Un Boeing 737 MAX 8 décolle de l'aéroport de Renton, où se trouve l'usine Boeing, le 22 mars 2019 © Getty/AFP/Archives STEPHEN BRASHEAR
Critiqué pour sa proximité avec Boeing, le régulateur aérien américain FAA a convié ses homologues à Washington le 23 mai pour discuter du 737 MAX avant de l’autoriser à voler à nouveau.
Cet effort de transparence est destiné à restaurer la confiance dans le secteur, ébranlée depuis la tragédie d’Ethiopian Airlines.
« La FAA invite les directeurs généraux des autorités de l’aviation civile à travers le monde pour discuter de ses actions en vue de garantir le retour en service en toute sécurité du Boeing 737 MAX », a indiqué jeudi un porte-parole.
Des invitations ont été envoyées à des représentants de différents pays dont la Chine, le Canada, le Brésil, l’Ethiopie, l’Indonésie et à des pays européens.
Le 737 MAX a été commandé par des compagnies aériennes opérant dans plus d’une cinquantaine de pays à travers le monde, selon Boeing.
Les constructeurs aéronautiques et les compagnies aériennes n’ont pas été conviés, a insisté le porte-parole, ajoutant que des experts seraient présents pour répondre à toutes les questions techniques. Il n’a pas précisé si ces experts seraient indépendants, ou s’ils ont ou ont eu des liens avec Boeing.
La FAA entend discuter des changements apportés par Boeing au système anti-décrochage MCAS, mis en cause dans l’accident d’un 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines le 10 mars (157 morts) et dans celui de Lion Air le 28 octobre qui a tué les 189 passagers et membres d’équipage.
Ces deux tragédies rapprochées ont conduit à l’immobilisation à travers le monde de la flotte de 737 MAX depuis mi-mars.
L’agence fédérale avait été le dernier régulateur à clouer l’avion au sol, laissant la Chine et l’Europe prendre les devants, ce qui lui a valu de nombreuses critiques et renforcé des interrogations sur son indépendance.
– « Nécessaire » –
Cette réunion « est un effort nécessaire pour la FAA pour regagner la confiance de la communauté internationale de l’aviation civile notamment pour ce qui est de sa procédure de certification », estime Jim Hall, ancien patron du NTSB, l’autre régulateur du secteur aérien américain.
Pour Scott Hamilton, expert chez Leeham, la FAA va dire aux régulateurs internationaux qu’elle « a examiné et validé les changements et va essayer de les convaincre que son inspection a été cette fois irréprochable ».
Les déboires du 737 MAX ont soulevé des questions sur les liens étroits entre la FAA et Boeing, à qui le régulateur a confié, selon une procédure en place depuis plus d’une dizaine d’années, une partie de ses missions d’inspection et de certification.
Le 23 mai, le régulateur américain entend présenter à ses pairs les éléments sur lesquels il va fonder sa décision de lever l’interdiction de vol frappant le 737 MAX aux Etats-Unis depuis presque un mois et demi.
Boeing n’avait pas encore soumis les modifications du système de stabilisation MCAS à la FAA mercredi, selon une source gouvernementale. Mais il entend le faire d’ici la mi-mai et espère voir voler à nouveau le 737 MAX en juillet, selon une source industrielle.
La FAA est accusée d’avoir accéléré le processus de certification du 737 MAX sous la pression de Boeing, désireux de ne pas laisser son grand rival Airbus cannibaliser les commandes dans le segment du moyen-courrier avec l’A320 Neo, version remotorisée et plus économe en carburant de l’A320.
Le logiciel MCAS avait par exemple été certifié par des employés de Boeing.
– « Perte d’influence » –
Le ministère américain de la Justice a ouvert une enquête sur le développement du 737 MAX, tandis que le ministère des Transports a lancé un audit sur sa certification.
La FAA s’est toujours défendue de toute collusion avec Boeing, expliquant s’être dessaisie de certaines fonctions en raison de coupes budgétaires.
« C’est inhabituel pour la FAA, voire même pour n’importe quelle grande agence, d’avoir besoin de faire autant d’efforts pour convaincre les autres régulateurs internationaux de s’aligner sur ses décisions », estime Richard Aboulafia, expert au cabinet Teal.
Ceci reflète « la perte d’influence de la FAA », assène-t-il.
A l’inverse, Michel Merluzeau, chez Air Insight Research, salue la nouvelle « approche consensuelle », nécessaire pour maintenir l’équilibre du transport aérien civil, dont le 737 MAX est un élément « important » en cette période de hausse continue du trafic des passagers.
La crise du 737 MAX a porté un coup au système de réciprocité en vigueur en matière de certification des avions civils, qui fonctionne comme des équivalences de diplômes entre grandes universités, ajoute M. Merluzeau.
LNT avec Afp