Des responsables et des habitants le 11 juin 2019 près de tombes fraichement creusées à Sobame Da, au Mali, où un massacre a fait une centaine de morts © AFP STRINGER
Sept heures d’attaque, lancée au cri d’Allah akbar par des assaillants lourdement armés n’épargnant ni femmes, ni enfants, ni bétail: des rescapés du carnage dimanche soir dans un village dogon du centre du Mali décrivent des scènes dantesques.
Vers 17H00 dimanche, les 300 habitants du hameau, au coeur de la plaine du pays dogon, pensent d’abord à une opération de « voleurs de bétail », indique le maire de la commune rurale de Sangha, dont dépend le village, Ali Dolo, venu le lendemain avec un détachement de l’armée malienne constater la dévastation.
Les habitants de Sobame Da (aussi appelé Sobane Da ou Sobane Kou) se cachent alors dans leurs cases. Mais les intrus sont en fait des « jihadistes, dont certains sont connus », dans les environs, affirme l’élu.
Les premiers assaillants sont arrivés à bord de six motos et ont ouvert le feu, bientôt rejoints par huit autres, et ont commencé « à tirer sur tout ce qui bouge », raconte le chef du village, Gouno Dara, interrogé par l’AFP, qui a réussi à s’enfuir.
« Ils ont crié Allah akbar, Allah akbar! », poursuit-il. « Après, ils ont mis le feu aux greniers, aux maisons, et ont emporté les moutons et les bœufs. Nous n’avons plus rien, il y a des femmes enceintes parmi les victimes, et des enfants, nous avons tout perdu ».
Selon un autre rescapé, Amadou Togo, « certains ont été égorgés et éventrés, des greniers et du bétail ont été brûlés. Personne n’a été épargné: femmes, enfants et vieilles personnes ».
– Corps calcinés –
Les assaillants ne quitteront le hameau que vers minuit, environ sept heures plus tard, laissant derrière eux des corps calcinés, selon les villageois. « J’ai perdu ma femme, deux garçons et une fille, mon père et ma mère », explique l’un d’eux, Jean Dara, un agriculteur d’une trentaine d’années.
Ce rescapé soupçonne « des Peuls qui sont venus de Diankabou et d’autres localités » voisines, sans préciser d’où il tire cette conviction.
A partir des témoignages d’habitants, le gouverneur de la région de Mopti, le général Sidi Alassane Touré, qui s’est rendu sur place lundi, a confirmé le nombre d’une vingtaine d’assaillants.
Mais si les versions concordent généralement sur le déroulement de l’attaque, elles se contredisent sur le bilan, entre une trentaine et une centaine de morts.
« Nous avons 11 adultes et 24 enfants », a déclaré le gouverneur lundi soir à la télévision publique ORTM après avoir assisté aux premières inhumations.
« Avec les éléments de la protection civile, nous avons minutieusement fouillé, et nous avons sorti 35 corps et nous avons procédé à l’inhumation de ces 35 corps », a-t-il insisté, contestant le bilan de 95 morts et 19 disparus annoncé par le gouvernement sur la base d’une mission du poste de sécurité de Diankabou, à 17 km.
Selon le général Touré, les villageois ont extrapolé le bilan à partir du nombre de membres de chaque famille en présumant que tous avaient péri.
Mais le maire de Sangha, présent lors de la mission des militaires s’en en est tenu au précédent bilan, faisant valoir que le gouverneur n’a comptabilisé que les corps entiers, alors que certains ont été réduits en cendres. « Il faut tenir compte de ça et nous maintenons le chiffre de 95 » morts, a dit Ali Tolo, soulignant que des habitants étaient toujours portés disparus.
LNT avec AFP