En 2014, la communauté bancaire et Bank Al-Maghrib (BAM) ont décidé d’allouer les cotisations dédiées au Fonds de Garantie des Dépôts à un fonds de soutien de la TPME au titre des années 2013, 2014 et 2015.
Ce fonds de soutien a été donné en gestion à la CCG.
Mais, depuis sa création l’année dernière, c’est la Société de Gestion du Fonds de Garantie des Dépôts, le bailleur, qui en assure le suivi.
Précisons que le montant des cotisations au Fonds de garantie des dépôts pour les trois années précitées et versé à ce fonds de soutien à la TPME a été de 3,6 milliards de dirhams.
Mais le fonds en question a été clôturé à la fin de 2017, il continue uniquement à gérer ses encours.
L’idée géniale d’un Wali…
Il faut savoir que ce fonds avait été créé dans un contexte spécifique, à un moment où la crise financière et économique, devenue mondiale, sévissait au Maroc.
Les entreprises marocaines, et la PME en particulier, connaissaient des difficultés du fait que les donneurs d’ordre européens, eux-mêmes en crise, avaient baissé en conséquence leurs demandes adressées au Maroc.
Le déficit budgétaire du pays, avait grimpé à 7% et les déficits jumeaux, commercial et de la balance des paiements, s’étaient également aggravés, réduisant les réserves de changes.
Les conséquences de la crise mondiale ont donc très fortement pesé sur le Maroc.
Sous d’autres cieux, les pouvoirs publics seraient venus au secours de l’économie et des PME en particulier, mais chez nous, l’État lui-même s’était trouvé en difficulté.
Cependant, les pouvoirs publics auraient pu faire jouer à l’agence de développement de la PME son rôle.
C’est dans ce contexte que le Wali de la Banque Centrale avait suggéré une initiative d’exception pour pallier les insuffisances du Budget, en proposant de dégager des moyens financiers pour soutenir les entreprises marocaines prises de cours par la crise.
En effet, alors que le fonds de garantie des dépôts bancaires était bien alimenté et qu’aucune perspective de faillite bancaire ne s’annonçait, il proposa d’en affecter une partie à cette cause de soutien à la PME, en affectant trois d’année de ses cotisations au fonds de soutien de la PME.
La concrétisation s’était faite par une convention tripartite signée entre BAM, le GPBM et la CCG à laquelle la gestion du fonds avait été déléguée dès la fin de 2014.
Concrètement, des critères avaient été définis, les secteurs d’activité en difficultés identifiés et les dossiers des entreprises traités.
Un nouveau partenaire
Et en 2017, à la création de la Société de Gestion du Fonds de Garantie des Dépôts, celle-ci est devenue partie prenante en tant que bailleur de fonds puisque le fonds de soutien de la PME est à son actif, et la convention tripartite a été modifiée en ce sens.
Et il faut savoir que ce fonds de soutien de la PME a réalisé des résultats très appréciables !
Il a financé plus que 450 entreprises et l’aide s’est faite sous forme de crédits subordonnés aux crédits bancaires.
En effet, les banques accordaient des financements aux entreprises en difficultés sur 5 ans par exemple, avec le soutien du fonds en question. Ainsi, dans cet intervalle quinquennal, les entreprises concernées, ne payaient que les intérêts du prêt et ne remboursaient le capital à la banque qu’à l’échéance.
Le fonds de soutien de la PME alimentait les banques pour qu’elles accordent ces crédits aux entreprises.
Le fonds de soutien à la PME, enregistrait donc dans sa comptabilité, ces avances aux banques et éventuellement provisionnait et constatait les pertes si elles s’imposaient.
Les 450 entreprises ont pu maintenir grâce au fonds de soutien en question une centaine de milliers d’emplois.
Toutes les régions du Maroc en ont profité.
C’est le rallongement des délais de paiement de l’État et entre clients et fournisseurs qui a été la première cause des difficultés de trésorerie des entreprises en ces temps de crise et le fonds de soutien est intervenu prioritairement à l’effet de soulager les entreprises lourdement affectées par ces retards.
La fin du pactole
Mais le montant alloué a été épuisé et le fonds de soutien à la PME, actif sur 3 ans, a été clôturé à la fin de 2017.
Depuis, c’est la Société de gestion du fonds de garantie des dépôts qui assure le suivi sachant que sur les 3,6 milliards affectés au départ, il a pris des garanties comme tout établissement de crédit, qu’il va faire jouer en cas de défaillance pour récupérer le plus possible de ses avances.
Toutefois, le taux de créances en souffrance au niveau du fonds de soutien de la PME est de 24%.
Un taux de casse considéré comme normal pour cette catégorie d’entreprises de TPME, sachant que le taux de créances en souffrance du secteur bancaire, de 7%, est considéré comme très élevé.
De fait, le fonds de soutien de la PME ne sera clôturé qu’à la fin de toutes les opérations de recouvrement que les banques vont opérer pour lui.
