Le secteur financier marocain a connu une évolution calquée sur celle de la doctrine économique du pays. Avant les années 90, le secteur bancaire n’était pas libéralisé et l’État intervenait directement dans le financement de l’économie à travers les ex-OFS, organismes financiers spécialisés, dont la BNDE pour le développement économique, le CIH pour l’immobilier ou encore le Crédit Agricole pour l’agriculture.
Avec la libéralisation du secteur, ces OFS ont été transformés en banques universelles en mesure d’adresser tous les secteurs et les catégories de clients et ce, afin de libérer le financement de l’économie et mettre tous les opérateurs sur le même pied d’égalité. Depuis, l’État, ne voulant plus intervenir directement pour générer un disfonctionnement du marché, a préféré intervenir via d’autres outils, notamment la « Caisse Centrale de Garantie », CCG, en consolidant sa mission de résoudre le problème de l’accès au financement de certaines entreprises sans perturber le marché.
Régulateur du marché de la PME
Aujourd’hui, la CCG est le principal instrument des pouvoirs publics pour réguler le marché du financement en faveur des entreprises et plus particulièrement la Toute Petite et Moyenne Entreprise (TPME). En effet, elle agit comme un co-preneur de risques aux côtés des banques, adressant ainsi la problématique des sûretés exigées auprès des TPME pour faciliter et accélérer leur financement. Ce choix a largement montré sa pertinence comme le démontre l’évolution des encours des engagements de la garantie de la CCG sur la TPME qui se sont montés à 20 milliards de dirhams à fin 2018, soit plus de 10 fois le niveau d’activité il y a à peine une décennie. Cette garantie a par ailleurs eu un effet de levier positif en générant près de 37 milliards de crédits accordés à la clientèle TPME. La contribution de la CCG à l’amélioration des conditions de financement des entreprises est aujourd’hui incontestable, car non seulement elle permet de faciliter le crédit des entreprises, mais aussi d’augmenter les engagements du système bancaire à l’égard de la TPME.
Les banques suivent !
Aujourd’hui, l’ancrage de la CCG dans son paysage est réel dans la mesure où les banques recourent spontanément au système de garantie pour s’exposer au risque TPME. La CCG est ainsi bien présente dans le financement de la PME. Sa garantie, combinée à d’autres chantiers structurants menés par l’État et la Banque centrale, a contribué au renforcement de l’offre de crédit en faveur des PME comme le démontre l’évolution de la part des financements bancaires des PME rapportés au total des crédits au secteur privé et qui est passée de 22% à 35% entre 2010 et 2018, soit une augmentation de plus de 50%.
Il faut tout de même rappeler que même dans les pays occidentaux, la croissance économique est essentiellement tirée par les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaires et que la PME n’y contribue pas autant en dépit de son importance pour la création d’emplois. Il suffit en effet de comparer la part des PME dans la valeur ajoutée à sa part dans le tissu économique pour s’en rendre compte.
A titre d’exemple, les entreprises de taille intermédiaires ETI, qui réalisent jusqu’à 500 millions d’euros de chiffre d’affaires, sont le moteur du tissu industriel en France même si leur nombre est largement inférieur à celui des PME industrielles. Le Maroc n’échappe pas à ce constat avec une contribution encore plus faible de la PME dans la croissance économique. C’est pourquoi, le système bancaire marocain a longtemps privilégié la grande entreprise et les ETI, avant de commencer à s’intéresser à la PME avec notamment la garantie de la CCG. En termes de structure des engagements, les chiffres de la CCG montrent que 60% des crédits garantis financent des besoins en fonds de roulement à court terme. Cette structure est assez similaire à celle du secteur bancaire marocain car l’entreprise a surtout besoin de financement pour son activité, y compris pour faire face à une augmentation de la demande qui engendre celle de sa production en utilisant sa capacité existante. Son besoin pour de nouveaux investissements en machines est étalé dans le temps, mais les besoins en fonds de roulement (achat de matières premières, nouveaux recrutements) sont récurrents et permanents et c’est là que la CCG intervient en garantissant auprès de sa banque l’augmentation de sa ligne d’exploitation. Cela, alors que le crédit d’investissement ne créé plus automatiquement des emplois auprès des grandes entreprises du fait de l’automatisation grandissante des processus qui permet d’augmenter la productivité et le chiffre d’affaires des entreprises sans création d’emplois.
C’est pourquoi un banquier de la place estime qu’« il faut attendre des TPME un impact social. L’économie du Maroc change, elle prend un nouveau tournant ! De ce fait, il faut mettre plus l’accent sur l’entreprenariat qui créé plus d’emplois à commencer par celui des entrepreneurs eux-mêmes. Pour sortir de la morosité de la croissance, il faudrait une dynamique entrepreneuriale qui passe par le changement d’un système de valeurs de l’entreprenariat. Ce dernier ne doit plus être regardé juste comme un moyen de s’enrichir, mais comme le biais pour devenir un acteur de l’économie. C’est, certes, un travail de longue haleine qui doit être accompagné par le système de l’enseignement qui se doit d’orienter indirectement les jeunes vers l’entreprenariat, mais qui doit également être soutenu par des mesures incitatives, notamment l’amélioration de l’accès au financement pour les TPE, les start-ups et les micro-entreprises, d’où le rôle de la CCG qui est fortement attendu dans ce domaine.
Diversification réussie
La réussite de la CCG est le fruit de plusieurs actions menées sur la durée, dont la diversification des activités investies par les PME. Elle opère ainsi dans le cadre des axes des orientations publiques comme le secteur industriel, l’export, l’économie verte, etc. Ses produits constituent des encouragements pour des cibles que sont les entreprises de ces secteurs. Son offre destinée à la TPE consiste en un seul produit simplifié, « Daman express » pour tous les besoins de d’investissement et d’exploitation avec des procédures d’instruction des demandes de garantie dématérialisées, voire déléguées au système bancaire.
Concernant la cible PME, c’est-à-dire les crédits de plus d’un million de dirhams, deux autres produits sont proposés aux entreprises : Daman Istismar pour les crédits d’investissements de restructuration, de transmission d’entreprises et Daman Tasyir pour le financement du fonds de roulement. Les interventions au titre de ces deux produits sont plafonnées à 10 millions de dirhams de garantie par opération et 20 millions d’engagement envers la même entreprise. Cependant, les entreprises opérant dans l’export, l’industrie et l’économie verte peuvent bénéficier du doublement des plafonds avec des conditions d’amélioration de la gouvernance précises. Grâce à cette simplification, la CCG a vu ses engagements augmenter très notablement depuis le début de l’année en cours! Mais le rôle de la CCG s’élargit car, si jusque-là, elle a exercé un rôle de garantie uniquement, elle innove en faisant de la dette aux industriels et exportateurs avec un nouveau produit, « Mezzanine PME » qui vient d’être lancé il y a 3 mois pour répondre à l’insuffisance de leurs fonds propres. Il introduit un financement intermédiaire qui s’intercale entre les fonds propres et la dette bancaire sous forme de dettes subordonnées aux crédits bancaires, de maturité longue et à un taux avantageux basé sur les taux des Bons du Trésor. Alléluia !