Suite à la supplique adressée par la déléguée générale des Mulets et des Mules au Ministre des transports et rendue publique dans nos colonnes en date du 27 avril 2017, nous avons reçu la réponse suivante dudit ministère :
Ministère des transports,
Cabinet du Ministre
Chère déléguée nationale des Mules et Mulets, chère Madame Mule.
Vous avez bien voulu appeler mon attention en me faisant parvenir à l’issue de votre congrès annuel, un message pathétique dans lequel vous me faites part des mauvais traitements que vous font subir les muletiers en vous frappant violemment et sans raison. Je tiens d’ores et déjà à vous faire part de mon indignation et j’ai décidé d’accorder toute mon attention au contenu de ce que vous avez astucieusement qualifié de « supplique ». En réalité, ce n’en est pas une car elle s’inscrit dans une démarche tout à fait naturelle laissée à chaque citoyen pour défendre ses droits. Votre communauté fait partie intégrante de notre population animalière et elle dispose à ce titre de tous les droits qui lui sont réservés.
Permettez-moi avant d’aller plus loin dans ma réponse, de vous vous faire savoir que j’étais dans l’ignorance totale du traitement révoltant réservé à vos congénères, pour la simple raison que la mission dont j’ai la charge dans l’enceinte de mon ministère nous tient éloignés, mes collaborateurs et moi-même, de ces réalités quotidiennes, traditionnellement rurales ou périphériques des zones urbaines. La gestion des transports conventionnels, de la circulation urbaine et du chantier du TGV nous a fait oublier jusqu’à l’existence même du transport animalier. Aussi votre requête aura au moins le mérite de nous alerter sur la nécessité de nous pencher sur cette question. Je compte d’ores et déjà, en tant que Ministre de tutelle des transports, procéder à la mise en place d’une « commission nationale chargée de la promotion et de la sauvegarde du transport animalier ». Des décisions adéquates seront prises aussitôt que me parviendront les conclusions et les recommandations du comité ad-hoc.
Cependant, et sans attendre ce rapport, j’ai le plaisir de vous annoncer que je prendrai les arrêtés nécessaires afin de mettre en application les décisions suivantes :
1° : Des instructions seront envoyées par Internet à tous les muletiers mais pas seulement, afin de les informer de l’interdiction du recours aux bâtons, aux tuyaux en matière plastique, aux barres de fer et à tout autre objet rugueux ou contendant utilisé pour faire avancer les bêtes de somme.
2° : Des moyens de substitution leurs seront proposés sous la forme d’imitation de bâtons, dans une matière mise au point dans nos centres de recherche et dont la particularité consiste à procurer au muletier la jouissance habituelle provoquée par la violence du coup porté, sans pour autant supplicier l’animal ; la matière utilisée offrant l’avantage d’amortir les coups par le jeu d’inversion des forces centripètes. Les essais en laboratoire ont été concluants au sens où l’addiction du muletier à la violence exercée sur autrui se trouve satisfaite par des stimuli connus. Il vous faudra cependant et en contrepartie simuler la douleur pour ne pas éveiller des soupçons de possible supercherie.
3° : Une campagne d’affichage sera lancée pour appeler les muletiers à plus d’humanité ; à charge pour vous de demander à vos congénères un peu plus de docilité et de compréhension.
4° : Enfin, j’essaierai pour ma part de réfléchir à une solution à long terme consistant à enrichir mon ministère d’une « Sous-direction du transport animalier ». J’en mesure par avance la difficulté à cause des inévitables surenchères corporatistes qui ne manqueront pas de se manifester au sein des communautés des bêtes de somme. Je pense notamment aux syndicats des ânes et des dromadaires dont certains sont très puissants et qui verraient d’un mauvais œil la création d’une structure ministérielle susceptible de perturber leurs activités. En effet, l’intrusion d’agents administratifs susceptibles de fureter dans les comptes de leurs maîtres, risque d’éveiller les soupçons de l’administration fiscale dont tout le monde connaît l’esprit suspicieux, même si je devine que ceci vous chaut fort peu.
J’espère chère madame Mule, avoir répondu en partie à votre attente, et j’en profite pour rendre hommage à votre sens du débat démocratique et à la sobriété de vos propos, et vous prie enfin de croire à mes respectueuses salutations.
Le Ministre des Transports
Lettre traduite aimablement par
Saad Khiari
P.S : Toute ressemblance fut-elle approximative, avec une ou des personnes existant ou ayant existé serait pure coïncidence et simple fait du hasard.