La brigade des stupéfiants thaïlandaise lors d'un exercice d'entraînement à Hua Hin en Thaïlande, le 24 août 2017 © AFP Aidan JONES
Le long voyage de Somphal Boonsanoon, consommateur et dealer, dans l’univers de la drogue s’est terminé dans une fosse creusée à la va-vite à Ayutthaya, cœur historique de la Thaïlande et entrepôt de drogue de l’Asie du Sud-Est.
Comme des milliers d’autres adolescents thaïlandais, il est devenu très jeune dépendant à ces petites pilules de méthamphétamine souvent coupées avec de la caféine appelées ici « yaba », « la drogue qui rend fou ».
Petit dealer, Somphal Boonsanoon est tombé pour avoir voulu doubler des trafiquants plus importants: à 39 ans, il a été abattu aux côtés de deux autres toxicomanes après avoir volé 2.000 pilules de yaba. Leurs corps ont été abandonnés sur une rive boueuse de la rivière. Les tueurs étaient des junkies de la campagne voisine.
« C’était un homme respectable. Il n’était pas violent », raconte à l’AFP l’un des proches de Somphal, qui a demandé à ne pas être identifié par crainte des représailles de la part des gangs. « Mais il avait un point faible… la drogue. Il ne pouvait tout simplement pas arrêter ».
Ayutthaya, à une heure de route au nord de Bangkok, est surtout connue pour ses temples anciens, où affluent les touristes. Mais c’est aussi un « carrefour » du commerce régional de la drogue en Asie du Sud-Est et au-delà, estime le général de police Wuttipong Petchgumneard, du Bureau thaïlandais de répression des stupéfiants.
« La plupart de la drogue écoulée à Bangkok ou à l’étranger est stockée là avant d’être collectée par les dealers », ajoute le général.
Quasiment toutes les nuits, des véhicules quittent la zone, bourrés de stupéfiants. Parfois, la police a de la chance. Mais le plus souvent, les convois de drogue passent sans encombre.
– Réseaux puissants et riches –
« Ce sont des organisations criminelles internationales, elles ont de l’argent, des technologies… donc nous devons constamment évoluer pour les attraper », ajoute Wuttipong.
Entre le début de l’année et le 18 septembre, les policiers thaïlandais ont mis la main sur 199 millions de pilules de yaba, d’une valeur totale d’environ 1,2 milliard de dollars (1 milliard d’euros) sur le marché local, ce qui représente un nombre total de saisies deux fois supérieur à celui de 2016.
dans un pick-up, qui a été arrêté à l’aube sur une route dans le nord-est du pays.
Ces saisies qui illustrent l’arrivée massive ces derniers temps des approvisionnements en provenance des laboratoires installés dans le Triangle d’or, zone frontalière connue pour ses trafics entre le Laos, la Birmanie et la Thaïlande.
La police thaïlandaise estime qu’entre 500 millions et un milliard de comprimés de yaba auront été produits en 2017, principalement en Etat Shan, en Birmanie.
Les cachets souvent estampillés ‘WY’, logos de laboratoires implantés appartenant à l’important groupe armé des Wa et implantés dans l’est de la Birmanie où opère ce groupe, sont vendus entre 4 et 8 dollars l’unité.
– ‘Dangereux de parler’ –
En octobre, les autorités australiennes ont saisi, cachées dans des bouteilles de thé vert en provenance de Thaïlande, près de quatre tonnes d’éphédrine liquide – un produit qui augmente la pression artérielle et est notamment utilisé dans la fabrication de sirop contre la toux, mais qui sert également à fabriquer de la méthamphétamine.
Le nombre croissant d’accros à la méthamphétamine dans le monde pousse les laboratoires frontaliers birmans à faire des heures supplémentaires pour répondre à la demande.
Dans la région de Maha Rat, au nord d’Ayutthaya, la drogue est partout.
« Les gens de la région savent qui prend de la drogue et qui en vend, mais c’est dangereux d’en parler », explique un parent de Somphal.
Un responsable de la santé confirme sous couvert de l’anonymat qu’entre 40% et 50% des habitants de cette petite région se droguent.
Et l’approche hyper-répressive de la Thaïlande n’y change rien: les prisons sont pleines de petits dealers ou toxicomanes mais les barons de la drogue mènent grand train.
Le pays a le dixième taux d’incarcération le plus élevé au monde, selon la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), mais n’a pas réussi à faire chuter le taux de dépendance ou la production de drogue.
« La demande atteint un niveau exceptionnel mais il n’existe pas de réels dispositif de réhabilitation », déplore Jeremy Douglas de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC).
LNT avec AFP