Dans le paysage de la transformation digitale du secteur bancaire marocain, CIH Bank fait incontestablement figure de précurseur. Parmi les premiers groupes à intégrer le digital dans la stratégie d’entreprise, CIH Bank a investi 500 MDH, pendant 4 années de développement et 2 de finalisation, afin de devenir une référence continentale en la matière. Et les efforts ont porté leurs fruits, vu que selon une étude de l’agence D-rating, qui a récemment établi un classement de la digitalisation des banques marocaines, CIH Bank se positionne comme étant celle ayant le plus fort niveau d’utilisation des canaux digitaux.
Un mix entre physique et digital
Suite à une réflexion amorcée il y a de cela 7 à 8 ans, nous explique M. Driss Bennouna, Directeur Général Adjoint, chargé de la coordination de la stratégie digitale chez CIH Bank, le groupe a fait le choix, contrairement à ce qui se passe en Europe, où l’on trouve des banques purement digitales et des banques classiques, de s’orienter vers ce qui est appelé dans le jargon le «phygital», c’est-à-dire un mix entre le physique et le digital. Pour aborder ce virage, CIH Bank a mis en place à l’époque une stratégie à 3 axes. Le premier concernait le système d’informations (SI). Il a fallu que le groupe investisse fortement pour que son SI puisse être agile et facilement interopérable.
Le deuxième axe était l’axe humain, à travers un changement du mindset (état d’esprit) des collaborateurs, en passant par des formations, et le développement de la culture du digital dans l’entreprise. Cela est passé par l’organisation des « matinées du digital », durant lesquelles les équipes digitales allaient à la rencontre des agences, pour leur parler de digital, pas uniquement dans le secteur bancaire, mais aussi des réseaux sociaux, etc. Il a fallu également objectiver les commerciaux, selon M. Bennouna. CIH Bank a mesuré le taux d’utilisation du digital du personnel, avec comme objectif, 90% du personnel qui en consomment. C’est en étant soit même consommateur du digital que l’on peut aider les clients à consommer du digital. «C’est comme cela que nous avons poussé le digital, le SI ne suffit pas, il faut que le personnel soit lui-même imprégné du digital», précise le DG adjoint.
CIH a également été la première banque à rendre les services digitaux gratuits, «parce que quand on va dans une agence pour faire un virement, on ne paie pas pour rentrer dans l’agence, mais on paie des commissions sur les opérations», nous explique M. Bennouna.
De plus, si les opérations sont tarifées à 100% dans le physique, elles le seront à 50% dans le digital, afin d’encourager les clients à consommer les canaux digitaux. Le troisième axe était l’axe logistique. Les agences du groupe se devaient d’afficher une touche de digital, c’est-à-dire le wifi, un «digital corner», de l’affichage dynamique, etc.
L’ère du changement et de l’instantanéité
Les cycles de transformation sont de plus en plus courts. Après les cycles de 10 à 15 ans avec des périodes fortes de stabilisation, durant l’industrialisation, nous sommes passés à des cycles aujourd’hui qui sont très courts.
«La génération de banquiers qui part à la retraite en ce moment, a fait de la banque pendant 30 ans sans que celle-ci ne bouge. Les personnes que nous recrutons aujourd’hui, verront dans leur carrière bancaire plusieurs cycles», selon M. Bennouna. Cette perpétuelle évolution, source d’instabilité, demande aux banques d’être agiles, et de pouvoir changer rapidement. C’est pourquoi, comme c’est le cas de CIH Bank, une taille plus modeste permet une meilleure agilité, à l’opposée des grands groupes qui souffrent d’une inertie certaine.
La clientèle a évolué également. Les générations qui arrivent représentent une clientèle qui consomme la banque différemment, et qui est très exigeante vis-à-vis de la partie digitale, qu’ils maîtrisent depuis leurs plus jeunes années. Ils consomment les réseaux sociaux au quotidien, sont hyper connectés, et donc pour eux, la banque est aussi une connexion qu’ils doivent avoir. «Quand ça ne marche pas, ça réclame fort. Ils sont capables de faire du «good» ou «bad» buzz très facilement», explique M. Bennouna. Et d’ajouter : «Nous avons fait le pari d’investir dans la jeunesse, en nous disant que les futurs clients de demain, doivent être captés au plus tôt. D’où notre fameux Code 30».
Il y a quelques années, quand on faisait une opération à la banque, celle-ci envoyait un avis d’opéré papier, qui mettait une semaine à arriver. On était donc informé après une semaine que l’opération avait été exécutée. Aujourd’hui, le client est plus exigeant en termes de disponibilité de l’information. «Nous en avons fait un axe stratégique : le client doit être informé de toutes les données dont je dispose sur lui, en instantané.
Vus les cycles de production, parfois même le chargé de clientèle dispose de moins d’informations que le client lui-même», dixit M. Bennouna. Nous sommes ainsi passés d’un système à J+1 (au minimum) à un système à temps réel. Et maintenant, si le système s’arrête, la banque s’arrête…
Un principe gagnant-gagnant ?
On aura remarqué que le prix des opérations digitales est en grande majorité plus faible que celui des opérations dites «classiques».
C’est bien évidemment une manière d’inciter le client, mais pas seulement. En effet, «un client qui se déplace dans une agence pour réaliser une opération, fait travailler un chargé de clientèle, un caissier, consomme du papier. Il y a un coût. Et quand il fait une opération de chez lui, en plus d’améliorer son expérience utilisateur, c’est une réduction du coût de l’opération pour nous, donc nous la facturons moins cher au client», explique M. Bennouna.
La digitalisation comprend également le dialogue avec sa clientèle sur les réseaux sociaux, un des points saillants de la performance digitale de CIH Bank, qui génère un taux d’interaction équivalent aux banques européennes. L’avantage pour le client d’avoir une banque facilement joignable et responsive est indéniable. Mais pour CIH Bank, c’est une façon de pouvoir recevoir très rapidement les retours clients. En effet, auparavant, les plaintes pouvaient prendre des jours, voire des semaines, à être remontées aux services concernés. Maintenant, les équipes de M. Bennouna ont accès à cette information en instantané. «Pour nous, l’interaction est une sonde qui nous permet de réaliser en temps réel, l’impact de nos services. Quand nous ne sommes pas bons, ça se sait. Et quand nous le sommes, ça se sait aussi», détaille-t-il. Ainsi, la transformation digitale a complètement bouleversé les métiers de la banque, pour permettre plus d’efficacité, de moindres coûts, pour les clients comme pour l’entreprise, et l’accès à une mine d’informations client. En parallèle, cette transformation exige d’être réactif, agile, de pouvoir s’adapter rapidement au changement, sous peine d’être rapidement dépassé par la concurrence, ou de perdre de la clientèle après un « bad buzz » mal géré.
Selim Benabdelkhalek