Le Royaume du Maroc a émis, le 24 septembre 2020, un emprunt obligataire sur le marché financier international de 1 milliard d’euros en deux tranches de 500 millions d’euros chacune. CDG Capital a publié une note qui a pour objet de présenter, dans un premier temps, les modalités de cette nouvelle sortie du Trésor public à l’international et, dans un deuxième temps, d’évaluer l’impact de cette levée sur les principaux équilibres macro-économiques – en l’occurrence l’endettement national extérieur, l’équilibre des finances publiques et les réserves de change, selon un communiqué de presse.
Il est à rappeler que la dernière sortie à l’international remonte à l’année dernière, et ce après une longue absence, depuis 2014, et ce suite à un changement d’orientation visant à alléger les engagements en devises et à couvrir le besoin de financement sur le marché intérieur. En effet, d’une part, les besoins du Trésor se sont globalement réduits grâce à l’engagement de la réforme de la compensation à travers la libéralisation totale des prix des carburants et lubrifiants, et d’autre part, les réserves en devises du Maroc se sont améliorées suite à l’atténuation du déficit commercial, après le démarrage des exportations automobiles et la hausse des IDE, précise le texte du communiqué.
Les caractéristiques de l’opération
Bien que les conditions de marché ont été globalement difficiles, en raison du contexte de la pandémie Covid19 et l’accentuation des besoins des pays, particulièrement ceux des économies émergentes, l’opération a connu un succès notable avec un carnet d’ordres dépassant les 2,5 milliards d’euros émanant de 197 investisseurs. En outre, contrairement à la dernière sortie dont la totalité du montant (1 millard d’Euro) a été levée sur la maturité 12 ans, cette nouvelle émission a été répartie sur deux maturités, en l’occurrence 5,5 ans et 10 ans.
La hausse du spread à l’émission (taux actuariel de l’émission moins le taux swap), s’inscrit dans un contexte marché qui a connu une évolution particulière au cours des derniers mois : Si l’on observe l’indice CDX Emerging, qui suit l’évolution du panier d’émissions obligataires des pays émergents1 ,celui-ci a connu une hausse importante suite au déclenchement de la crise Covid19 de plus 269 Pbs à 464 Pbs le 18 mars, suivi d’un retour à 170 Pbs le 16 septembre, avec le fort expansionnisme des politiques monétaires des banques centrales, générant ainsi, un fort recul des rendements obligataires au niveau international. Toutefois, l’apparition d’une nouvelle vague Covid19 comme en témoignent non seulement les chiffres dans plusieurs pays, mais aussi le discours de plusieurs instances gouvernementales à travers le monde, pourrait expliquer la hausse des spreads à 243 Pbs au courant du mois de septembre.
Ces tendances ont été également reflétées au niveau du spread de crédit implicite au prix de marché de la ligne euros bonds Maroc, émise en 2019 et dont la date d’échéance est prévue en novembre 2031, montrant ainsi, que le spread du Maroc a suivi le comportement de ceux des pays émergents.
Il est à souligner que les agences de notation Standard & Poor’s et Fitch rating ont maintenu la même notation BBB- pour cette nouvelle émission.
Contrairement aux anticipations des opérateurs du marché des bons du Trésor concernant le montant de la levée, qui était estimé initialement à 2 milliards d’euro, l’Etat n’a levé que 1 milliard d’Euro en vue de rembourser une tombée en devise prévue le mois prochain du même montant. En effet, sur le plan budgétaire cette levée n’aura pas d’impact sur l’équilibre des finances publiques, et par ricochet, le Trésor sera amené à couvrir le reliquat de son besoin de financement aussi bien à travers des prêts bilatéraux et des tirages à l’international qu’à travers des émissions de bons du Trésor sur le marché
local.
En ce qui concerne les réserves de change, l’impact sera neutre compte tenu de la sortie de devise du même montant, en remboursement de la tombée obligataire prévue en octobre 2020.
Toutefois, il est à préciser que l’endettement extérieur du Trésor public devrait augmenter en 2020, compte tenu de (i) l’importance des besoins en financement suite à la baisse conséquente des recettes fiscales en résultat de la crise Covid19 et (ii) la part importante de ce déficit, que le Trésor a prévu de couvrir à travers des ressources extérieures dans le cadre de la Loi des Finances Rectificative. En effet, sur un besoin de financement prévu pour 2020 de 82,8 MrdDH, 52,6% ou encore 43,6 MrdDH devraient être couverts par des financements extérieurs. A date, 25 MrdDH ont été réalisés tenant
compte de cette dernière opération.
Ainsi, selon les estimations de CDG Capital sur la base des levées nettes en devises prévues pour 2020, l’endettement à l’international du Trésor public devrait s’accroitre de 27% en glissement annuel à 205,1 MrdDH et de 14% du PIB en 2019 à 19% prévu en 2020. Parallèlement, compte tenu de la faiblesse de la levée en comparaison avec les besoins importants du Trésor pour cloturer l’exercice 2020 estimé à 34,8 MrdDH, la courbe des taux locale pourrait augmenter particulièrement au niveau des parties moyenne et longue. En effet, malgré l’assouplissement du cadre monétaire, qui devrait induire une pression à la baisse sur la courbe des taux, les opérateurs pourraient proposer des fourchettes plus élevées dans le cadre des prochaines opérations d’adjudication, notamment au cours des séances moyens et longs termes.
Cette nouvelle émission du Trésor à l’international a été réalisée à des conditions moins avantageuses, comparativement à celle de 2019, dans un contexte particulier lié à la crise Covid-19, et à la perception du marché du risque pays émergents.
L’impact sur l’équilibre des finances publiques et les réserves de change ressort quasi-neutre en raison du remboursement prévu en octobre 2020 d’un montant équivalent.
Le montant de la levée limité à 1 milliard d’Euro, comparativement aux prévisions des opérateurs du marché des bons du Trésor qui se situaient autour de 2 milliards d’Euro, laisse un reliquat important du besoin du Trésor à financer pour terminer l’année budgétaire 2020. Toutes choses égales par ailleurs, cette situation pourrait induire une légère correction à la hausse des taux relatifs aux maturités moyennes et longues.
LNt avec CdP