Ouverture à Agadir du sommet des acteurs non-étatiques sur le climat (Climate Chance)
Le Président américain, Donald Trump, ne veut pas de l’Accord de Paris. Ceci n’est un secret pour personne. L’année dernière, et en pleine compagne présidentielle, le successeur de Barack Obama a exprimé son rejet total des accords climatiques. En mai dernier, le nouveau patron de la Maison Blanche est passé à l’acte et a décidé de retirer les Etats-Unis, un grand pays pollueur, mais aussi grand bailleur de fond, des Accords de Paris.
Très vite, les spécialistes et les différents acteurs du climat de par le monde, ont déclaré unanimement que cette décision pourrait sérieusement compliquer l’objectif de réduire le réchauffement mondial dans la limite de moins 2°C, de même qu’elle inquiète sur un possible effet “boule de neige”. Une telle perspective est d’autant plus inquiétante que le dérèglement climatique est indéniablement lié aux autres défis majeurs inhérents à la lutte contre la pauvreté, l’accès à l’énergie, à l’eau et aux autres ressources, et au développement durable.
Quatre mois après cette décision, il aura fallu dresser un bilan, revoir les stratégies, assurer et rassurer… et préparer la contre-attaque, entre autres. Le sommet ‘‘Climate Chance’’ tenu du 11 au 13 septembre à Agadir présente, de l’avis de beaucoup, l’occasion de dresser l’état des lieux de l’action climatique pour davantage de mobilisation, en particulier celle des acteurs non-étatiques.
Le président de l’Association Climate Chance, Ronan Dantec, a d’emblée souligné l’importance de cette messe, à laquelle participent des personnalités clés de l’action climatique internationale, pour faire le point sur les difficultés rencontrées, notamment après le retrait américain de l’accord de Paris, et pour réitérer les engagements en faveur d’actions et de solutions concrètes.
Salaheddine Mezouar, président de la COP 22, a, par ailleurs, tenu à saluer la présence à Agadir d’une forte délégation américaine comprenant notamment le ministre de l’environnement de l’Etat de Californie, qui traduit, selon lui, l’engagement d’un nombre important de villes et d’une grande partie du secteur privé de ce pays en faveur de l’agenda climatique, en dépit de la décision du président Donald Trump de se retirer de l’Accord de Paris. Et de rappeler que cette décision a engendré déjà 2 milliards de dollars de moins dans les caisses de la COP. Il est important de rappeler à ce sujet qu’il n’aura pas fallu longtemps aux Américains pour entrer en résistance suite à la décision du retrait de Washington de l’Accord de Paris, signé lors de la COP21 et ratifié par l’administration Obama. Seulement 96 heures après le retrait, 125 villes, 9 États, 902 entreprises et investisseurs, et 183 universités ont lancé l’initiative « We are still In ». Traduction : « Nous sommes toujours dans l’Accord de Paris ». Ensemble, ce groupement représente « 120 millions d’Américains et contribue à hauteur de 6 200 milliards de dollars à l’économie américaine », assurent les signataires dans une lettre commune. Ils y déclarent « leur intention de continuer à s’assurer que les États-Unis demeurent un chef de file mondial dans la réduction des émissions de carbone (…) Ils assurent l’engagement continu des États-Unis pour une action ambitieuse sur le changement climatique, malgré l’absence d’engagement au niveau fédéral. Les signataires procéderont à des réductions d’émissions qui aideront à faire respecter les engagements de l’Amérique dans le cadre de l’Accord de Paris ».
A Agadir, les représentants de ce mouvement ont vu leur présence abondamment applaudie lors de la séance d’ouverture de cette deuxième édition de ‘‘Climate Chance’’.
Ce n’est donc certes un hasard que le rôle des acteurs non-étatiques dans la lutte contre le changement climatique soit la thématique du sommet d’Agadir. Au passage aussi : le rôle de la société civile dans la lutte contre les aléas des agendas politiques et les choix des gouvernements.
