
La cotation du dirham marocain par rapport à un panier de devises composé à 60% d’euros et à 40% de dollars, dont la libéralisation progressive a été entamé en 2018 dans une bande de fluctuation de 2,5%, élargie en 2020 à 5%, a permis de constater une certaine stabilité de notre monnaie. Au point que M. Jouahri, le Wali de la banque centrale, envisage d’aller plus loin dans son assouplissement. C’est du moins ce qu’il a annoncé dans une récente interview accordée à Bloomberg, affirmant qu’il envisage de détacher le dirham du panier de devises actuel pour en soumettre la cotation à l’offre et la demande du marché en 2026.
Toutefois, le renforcement du dollar actuel qui s’inscrit dans le temps, est considéré par le nouveau président américain comme une arme du renforcement de l’économie du pays. D’autant que les nouvelles mesures commerciales concrétisées par la généralisation du taux de 25% des taxes à l’importation sur l’acier décrété par Trump cette semaine, risquent de créer de l’inflation, une appréciation des taux d’intérêts américain et renforcer encore le dollar. Ainsi, la force du dollar US, n’impacte-t-elle pas déjà le dirham ?
Selon le FX Monthly de BMCE Capital, « en février 2025, la liquidité du Dirham marocain a maintenu une relative stabilité, soutenue par des flux d’exportation solides, en particulier dans le secteur stratégique des phosphates et dérivés. Ces exportations ont contribué à préserver l’équilibre du Dirham face aux pressions extérieures, malgré un contexte international marqué par un renforcement du Dollar américain ». Même si, sur le Marché des changes, la paire USD/MAD s’est dépréciée de -0,66% sur la période, intégrant un effet panier de -0,5375% et un effet marché de -0,6340% ».
Et selon leur analyse, « l’Euro est en déclin et le Dollar continue de s’imposer en février 2025, la paire EUR/USD continue de s’affaiblir pâtissant d’un Dollar robuste soutenu par des rendements obligataires élevés et une économie américaine toujours dynamique. Alimentée par la politique ultra-protectionniste annoncée par l’Administration Trump, cette tendance s’est accentuée en fin de mois suite à la confirmation du déploiement de tarifs douaniers à l’encontre de certains des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis. Les spéculations sur une possible extension de ces mesures à l’Union Européenne suite aux menaces proférées par le Président américain, ont également exacerbé les incertitudes au sein de la zone Euro. Enfin, la croissance économique européenne qui peine à se relever ainsi que la politique monétaire davantage accommodante de la BCE continuent de peser sur la monnaie du vieux continent ».
Dans ce contexte, et alors que les importations du Maroc sont en croissance comme pour le mois de janvier dernier de 3,4% à 59.844MDH quand les exportations baissent de 2,4% 35.359MDH affichant un déficit commercial de 13,3%, la dernière circulaire de l’Office des Changes publiée à la fin du mois de février est la bienvenue. En effet, l’OC a publié, le 25 février 2025, la circulaire n°2/2025 portant sur les opérations de couverture contre le risque de change lié aux opérations en capital réalisées par les non-résidents.
Élaborée en concertation avec les différentes parties prenantes, notamment Bank-Al Maghrib et l’Association Marocaine des Salles de Marchés, cette nouvelle circulaire s’inscrit justement dans la continuité des mesures visant à accompagner la réforme du régime de change. Elle complète les dispositions de l’Instruction Générale des Opérations de Change du 2 janvier 2024, introduisant des facilités de Change en matière de couverture contre le risque de change lié aux opérations, conformément aux dispositions de la réglementation des changes en vigueur.
Il s’agit bien sûr d’étendre la récente réforme du marché à terme aux opérations de change, pour sécuriser les opérations sur le marché des capitaux aux risques de change. À cet effet, elle prévoit des mesures avantageuses permettant aux banques et aux investisseurs de se doter des instruments de couverture, leur offrant ainsi la possibilité de mieux se prémunir contre le risque de change.
Pour faire face aux risques éventuels, les fondamentaux et les facteurs qui concourent à de telles avancées relèvent de la stabilité macroéconomique que connaît notre pays, soit un environnement où le Marché des capitaux dont celui des changes peut évoluer dans des conditions économiques, monétaires et financières globalement stables. Comme, elle relève aussi de l’expertise des acteurs du marché et de leur engagement continu qui contribue à la réussite des réformes menées.
Il faut aussi préciser que le marché de change, grâce à la réforme engagée pour une transition graduelle et ordonnée vers un régime de change plus flexible, et aux mesures d’accompagnement de cette transition, a gagné en maturité par rapport à trois dimensions. La première c’est sa profondeur, qui permet une plus grande capacité à absorber les transactions importantes sans impact majeur sur les cours ; la seconde est sa liquidité qui a connu une nette amélioration avec la multiplication par 10 du volume quotidien moyen traité sur le marché interbancaire ; et la troisième réside dans le « pricing » grâce à une contribution croissante des forces de l’offre et de la demande dans la détermination du taux de change du dirham.
De plus, depuis le début de 2025, Bank Al Maghrib a introduit le marché à terme interbancaire de gré à gré de swaps de taux au jour le jour, qui permettra de disposer d’une courbe monétaire de référence en dirham et qui devait donner une nouvelle impulsion au développement de l’ensemble des produits de couverture, en particulier sur le marché de change. Le marché de change à terme permettra ainsi de fournir une référence aux opérateurs économiques dans le cadre de leurs opérations de couverture contre le risque de change. En d’autres termes, le dirham n’a pas dit son dernier mot face au dollar.
Afifa Dassouli