducation financière du grand public en vue de rendre accessible au plus grand nombre le marché et veiller à ce que le public ait une meilleure connaissance des avantages et risques liés à l’investissement dans les différents instruments financiers. L’objectif est d’inculquer au public les réflexes lui permettant de mieux assurer sa propre protection en amont et en aval de l’acte d’investissement (comprendre ses droits, s’habituer aux canaux d’information, connaitre les possibilités de recours, etc.). De cette manière, nous pouvons sensiblement réduire les craintes liées à la méconnaissance des instruments et des mécanismes et pérenniser ainsi la présence des investisseurs sur le marché.
Enfin, l’AMMC s’évertue à mettre à la disposition des investisseurs et des acteurs du marché des informations claires sur le déroulement des processus de traitement de l’AMMC, en particulier ceux qui intègrent une interaction forte avec les acteurs du marché à l’instar des visas, agréments et autres autorisations, le tout appuyé par la diffusion de guides didactiques.
Que fait l’AMMC pour attirer les investisseurs ?
Nous sommes convaincus que la diversification de l’offre de produit est un levier essentiel pour dynamiser le marché et attirer d’autres types d’investisseurs pour lesquels les instruments classiques ne répondent pas toujours à leurs besoins. C’est ainsi que nous avons récemment procédé, en étroite collaboration avec le Ministère de l’économie et des finances, au lancement des organismes de placement collectif immobilier (OPCI) et, quelques mois auparavant, des sukuks.
Plusieurs autres projets visant à attirer davantage d’investisseurs ont été initiés et sont à des stades d’avancements différents. Le plus abouti, celui porté par la nouvelle loi sur la Bourse dont le règlement général devrait être publié prochainement, introduira plusieurs avancées majeures pour le marché. Celles-ci permettront de renforcer l’attractivité du marché, tant pour les investisseurs que pour les émetteurs, en répondant à leurs besoins et contraintes, sans toutefois altérer l’intégrité du marché. Ainsi, un marché alternatif dédié aux PME a été institué et assorti de règles adaptées à ce type de structure. L’objectif étant à la fois de faciliter l’accès au financement par le marché à ce type d’émetteurs tout en offrant aux investisseurs une nouvelle classe d’actifs permettant de diversifier la nature de leurs expositions.
De même, l’introduction de compartiments réservés aux investisseurs qualifiés, permettra d’élargir la palette des entreprises ou projets qui pourront accéder à la bourse, tels que les projets d’infrastructures, les start-ups … Les investisseurs et émetteurs étrangers ne sont pas en reste non plus. En effet, un cadre favorable aux cotations en devise et double-cotations a été mis en place, et ce en vue d’attirer des sociétés et des investisseurs étrangers sur la place Casablancaise. L’instauration d’une nouvelle profession, à savoir celle des conseillers en investissements financiers devrait, quant à elle, contribuer à l’élargissement de la base des investisseurs, compte tenu de leur proximité avec le grand public, en devenant un canal important de promotion et de distribution des produits financiers, en complément des canaux existants.
Par ailleurs, nous travaillons sur d’autres leviers qui devraient permettre de favoriser la liquidité du marché. En effet, celle-ci constitue l’un des principaux challenges à relever au sein de notre marché afin que celui-ci puisse contribuer davantage au développement économique et social de notre Royaume. A titre d’exemple, la cotation des Exchange Traded Funds (ETF), la mise à jour du cadre régissant les opérations de prêts et emprunts de titres, ainsi que l’opérationnalisation du marché à terme d’instruments financiers, constituent autant de chantiers sur lesquels l’AMMC est fortement mobilisée.
Ainsi, si je devais résumer les nombreuses actions qui ont été réalisées dans l’objectif de renforcer la confiance, je dirais que le dispositif de régulation du marché des capitaux dans son ensemble a été considérablement rehaussé pour être en ligne avec les meilleurs standards internationaux, et accompagner ainsi la volonté de faire de notre place financière un véritable pôle d’attractivité sur le plan continental et international.
Entretien réalisé par
Afifa Dassouli