A mi-chemin entre Ouahbi et Taoufiq, la nouvelle Moudawana se précise. En effet, en ce début de semaine, au palais royal de Derb Soltane à Casablanca, il a été question de faire le point sur le processus des consultations sur la Moudawana. Devant le Souverain, les ministres des Habous et de la Justice, accompagnés par le Chef du Gouvernement, ont présenté l’état des lieux des discussions sur ce texte très attendu par les Marocains.
On attendait aussi de savoir que serait l’avis des Oulémas, qui ont longtemps gardé le silence par rapport à cette réforme qui met en dualité deux courants, les progressistes et les conservateurs. Alors que sur le plan officiel, le Maroc qui reste une Imarat Al Mouminine, il se veut aussi un pays qui ouvert, moderne et signataire des Conventions Internationales en matière des Droits de l’Homme. Ainsi, la question de la Moudawana pose en réalité une véritable problématique de fond.
C’est dans ce contexte marqué également par la récente publication des résultats du RGPH 2024 qui ont révélé d’importants changements de la société marocaine, qu’est intervenu un nouveau round du débat sur la réforme, cette fois-ci plus clair sur l’orientation générale vers laquelle se développe la prochaine Moudawana.
Dans son exposé, Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des Affaires Islamiques, a commencé par préciser que l’avis du Conseil Supérieur des Oulémas a été conforme à la majorité des 17 questions soumises pour avis légal dans le cadre de la révision du Code de la Famille : « Conformément à la décision pertinente de Sa Majesté le Roi, Amir Al-Mouminine, de bien vouloir soumettre 17 questions pour avis légal, l’avis du Conseil supérieur des Oulémas a été conforme à la majorité de ces questions », a-t-il dit, tout en précisant les modalités possibles pour une conformité des autres avec les règles de la Charia.
Et de poursuivre que trois d’entre elles sont relatives à des textes formels n’autorisant pas l’Ijtihad à leur sujet, en l’occurrence celles se rapportant au recours à l’expertise génétique pour établir la filiation paternelle, à l’abrogation de la règle du Taâsib et à la successibilité entre un musulman et un non musulman.
Et de préciser que le Conseil a donné son aval aux propositions de l’Instance concernant la possibilité de conclusion de l’acte de mariage pour les Marocains résidant à l’étranger sans présence de deux témoins musulmans si cela s’avère impossible, l’octroi de la tutelle légale des enfants à la mère chargée de la garde et la considération du travail de l’épouse au sein du foyer comme une contribution au développement des biens acquis durant la relation matrimoniale.
Il s’agit aussi, a-t-il poursuivi, de l’obligation de la Nafaqa au profit de l’épouse dès l’établissement de l’acte de mariage, de l’exclusion du foyer conjugal de l’héritage, de la priorisation des créances des deux conjoints résultant de la communauté des biens par rapport aux autres dettes en vertu de leur association et du maintien de la garde de la mère divorcée sur ses enfants, même en cas de remariage.
Pour sa part, le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a indiqué que les propositions issues des larges consultations portent sur les différentes questions encadrées par le Code de la Famille et visent à corriger certains dysfonctionnements juridiques et judiciaires enregistrées, à transcender la lourdeur et la lenteur des procédures judiciaires, à assurer une plus grande intervention du ministère public et à traiter certains phénomènes sociaux liés aux questions du mariage des mineurs, de la polygamie, de la garde des enfants, de la Nafaqa, de la tutelle légale, du foyer conjugal, ainsi que les problèmes résultant de la rupture de la relation conjugale qui menacent les intérêts supérieurs des enfants.
Lors de session de travail consacré à la présentation des résultats des consultations et du lancement de l’initiative législative, le Souverain a tenu à rappeler que la révision doit respecter les principes d’égalité, de justice, de solidarité et d’harmonie, inspirés par l’Islam et les conventions Internationales ratifiées par le Maroc. Le Roi a également insisté sur la nécessité de formuler des propositions législatives claires, afin d’éviter les contradictions judiciaires et de faciliter leur application, notant que ce projet vise à moderniser et harmoniser le Code de la Famille, en le rendant plus adapté aux évolutions sociales tout en préservant les valeurs fondamentales. Par la même occasion, le SM a insisté sur l’importance d’informer en continue l’opinion publique marocaine sur tout ce qui concerne de près de loin le process des consultations.
Autrement dit, le grand débat sur la Moudawana n’est pas près de s’arrêter.
Hassan Zaatit