L’Association Professionnelle des Sociétés de Bourse (APSB) et la Bourse de Casablanca ont lancé ce mardi 17 mai leur 3ème cycle de conférences sur les résultats des sociétés cotées et leurs perspectives.
Pour la première rencontre, organisée en format hybride à la Bourse de Casablanca, Ahmed Zhani, directeur de la recherche macroéconomique chez CDG Capital, a livré les analyses et prévisions de la filiale de la CDG. Une analyse particulièrement attendue dans une conjoncture mondiale très tendue et incertaine, avec une forte montée de l’inflation à travers le monde et une flambée de l’ensemble des cours des matières premières.
Younès Sekkat, Président de l’APSB, a tout d’abord expliqué dans son mot d’ouverture que « le Maroc a traversé plusieurs crises mondiales et sa résilience a été saluée […] La pandémie a démontré la capacité du Maroc à rebondir avec les différentes mesures de soutien à l’économie ». Pourtant, « malgré cela, ces crises ne sont pas sans impact sur l’économie réelle et les marchés financiers ».
D’où le titre de la présentation de M. Zhani : « Des équilibres fragiles dans un contexte global tendu ». Il a tout d’abord rappelé l’accumulation de crises qui marque la conjoncture actuelle : « Il s’agit d’abord d’une envolée des prix des matières premières énergétiques, le fort accroissement des coûts du fret et la perturbation des chaînes de valeurs ». Ensuite vient le conflit est-européen et les sanctions qui en découlent, et le resserrement des politiques monétaires face à l’inflation, malgré la fragilité de la reprise. Mais ce n’est pas tout : « À ces 3 faits marquants je rajouterais la stratégie 0 covid de la Chine et sa perturbation des chaînes d’approvisionnement et de valeur ».
C’est pourquoi « l’ensemble des indices de la Banque Mondiale évoluent dans un sens haussier ». Heureusement pour OCP, et donc le Maroc, « la seule bonne nouvelle, c’est la hausse des prix de la roche phosphatée et fertilisants, ce qui devrait équilibrer notre balance commerciale et ramener de la valeur et des devises ».
Pour le Maroc qui subit la hausse des prix, le rétrécissement des conditions de financement à l’international (les capitaux revenant vers les pays développés en temps de crise), et le ralentissement de la demande étrangère (nos partenaires européens étant eux-mêmes en crise), les équilibres macro-économiques du Royaume seront touchés : ralentissement de la croissance économique, creusement du déficit commercial, hausse de l’inflation et plus grande difficulté à trouver de bonnes conditions de financement à l’international telles que prévues dans la Loi de finances 2022.
Les autres facteurs qui devraient toucher l’économie nationale et son évolution sont bien évidemment le risque de sécheresse et son impact sur la VA agricole, qui devrait afficher une très forte baisse. La hausse des prix des intrants impactera les marges du secteur secondaire. Notons toutefois que le tertiaire devrait mieux s’en sortir, avec la reprise du tourisme et du transport (qui profiteront d’un effet base très élevé après un quasi-arrêt en 2021). L’économie est également touchée, comme tous les Marocains l’auront remarqué, par la composante alimentaire et importée de l’inflation, avec un pic historique à 9,1% en mars. La demande interne devrait, comme celle externe, baisser cette année, avec un chômage toujours élevé, le retour des transferts des MRE à leur niveau habituel après un record en 2021 et la faiblesse des crédits bancaires.
Tout ceci aura un effet sur les équilibres extérieurs, avec « un creusement important du déficit commercial », selon M. Zhani.
Stabilité du cadre monétaire
Du côté du cadre monétaire, « les prévisions reflètent une stabilité », selon CDG Capital, qui précise que le creusement de la liquidité ne devrait pas s’aggraver outre mesure, « si l’on se base sur la prévision d’une amélioration des réserves de change qui devrait compenser l’accroissement de la circulation fiduciaire ».
M. Zhani juge également que l’inflation au Maroc a un caractère passage, et que comme elle ne provient pas d’une hausse de la demande ou de la création monétaire, mais plutôt d’une composante importée et d’un choc alimentaire côté offre, Bank Al-Maghrib ne peut pas influer dessus avec sa politique monétaire, ce qui laisse supposer que la banque centrale laissera le taux directeur inchangé.
Du côté des finances publiques, « la tendance des charges est toujours haussière et que les recettes se redressent graduellement et réduisent le déficit ordinaire ». CDG Capital prévoit ainsi une baisse du déficit, mais « tant qu’il demeure à un niveau qui dépasse la croissance, on devrait toujours avoir une alimentation du stock d’endettement ».
CDG Capital a donc établi plusieurs scénarios pour l’année 2022. Le scénario central, le plus probable selon les analystes, est donc le maintien du taux directeur, un besoin maîtrisé du Trésor public, une demande des opérateurs stable, et une exécution partielle du programme du financement à l’international (du fait de conditions dégradées). Ce scénario entraînerait une stabilité de la partie courte de la courbe et une hausse supplémentaire des segments moyen et long termes, analyse CDG Capital.
Selim Benabdelkhalek