Comme chaque année à pareille époque, la City de Londres a tenu son forum dédié aux services financiers internationaux les 23 et 24 avril dans l’un des bâtiments les plus emblématiques, situé au cœur de la première place financière mondiale, le Guildhall.
Sponsorisée par les plus grandes institutions financières, banques d’affaires, fonds d’investissements et autres assureurs, la City Week est une manifestation qui se tient par la volonté des acteurs majeurs de la finance londonienne, City &Financial Global, City of London, TheCityUK, le Département du Commerce International, UK Finance ou encore Business Is Great.
Le gratin de la Finance au rendez-vous
Pour la présente édition, ce sont plus de trois cents personnalités du monde des affaires, de la Finance, de la Banque, de l’Assurance, du Conseil, de l’Audit ou du Droit des affaires, mais aussi de la Presse ou de l’Université qui figurent parmi les inscrits, venues des quatre coins du monde, et notamment du Commonwealth, d’Asie, d’Afrique, d’Europe, d’Amérique du Nord, du Golfe, etc.
Ce forum, bien évidemment, est l’occasion pour analyser, réfléchir, informer et s’informer sur les enjeux et les défis qui se présentent à la finance mondiale et notamment pour la City de Londres qui, malgré les aléas de la politique britannique, met tout en œuvre pour conserver et renforcer sa position dominante dans le champ très compétitif des places financières internationales.
C’est pourquoi la City Week est un événement « très couru » par tous ceux qui cherchent des investisseurs, ceux qui cherchent des placements, ceux qui prodiguent des conseils, ceux qui s’inquiètent de la régulation ou de la dérégulation, ceux qui militent pour la distanciation par rapport à l’Europe, ceux qui regrettent le processus de séparation matérialisé par le Brexit, ceux qui appellent de leurs vœux l’Article 50 du Traité de l’Union européenne et ceux qui refusent de le voir s’appliquer.
Lors de la City Week, outre les nombreuses communications présentées lors de panels soigneusement organisés et respectueux du temps de parole accordés à chacun, un espace est aménagé au centre du Guildhall où les grands opérateurs du monde de la finance « tiennent salon » afin de présenter leurs offres aux participants, transformant ainsi la City Week en un lieu privilégié pour des « b to b » aussi féconds que nombreux.
L’édition 2018, comme la précédente d’ailleurs, aura d’abord été marquée par l’événement majeur qui interpelle le Royaume-Uni depuis le référendum de juin 2016, le Brexit et l’affirmation de la volonté majoritaire du peuple britannique de quitter l’Union européenne.
Brexit or not Brexit…
La City de Londres ne s’est toujours pas remise de ce tsunami politique qui aurait pu menacer les positions de la place financière devenue attractive pour toute la finance mondiale et c’est encore sous le prisme du Brexit et de ses conséquences que les réflexions et discussions étaient organisées au cours des deux jours de ce forum.
Mais les gens de la Finance sont des pragmatiques, ils ne cherchent pas à se lamenter ou à baisser les bras et si la City Week s’est tenue en cette fin d’avril, c’est d’abord pour montrer qu’un forum international sur les services financiers avait toute sa pertinence à Londres aujourd’hui.
En effet, la City se veut la place privilégiée pour l’application des meilleures et plus efficaces innovations en matière financière, à travers la Fintech, c’est-à-dire la nouvelle industrie financière qui déploie la technologie pour améliorer les activités financières, mais aussi l’Assurance tech, la maitrise du risque, la conformité (compliance), etc.
La City Week leur était dédiée à travers plusieurs panels, mais sous trois mots d’ordre essentiels, qui fondent l’existence même de la place financière de Londres, « globalité, efficience et liquidité ».
Car s’il s’agit désormais de vivre sous le Brexit, avec les conséquences que l’on sait et que beaucoup redoutent, les financiers britanniques veulent prouver qu’il représente une opportunité d’ouverture, d’extension de leurs offres et services, de partenariats approfondis avec toutes les places financières de la planète.
Cela, sans omettre le fait que la City compte bien aménager des rapports nouveaux et féconds avec l’Union européenne, sans perdre de ses atouts et avantages tels qu’ils existaient, avant le référendum de sortie de l’UE.
En une formule un peu triviale donc, pour la City de Londres, il s’agit, avec ou sans Brexit, d’obtenir « le beurre et l’argent du beurre » !
Je gagne, tu gagnes !
Voilà pourquoi, alors que les négociations entre la Commission européenne et le gouvernement de Mme May sont entrées dans une phase active et concrète, la City Week 2018 avait pour objectif de mettre des concepts clairs et opérationnels sous le mot d’ordre « d’équivalence renforcée » (Enhanced Equivalence ), c’est-à-dire d’établir un partenariat win-win entre un Royaume Uni qui regarde désormais vers le monde, et une Union européenne qui ne saurait au pied levé remplacer ou prendre la place prééminente de la City dans le domaine des services financiers mondiaux.
Cette volonté d’un réalisme pragmatique permettant de dépasser ou de contourner les décisions politiques a fondamentalement servi de toile de fond à tous les débats et panels qui se sont déroulés au cours des deux journées de ce forum à nul autre pareil par la qualité des intervenants et des participants.
Mais, plus que toute autre chose, ce qui s’est révélé à l’occasion de cette City Week, ce sont la formidable réactivité et la grande capacité d’adaptation de la place financière de Londres aux évolutions internationales, européennes et locales dans l’optique de conserver intactes ses positions de place financière de premier ordre.
La City réfléchit, agit, planifie et organise sa conversion, l’extension de son domaine d’intervention, propose des innovations, financières et autres, afin de continuer à offrir cette attractivité qui a fait sa force.
Elle accueille pour cela, chez elle à l’occasion de ce forum, tout ce qui compte dans la finance mondiale, opérateurs, investisseurs, experts, acteurs, afin qu’ils prennent connaissance des efforts accomplis pour garder le leadership et qu’ils soient conscients que la City « is the place to be ».
Londres, Casablanca, y a pas photo !
Quand on observe ce dynamisme, ces efforts multiples et permanents, cette capacité à se remettre en cause, cette volonté d’aller de l’avant, quels que soient les obstacles conjoncturels, on ne peut s’empêcher de penser que la place financière de Londres a trouvé les voies de sa pérennité.
Impossible donc d’éviter de faire la comparaison avec « les initiatives » de nos acteurs et décideurs nationaux en charge du développement de la place financière de Casablanca.
Quand la City s’ouvre aux autres en les interpellant sur ses « propres terres », avec toute une gamme d’offres, d’outils nouveaux, de produits les plus attractifs, nous Marocains, nous préférons rester en comité restreint et fermé, participer à des « road shows » entre affidés, pour des séjours peu productifs, à Londres ou à New York certes, mais pour se contenter de « vendre le Maroc, sa stabilité, son système institutionnel », ce qui n’est en rien redevable à nos acteurs et responsables du secteur financier !
Quand Londres, (qu’on ne saurait comparer certes à une place financière locale aux aspirations seulement régionales), cherche concrètement à offrir plus et mieux, Casablanca se contente de présenter un « plan de développement sur trois ans », fait de vœux pieux et de promesses.
Globalité, Efficience, Liquidité, les trois atouts de Londres et les trois rêves impossibles de Casablanca !
DNES à Londres,
Afifa Dassouli