Du côté des organisateurs, cette deuxième édition du “Climate Chance” se veut une plateforme de rencontres et de mobilisation pour une action collective autour de la mise en œuvre de l’accord de Paris et de la participation des acteurs non-étatiques à la réévaluation des Contributions Nationales (NDC’s).
Ceci dit, les participants sont venus à Agadir pour davantage d’action et de mobilisation, afin de revoir les politiques, les mécanistes de productions et les habitudes de consommation dans le grand d’espoir d’atténuer les conséquences dangereuses du changement climatique.
Pour les réseaux d’acteurs de la société civile, les collectivités locales et le secteur privé, le conclave d’Agadir sert justement d’occasion propice pour faire entendre à nouveau leur voix et mettre en évidence leurs engagements, tout en favorisant un nouvel élan de mobilisation des Etats en faveur de solutions concrètes aux enjeux de l’heure.
La tenue de cette grande messe des acteurs non-étatiques s’inscrit dans la lignée et l’esprit de la COP 22, à en croire son président Salaheddine Mezouar : « A travers cet événement, le monde va s’apercevoir que la mobilisation se poursuit et que les choses avancent et s’améliorent… Et ceci est très important car ce projet va prendre du temps et affronter des entraves multiples ». Et de poursuivre que la présidence marocaine, sans pour autant faire trop de bruit, souhaite avancer et aboutir les choses.
Sur un autre registre, il est important de constater aussi que la tenue de ‘‘Climate Chance’’ intervient à un moment où la colère du climat monte d’un cran. La succession coup sur coup aujourd’hui de cyclones et de typhons, aussi puissants que destructeurs, à l’image de José, Harvey et Irma, sonne comme un douloureux rappel de l’extrême urgence d’agir face au changement climatique. Agir justement, c’est le mot-clé. Et c’est d’ailleurs le grand espoir exprimé par les quelque 5 000 participants issus de 80 pays, en majorité d’Afrique, le continent le moins polluant, mais le plus vulnérable et exposé aux émissions de gaz à effet de serre.
Ici à Agadir et de l’avis de beaucoup, l’enjeu aujourd’hui est de taille pour l’Afrique. Cet espace a besoin d’un accompagnement en ressources financières et humaines importantes à même de relever les difficultés naturelles et les conséquences des aléas climatiques, explique Ronan Dantec, président de l’association Climat Chance, pour qui c’est aux institutions internationales de venir à bout des besoins des acteurs non-étatiques africains en la matière.
A Agadir, le sommet ‘‘Climat Chance’’ a permis de proposer une panoplie de projets pour une Afrique de moins en moins victime des aléas climatiques. À l’image de la COP 22, une place de choix a été donnée aux attentes et aux contraintes spécifiques à l’Afrique, avec notamment une déclaration des élus locaux et régionaux du continent pour lutter contre les changements climatiques. Au total, cinq séances plénières et plusieurs évènements parallèles se sont penchés sur un état des lieux de la mobilisation des acteurs non-étatiques, du progrès de l’action, des difficultés rencontrées ainsi que des axes d’actions existants et des solutions envisageables.
Néanmoins, pour Dantec, c’est aux acteurs de la société civile africains de s’organiser en véritable force de proposition, capable de s’opposer aux politiques publiques faisant fi de l’élément environnemental dans leur programme gouvernemental. Comme en Afrique, le top management de la COP n’a cessé d’ailleurs, pendant les trois jours de ce sommet d’Agadir, d’inviter les ONG du monde entier à davantage de mobilisation. « Nous avons besoin de vos voix et de votre mobilisation pour une action sur le terrain en faveur du climat », souligne la Secrétaire exécutive de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), Patricia Espinosa.
Relevant l’urgence d’agir, au vu de l’impact destructeur du réchauffement de la planète et du lien intrinsèque entre climat et enjeux du développement, Mme Espinosa a indiqué qu’à deux mois de la COP23 organisée par Fidji, et qui aura lieu en Allemagne, le monde se trouve à un tournant qui appelle de la part des Etats une action concrète pour traduire les ambitions des populations, notamment des pays insulaires et autres Etats particulièrement vulnérables au changement climatique.
Hassan Zaatit