Un trader devant un tableau d'indices boursiers, le 6 janvier 2020 à Dubaï © AFP/Archives Karim SAHIB
L’épidémie de pneumonie virale a provoqué une grosse chute de tension sur les marchés pétroliers en proie à leur pire mois depuis mai 2019 à New York et novembre 2018 à Londres et pourrait bouleverser le calendrier du cartel de l’or noir.
Les deux barils de référence, le WTI coté à New York et le Brent coté à Londres, ont subi une baisse de respectivement 16% et 12% depuis le début de l’année.
Les cours avaient pourtant encore bondi il y a quelques semaines au pic des tensions entre Iran et Etats-Unis.
Mais « les prix du pétrole ont été extrêmement vulnérables à l’épidémie » du nouveau coronavirus, remarque Craig Erlam, analyste du courtier en ligne Oanda.
Plus elle « se propage, plus l’impact économique potentiel et l’impact sur la consommation de pétrole sont importants », ajoute-t-il.
Apparue en décembre à Wuhan, au centre de la Chine, l’épidémie de coronavirus s’est largement propagée dans le pays et a contraint les autorités à prendre des mesures drastiques à même de ralentir son économie, la deuxième au monde.
Sur la période du 15 au 22 janvier, les importations chinoises de pétrole ont plongé de près de 2 millions de barils par jour (mbj) par rapport à la moyenne de janvier 2019, et de 3 mbj par rapport au début de l’année 2020, ont constaté les analystes de Kpler qui surveillent les va-et-vient des tankers.
Sans compter que la situation s’aggrave de jour en jour: le bilan de plus 200 morts a déjà dépassé le nombre de cas lors de l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras). La croissance chinoise avait alors été amputée de 2% aux premier et second trimestres 2003, ont rappelé les analystes.
En toute logique, « quand le moteur économique commence à avoir des ratés, le besoin en carburant chute », résume Naeem Aslam, un analyste de Avatrade.
La Chine est le deuxième consommateur mondial de brut et elle joue donc une rôle crucial dans l’équilibre d’un marché déjà fragilisé par une offre toujours plus abondante, du fait notamment des Etats-Unis qui pompent à des niveaux records grâce à l’essor du pétrole de schiste.
– Opep « nerveux » –
Les perspectives d’une baisse de la demande surviennent au moment où l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) lutte pour soutenir des prix pétroliers déjà fragilisés par l’offre pléthorique d’or noir et la croissance mondiale qui ralentit.
En façade, le ministre saoudien de l’Energie, Abdel Aziz ben Salmane, demi-frère du puissant prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) et chef de file du cartel, tente de rassurer et ne voit dans la baisse des cours qu’une réaction « psychologique » des investisseurs.
En coulisse, « la chute spectaculaire des derniers jours semble rendre l’Opep nerveux », a répondu Carsten Fritsch, analyste de Commerzbank.
Le Brent s’est par exemple enfoncé sous la barre des 60 dollars le baril, un des seuils symboliques pour les analystes et une première depuis début novembre.
Vendredi, le ministre russe de l’Energie, Alexandre Novak, s’est dit prêt à une rencontre « très rapidement si nécessaire ».
Le groupe et ses alliés de l’Opep+, emmenés par la Russie, s’étaient quitté en décembre en programmant une « réunion extraordinaire » début mars, alors que le cartel a plutôt l’habitude de se retrouver tous les 6 mois.
Avancer la réunion à la fin février pourrait avoir l’effet inverse qu’escompté et envoyer un signal de « panique » au marché, a ajouté M. Fritsch.
Si une baisse supplémentaire de la limitation volontaire de production, ou au moins une prolongation de celle-ci après mars, reste la principale arme du cartel pour soutenir les cours, elle pourrait ne pas emporter l’adhésion de ses membres ni de son principal allié, la Russie.
LNT avec AFP