Un vendeur d'ambre sur un marché à Danai,Dans l'Etat de Kachin, le 12 mai 2018 en Birmanie © AFP Ye Aung THU
Des centaines de « chasseurs d’ambre » arpentent chaque jour une zone du nord de la Birmanie en proie aux combats entre armée et guérilla ethnique, à la recherche du graal: un fossile de dinosaure qui les rendrait riches.
Sur le marché à la périphérie de Myitkyina, la capitale de l’Etat de Kachin, l’ambre est partout.
Certains vendeurs proposent des spécimens non découpés de cette résine fossilisée dont les bords sont encore rugueux, d’autres des produits finis: pendentifs, colliers, bracelets fabriqués à partir de pièces soigneusement polies. L’ambre était déjà utilisé pour la fabrication de bijoux à l’époque de la Grèce antique.
Tout se déroule à quelques dizaines de kilomètres de la ligne de front entre l’armée birmane et des rebelles ethniques Kachin qui luttent pour plus d’autonomie, mais aussi pour disposer de la terre et de ses ressources naturelles.
Le commerce de l’ambre, employée en bijouterie même si c’est une résine et pas une pierre, reste plus artisanal que celui du jade ou du rubis, florissants en Birmanie.
Mais il peut rapporter gros sur le marché noir pour quiconque contrôle la zone.
Sans un approvisionnement responsable, toute entreprise qui commercialise de l’ambre de Birmanie « peut être responsable d’alimenter le conflit et des violations des droits de l’homme », souligne Hanna Hindstrom, de l’ONG Global Witness.
Car l’ambre, le jade, l’or et le bois représentent les « principaux moteurs » du conflit dans le nord de la Birmanie, relève-t-elle.
– Jurassic Park –
Myo Swe, 40 ans, est revendeur sur le marché de Myitkyina et s’est spécialisé dans les « inclusions », résines dans lesquelles a été piégé une partie d’une plante ou d’un animal.
« Même si elle ne contient qu’une fourmi ou un moustique, chaque pièce est intéressante », explique-t-il, installé dans une petite cabane proche du marché.
Les pièces incluant des fossiles préhistoriques sont très recherchées par les collectionneurs et les paléontologues. Chacune peut coûter jusqu’à 100.000 dollars, la plupart passant en contrebande en Chine.
Ces inclusions dans l’ambre, longtemps méconnues, se sont retrouvées sous les projecteurs grâce à « Jurassic Park » dans les années 1990: dans le film, un groupe de scientifiques parvient en effet à faire revivre des dinosaures en extrayant l’ADN de moustiques conservés dans la précieuse résine couleur miel.
Les inclusions les mieux conservées offrent aux scientifiques et aux collectionneurs un fossile tridimensionnel, certaines créatures étant même figées dans des poses actives.
On trouve des dépôts d’ambre partout dans le monde mais, pour la paléontologie, les mines d’ambre de l’Etat Kachin sont « irremplaçables », explique Lida Xing, 36 ans, paléontologue à l’université de Pékin.
« La zone d’extraction en Etat Kachin est le seul site minier au monde d’ambre du crétacé (il y a 100 millions d’années) qui soit encore exploité de façon commerciale », explique-t-il.
« Il n’y a pas de meilleur endroit que la Birmanie », assure-t-il.
Lida Xing s’est fait connaître en 2015 quand il a ramené en Chine une partie d’une queue de dinosaure remontant à près de 100 millions d’années.
Mais il n’a pas réussi depuis à retrouver d’autres parties de l’animal. « Le reste a probablement été vendu ou brisé. Le dinosaure pourrait avoir été complet avec même sa tête », regrette-t-il.
– « Compliqué et dangereux » –
Dans cette zone, les recherches sont compliquées par le conflit armé.
La recrudescence ces dernières années des combats entre les soldats birmans et les indépendantistes kachin a poussé 100.000 personnes à fuir la région.
Il y a un an, tous les habitants autour des mines en Etat Kachin ont été enjoints via des tracts largués depuis des hélicoptères par l’armée à quitter la zone, selon l’ONG Human Rights Watch.
Aujourd’hui, seuls les chasseurs d’ambre aguerris osent s’y rendre.
« C’est très compliqué et dangereux de rejoindre la zone minière », raconte Lida Xing, évoquant son voyage en 2015.
« C’est un vrai problème pour la paléontologie. Il est possible de récupérer énormément d’informations en étudiant les strates et les sols mais, malheureusement, nous n’avons pas pu le faire. »
LNT avec AFP