En 2023, la bourse de Casablanca est sortie de sa morosité de 2022 où elle avait perdu plus de 20%, et réalisé une performance de 11% voire 14% si on tient compte du dividende !
Certes cette année-là, il y a eu un certain engouement pour les actions cotées, les OPCVM actions et diversifiés ont connu des souscriptions significatives attestant que des investisseurs personnes physiques et institutionnels ont souscrit à ces fonds collectifs qui achètent « la bourse ».
Des investisseurs qui ont de fait été rassurés par la banque centrale sur la fin de l’augmentation du taux directeur en mars dernier et donc de la pression à la hausse sur les taux obligataires, qui depuis ont perdu plus de 50 points de base par rapport au plus haut de l’année. En effet, dès le mois d’avril, le 10 ans adjugé à 4,7% est tombé à 4%, le 15 ans de 5% à 4,4 et les autres échéances se sont également dépréciées.
Spontanément, quand les taux corrigent, un retour vers le marché financier s’opère à la recherche de meilleurs rendements avec une acceptation du risque.
Rassurés sur les taux, une réorientation s’est faite vers la bourse pour rattraper les pertes obligataires suivant les conseils des sociétés de bourse et de gestion.
Ce comportement des investisseurs est mécanique comme l’a été le rattrapage des cours en 2021 par rapport à 2020, à près de 30%, ou encore la perte de 2022 suite à l’appréciations des taux. Celle-ci a certes orienté les investissements vers le marché secondaire obligataire, mais pas pour longtemps.
Parallèlement au stop du taux directeur de BAM en mars, sont intervenus les résultats des sociétés cotées affichant des chiffres d’affaires en hausse et des résultats probants qui progressaient à deux chiffres dans certains secteurs.
Tout particulièrement, le secteur bancaire sorti de la période du COVID où il avait pris des risques avec les mesures de soutien de l’État, a affiché une santé financière qualifiée d’historique avec des résultats bancaires en croissance sur les 3 dernières années. Et des activités de marché qui pour certaines, dont les résultats se sont appréciés de plus de 100%.
De ce fait, à la bourse, les valeurs financières qui représentent plus du tiers de la capitalisation boursière, attirent les investisseurs.
Toutefois, en 2023, outre le stop des taux et les bons résultats des sociétés cotées, certaines annonces se sont traduites en anticipations et ont créé une euphorie à la bourse de Casablanca.
Il s’agit de l’octroi de la Coupe du monde au Maroc-Espagne-Portugal et des 120 milliards dédiés à la reconstruction de la région de Haouz après le séisme, pour les 5 prochaines années. Mais aussi, des accords de partenariat stratégique du Maroc avec les Émirats Arabes Unis, actionnaires dans TAQA et dans Maroc Télécom, ont boosté les cours de ces valeurs (IAM est passé de 80 à 120 Dhs).
C’est encore le cas de l’aide directe au logement, qui devrait profiter aux sociétés de construction, et peut être réconcilier les investisseurs avec les valeurs immobilières de la bourse.
En conséquence, l’appréciation du marché boursier devrait s’appuyer sur le comportement de ses valeurs dont la moitié seulement traitent tous les jours, comme les assurances, les télécoms les cimenteries, la distribution, les ports.
Les investisseurs réclament plus de papiers sachant que les métiers mondiaux du Maroc, le tourisme, l’offshoring l’automobile ou l’aéronautique ne sont pas cotés !
Alors que les entrepreneurs restent frileux, ne veulent pas franchir le pas de la transparence pour partager des informations avec les minoritaires, même s’ils peuvent valoriser leur entreprise à un Per de 20. Ils franchissent le pas quand ils ont des projets d’expansion, qui manquent réellement dans notre économie.
Par ailleurs, si les institutionnels acheteurs d’actions sont les compagnies d’assurance et caisse de retraite, il faut savoir que leur portefeuille est chargé de plus de 50% action contre 10 à 15% en Europe. Et avec l’arrivée de la norme SBR, la solvabilité basée sur les risques, qui correspond à Bâle 3 pour les banques, les compagnies d’assurances devraient baisser le poids des actions dans leur portefeuille.
Encore faut-il qu’elle arrivent à faire leur transition vers l’immobilier foncier à travers les OPCI ou encore ouvrir leurs investissements à l’international. Mais, surtout, ils attendent tous le nouveau papier et attendent les introductions de l’OCP avec plus de 20 MMDHS, de l’ONDA et de l’ONCF.
En attendant, pour 2024, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la bourse se trouve face à des annonces moins réjouissantes dont elle doit prendre la mesure !
Car de nouveaux risques sont déjà engagés en ce début d’année dont le retour de l’inflation, conséquence des problèmes de logistiques créés par les guerres et les attaques des navires de transport commerciaux par les Houthis en mer rouge.
C’est aussi, l’installation de la sécheresse et ses impacts économiques. Et tout particulièrement le risque fiscal que se traduit par l’augmentation progressive de l’IS qui passe de 20 à 30% pour les entreprises et surtout pour celles exportatrices qui étaient exonérées à hauteur de 50% d’IS sur la part de leur chiffre d’affaires à l’export et qui rejoignent le régime normal cette année si leurs résultats dépassent les 100 millions de dirhams.
Sans compter que l’IS devrait progresser de 2% par an pour atteindre 35% en 2025. Cette pression fiscale pesant sur les résultats des sociétés cotées et sur leur dividende…
Afifa Dassouli