Et, compte tenu de la durée des crédits sur 10 ans, le fonds de soutien de la PME restera ouvert pour les 12 prochaines années au moins, jusqu’à épuisement donc du dernier crédit accordé avec son soutien.
D’ailleurs, aujourd’hui, trois ans après la création de ce fonds, les premiers remboursements du capital n’ont pas encore commencé, sachant que les crédits étaient sur 5 ans et avec le différé de 5 ans, la durée effective est donc de 10 ans.
Donc, le fonds n’a pas été arrêté, il a juste épuisé son enveloppe de 3,6 milliards de dirhams en 3 ans !
Pour recharger ce fond, il faudrait trouver d’autres ressources car il est hors de question que le Fonds de Garantie des Dépôts Bancaires l’alimente à nouveau, sachant que son réel objet est de protéger les déposants.
D’ailleurs, depuis ce laps de temps, l’existence même de ce fonds de soutien de la PME aurait pu donner l’idée de créer un fonds de restructuration industrielle doté par l’État pour accompagner la PME pour prendre la relève.
Dans nombre de pays, ce fonds intervient y compris pour les problèmes de grandes sociétés comme aujourd’hui Maghreb Steel ou les immobilières et ces opérations de sauvetage vont même parfois jusqu’à des nationalisations provisoires.
Les devoirs de l’État
Car, c’est aux pouvoirs publics de restructurer l’économie. Or, avec la réforme de l’IS introduite en 2018, la PME ne sera toujours pas soutenue, car la progression de l’IS s’arrête à
3 millions de dirhams de chiffre d’affaires, ce qui correspond à de toutes petites PME. Au-delà de 3 millions de chiffre d’affaires, l’IS remonte à 30%.
Et même pour le statut d’auto-entrepreneur, qui commence à connaître quelque succès avec 60 000 statuts enregistrés à fin 2017, le plafond d’exonération de l’IS est d’à peine à 200 000 Dhs de chiffre d’affaires pour les services !
Il serait donc urgent de procéder à son relèvement pour donner plus d’air à ces auto-entrepreneurs avant qu’ils ne reculent. Cela est également valables pour ceux qui opèrent dans d’autres activités que les services et dont le plafond d’exonération de l’IS est de 500 000 Dhs seulement.
Mieux encore, pour promouvoir le statut d’auto-entrepreneur, il faut faire un colloque sur le sujet pour capitaliser sur les analyses et les conclusions et les transformer en recommandations pour induire des changements de la loi.
Viendrait ensuite la création d’un comité de suivi pour matérialiser la réussite de ce statut créateur de son propre emploi…
Afifa Dassouli
Encadré : Pour rappel
Le « Fonds de soutien financier des TPME » dont la gestion a été confiée à la CCG, a eu pour objet de cofinancer conjointement avec les banques les opérations visant le rétablissement de l’équilibre financier des TPME jugées viables, mais connaissant des difficultés passagères en raison d’une conjoncture difficile (problème de liquidités, rallongement des délais client, baisse d’activité, arriérés envers les fournisseurs, structure financière déséquilibrée …).
Le fond de Soutien et les banques ont ainsi accordé des crédits conjoints pour la restructuration financière des entreprises, qui remboursables sur une durée maximale de 10 ans, étaient accordés à un taux fixe correspondant au TMP des émissions des bons du trésor à 5 ans pour la part du Fond, pour les banques, le taux ne pouvant excéder le taux précité majoré de 150 points de base.
Le Fond cible prioritairement les TPME dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 175 MDH.
Toutefois, les ETI « Entreprises de Taille Intermédiaire » peuvent, à titre exceptionnel, bénéficier de l’intervention du Fonds. A ce niveau, il y a lieu de signaler qu’actuellement la part des ETI ne dépasse pas 5% des entreprises bénéficiaires et 26% du volume des crédits octroyés.
Depuis sa mise en place jusqu’au 31 mars 2018, le mécanisme a financé 431 entreprises pour une enveloppe globale de 4,8 milliards de dirhams dont 2,8 milliards de dirhams pour la part du Fonds de Soutien et 2 milliards de dirhams pour la part des banques.
Ce sont les secteurs de l’industrie, du BTP et du commerce qui en ont bénéficié à 78% du portefeuille du Fond.
Toutes les régions du Maroc ont bénéficié de l’intervention du Fond de Soutien avec une prédominance de la région de Casablanca-Settat qui capte 58% du portefeuille.
Il y a lieu de noter que l’ensemble des banques marocaines ont participé à ce dispositif, ce qui a ainsi permis de maintenir l’accompagnement financier des TPME bénéficiaires et préserver les activités productives et l’emploi après la crise économique de 2008.
Le Fonds a touché à sa fin en mars dernier, avec un niveau d’utilisation de 82% sans compter les dossiers en cours de traitement au niveau des banques, ce qui aboutira à l’utilisation totale de la dotation qui lui a été réservée.