M. Othman Benjelloun, PDG de Bank of Africa
La traditionnelle conférence de presse (et des analystes financiers) organisée au siège de BMCE Bank Of Africa pour la présentation des résultats de l’exercice écoulé a quelque peu dérogé cette année à un rituel, un timing et une organisation observés depuis des années.
En effet, les années précédentes, le top management, sous la férule de M. Brahim Benjelloun Touimi, Administrateur-Directeur général exécutif du Groupe BMCE Bank, présentait et commentait les faits marquants concernant les résultats et les performances de la banque, avant de laisser la parole au Président Othman Benjelloun qui apportait sa touche et ses vues personnelles en guise de conclusion.
One man show…
Mais pour l’exercice 2018, commenté et présenté en « live » mardi 2 avril 2019, dans l’auditorium du siège casablancais, plein à craquer pour l’occasion d’ailleurs, c’est le Président du Groupe BMCE Bank Of Africa et en même temps représentant de l’actionnaire principal, M. Othman Benjelloun « himself », qui a animé, commenté et excellé (souvent avec humour, mais aussi sans peur de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas) dans la présentation du bilan écoulé et des perspectives d’avenir du « groupe systémique » africain qu’il dirige de main de maître depuis un quart de siècle.
Alors disons-le tout net, les résultats financiers de BMCE Bank au titre de l’année 2018 ne sont pas des plus flamboyants, essentiellement parce que, selon le management de la banque, ce fut une « année de pause », dédiée à la mise à niveau et au renforcement des principaux ratios qui, aujourd’hui, sont des conditions contraignantes pour toutes les banques de la place, selon les règles imposées par Bank Al-Maghrib.
Et plutôt que de s’intéresser au Résultat net par de Groupe, au Résultat brut d’Exploitation ou aux dividendes à distribuer, alors que tous les indicateurs de 2018 sont quasiment identiques à ceux de 2017, on notera que tous les ratios réglementaires se sont améliorés, de plusieurs points chacun d’ailleurs, confortant ainsi la banque dans sa démarche de consolidation de ses fonds propres.
Voilà pourquoi, « divine surprise » pour les dirigeants de BMCE, cette banque a quasiment été la seule à bénéficier d’une notation favorable, (passant de B+ à BB-), dans le récent rapport de l’agence de notation Fitch Ratings consacré au système bancaire marocain, lequel a suscité l’ire du Wali de BAM.
L’attention du management de BMCE s’est donc focalisée en 2018 sur la consolidation de ses bases bilancielles et des ratios (solvabilité, fonds propres, etc.), ce qui a permis au Président Benjelloun de mettre en exergue les décisions du Conseil d’Administration du Groupe, tenu le vendredi 29 mars dernier, qui a fixé les orientations et la stratégie pour les trois prochaines années, 2019-2021.
Exit BMCE, welcome to Bank Of Africa
Hormis l’annonce surprise d’une nouvelle identité pour le groupe qui, de Banque Marocaine pour le Commerce Extérieur, de 1959 à 1995, à BMCE Bank, de cette date à 2015, puis BMCE Bank Of Africa jusqu’à présent, deviendra officiellement en septembre 2019 Bank Of Africa, à l’occasion de la célébration de son soixantième anniversaire.
Bank Of Africa, qui « sonne » extrêmement bien, rappelant les identités des plus grandes banques mondiales, telles Bank Of America, Bank Of Japan ou encore Bank Of China, viendrait souligner l’engagement résolu, profond et de plus en plus marqué à l’avenir dans le développement de toutes les activités africaines du Groupe.
Comme devait le déclarer le Président Othman Benjelloun, avec la conviction née de ses vues visionnaires qui se sont avérées justes et pertinentes, « L’Afrique est notre présent et notre avenir ».
Ce changement d’appellation sera accompagné d’un plan stratégique triennal 2019-2021 qui, à partir d’une conséquente augmentation de capital, 6 milliards de dirhams, permettra de lui assurer les développements qu’elle projette et attend et notamment un chiffre d’affaires de 3 milliards de dirhams en 2021 et un rendement annuel de 12%.
Vous avez dit Six Milliard de Dirhams ?
Dans l’intervalle, par la transformation en actions des dividendes réalisés en 2018, puis ceux en 2019, les fonds propres de la Bank Of Africa se seront renforcés d’un milliard de dirhams, tandis qu’un appel public à l’épargne et l’apport d’institutionnels marocains permettront d’engranger deux milliards supplémentaires.
Il conviendra d’ajouter pour cette augmentation de capital, la contribution des salariés nationaux du Groupe et de ses filiales, (6000 sur les 12 000 worldwide), pour un milliard.
Les deux milliards restants viendront de la seconde « surprise » annoncée par le Président Benjelloun, l’apport d’un actionnaire étranger qui versera dans la cagnotte 200 millions de dollars US.
Mais le Président Benjelloun a refusé d’en dire plus sur cet actionnaire, pour l’instant mystérieux, notamment du fait que les diligences juridiques nécessitées par cette arrivée dans le tour de table du Groupe ne sont pas totalement accomplies.
De cette conférence de presse émaillée de bons mots de l’orateur, au grand plaisir de l’assistance, on retiendra également la réaffirmation par le Président Benjelloun de la pérennité du grand projet de la Cité Mohammed VI à Tanger qui sera une ville intelligente construite avec et pour les entrepreneurs et investisseurs chinois en quête de délocalisation.
Pan sur le bec !
M. Othman Benjelloun, détails précis à l’appui sur l’avancement des travaux, le rachat du foncier (2000 hectares), les aménagements hors site, etc., est ainsi venu éloquemment démentir les assertions de quelques titres de presse qui, à grand renfort d’approximations présentées comme des enquêtes, avaient conclu il y a plusieurs mois, à l’abandon du projet qualifié de « mort-né ».
Et d’annoncer par la même occasion à l’assistance qu’il s’apprêtait à conclure, pour le projet tangérois, dès ce jeudi, avec un des géants de la construction en Chine, l’entreprise CCCC, (Four C), pour China Communications Construction Company, entreprise publique de la République Populaire de Chine, qui compte 162 000 salariés et qui, notamment, a racheté en octobre 2017 une entreprise de construction canadienne Aecon pour la bagatelle de 1,5 milliard de dollars canadiens.
Enfin, on ne saurait terminer ce compte-rendu sans mentionner la « sortie » du Président Benjelloun consacrée à la cession du groupe Saham à un investisseur sud-africain dont le pays, dixit M. Benjelloun, est l’un des plus fermes soutiens du polisario.
Pour le Président de BMCE Bank Of Africa et de FinanceCom, pas question selon lui de vendre des « bijoux de famille », comme sa banque ou encore l’OCP, à des adversaires de notre cause nationale sacrée, car ils appartiennent à tous les Marocains.
Une conviction qui, exprimée sans langue de bois, a suscité les applaudissements nourris de la salle avant de faire, dans les minutes qui ont suivi, les gros titres de plusieurs sites qui, ravis de l’aubaine, ont appliqué l’adage qui énonce que certains, lorsqu’on leur montre la lune, ne voient que le bout du doigt.
Mais, en ces temps où chaque « clic » compte, on comprendra leur empressement à reprendre de telles paroles plutôt que d’annoncer également au grand public tous les autres temps forts de cette conférence de presse !
Fahd YATA