Chez nous comme ailleurs, les débats autour de l’approche genre dans les finances publiques, sont intenses. Car non seulement il s’agit de discuter l’équité homme-femme, mais dans un créneau extrêmement sensible et délicat, puisqu’il touche les budgets de l’Etat.
A Marrakech, en cette journée du mercredi 7 juin 2023, acteurs institutionnels, aussi bien nationaux qu’internationaux, hauts responsables et autres experts, se sont penchés sur cette question qui continue de tarauder les esprits, pour souligner l’importance de la BSG dans la prise de décision en matière de finances publiques.
En effet à Marrakech, les deux jours dédiés à cette question se sont tenues sous le thème : « Les finances publiques comme moteur du changement pour l’égalité ».
Pour les responsables marocains et devant un parterre de représentants onusiens, diplomatiques, acteurs de la société civile et financiers à leur tête la BM, ça a été surtout l’occasion de dresser le bilan et les avancées de l’instrument de la BSG, version marocaine.
Principal acteur en charge de la supervision de ce projet, le ministère de l’Economie et des Finances, a préféré commencer par rappeler, à travers son ministère délégué, que la mise en œuvre de programmes publics et stratégies nationales en faveur de l’égalité de genre, l’intégration de la dimension genre dans la programmation budgétaire et son institutionnalisation, s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle loi organique relative à la loi des finances. Le Ministre délégué a, par ailleurs, mis en valeur également le rôle de Centre d’Excellence pour la Budgétisation Sensible au Genre dans l’accompagnement des départements ministériels pour une application et appropriation des dispositions de la LOF en matière de prise en compte de la dimension genre dans leurs pratiques de programmation, insistant de manière claire et explicite sur la nécessité de redoubler d’effort pour une pleine participation des femmes dans tous les domaines. La LOF de 2015 a apporté une feuille de route bien déclinée pour réussir la prise en compte de la dimension genre dans l’action publique, explique le MEF, faisant remarquer qu’en se référant à la LOF, chaque programme relevant d’un même ministère ou d’une institution publique devrait être associé à des objectifs définis, ainsi que des indicateurs chiffrés permettant de mesurer les résultats atteints en termes de réduction des inégalités de genre : « Les résultats probants et prometteurs obtenus par le Maroc en matière de la Budgétisation Sensible au Genre, grâce à une mobilisation et une implication hautement saluées des départements ministériels en étroite collaboration avec le Ministère de l’Economie et des Finances, ne devraient pas pour autant perdre de vue la spécificité du contexte actuel chargé de défis au regard des effets imposés par la succession de crises multidimensionnelles (sanitaire, géopolitique et climatique entre autres) », dit-on auprès du ministère.
Pour sa part, Mme Patricia Pilar Llombart Cussac, Ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de l’UE au Maroc, a fait relever dans un premier lieu que l’UE considère l’égalité femmes-hommes en tant qu’« un principe, une valeur et une mission pour une société inclusive et prospère ». Et d’ajouter que l’égalité est donc une valeur partagée qui trouve une place proéminente dans les priorités de la déclaration conjointe de l’UE est du Maroc de juin 2019. La diplomate européenne a indiqué dans le même sens qu’en plus d’être un rempart contre la pauvreté, une pleine participation des femmes aux activités économiques permettrait d’augmenter le PIB de 37%, un bénéfice indéniable à la croissance économique du Maroc : « Aujourd’hui 85% de nos programmes de coopération extérieure doivent être sensibles au genre, afin d’accompagner les dynamiques de réel changement pour la réalité quotidienne des femmes. Le système de redevabilité nous impose d’effectuer un rapport annuel pour rendre compte des progrès dans la mise en œuvre des objectifs spécifiques de notre partenariat. C’est aussi, une volonté politique du gouvernement marocain qui, depuis 2011, s’est doté d’un plan gouvernemental pour l’égalité et est entrain de formuler le troisième avec un objectif affiché de porter à 30% le taux d’activité économique des femmes. Suite à l’adoption de la budgétisation sensible au genre au Maroc et la mise en place des réformes constitutionnelles, légales et politiques, le Maroc a créé en 2013 le Centre d’Excellence pour la Budgétisation Sensible au Genre (CE-BSG). Dix ans plus tard, le Centre est reconnu pour son expertise nationale et internationale ».
Le directeur régional de la BM pour le Maghreb et Malte, Jesko Hentschel, a mis, lui, l’accent sur les transformations sociétales opérées au Maroc et l’évolution dans le domaine des Droits de l’Homme, en général, et des droits des femmes en particulier, appelant à une évaluation continue des mécanismes liés à la budgétisation sensible au genre et à son utilisation optimale, ainsi qu’aux acquis accumulés en la matière. Pour lui et à ce niveau, le Maroc reste un bon élève, mais il peut mieux faire.
Pour rappel, cette conférence internationale a été tenue par le Ministère de l’Economie et des Finances en partenariat avec l’ONU-Femmes et avec l’appui de l’UE au Maroc, de l’AFD et de la BM. Portée sous le hashtag #MoveEqualityForward, cet événement cherche à mener une réflexion stratégique sur les finances publiques et l’approche genre.
Des ateliers techniques ont été organisés au deuxième jour de l’événement, notamment sur les opportunités offertes par les réformes des finances publiques pour l’institutionnalisation de la (BSG), sur les méthodes et les synergies entre les budgétisations sensibles au genre et au climat et également sur les expériences territoriales liées à la gouvernance locale et à la BSG pour promouvoir l’égalité des genres.
Important de rappeler aussi que cet évènement a été l’occasion d’échanger autour du financement de l’égalité de genre, et de sensibiliser les participants à l’importance stratégique de l’instrument de la BSG, ainsi que de l’implication de l’ensemble des acteurs ministériels, des administrations locales et de la société civile, particulière en perspective de la tenue de l’assemblée annuelle 2023 des institutions de Bretton Woods en octobre prochain à Marrakech.
Hassan Zaatit