Face au dur constat de l’absence du privé dans la dynamique économique et son insuffisante contribution à l’investissement national, on pourrait se demander ce qui pourrait le rendre possible et plus aisé ?
De nombreux facteurs handicapants ou de blocage perdurent, comme la formation, la justice, la santé et l’éducation.
On s’aperçoit objectivement qu’aujourd’hui au Maroc, l’État a concentré une grande part de ses efforts sur l’investissement en infrastructures lourdes.
En revanche, par exemple, en ce qui concerne la réforme de la Justice qui revêt une importance majeure et qui ne coûte pas forcément cher, on n’a pas pu aller jusqu’au bout.
Combien de gouvernements se sont empêtrés dans la réorganisation de la Justice, de ses procédures, de ses habitudes, de ses hommes et femmes, en éliminant tous les travers qui l’affectent quasiment depuis toujours, sachant que la même remarque est valable pour l’éducation ?
Pourtant, ce sont ces réformes qui sont primordiales pour faciliter l’investissement privé. D’ailleurs pour un banquier, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le financement qui va rendre possible l’investissement ou en accélérer la dynamique.
Et le banquier pratique un métier monoprocesseur.
Les banques prises en otage
Les banques ne prêtent des fonds que lorsqu’elles estiment qu’il n’y a pas de risque.
Donc, malheureusement, ce ne sont pas les secteurs les plus novateurs, les plus « jeunes » qui bénéficient de leurs financements, elles préfèrent prêter à du « sûr ».
Preuve en est que c’est toujours l’immobilier qui tient le haut du pavé en matière de crédits à l’investissement même si ses encours de dettes n’ont pas été remboursés.
On conviendra d’ailleurs à ce sujet que c’est un gros facteur de blocage de la machine parce qu’aucune solution n’a été trouvée pour solder le problème de ce secteur.
Car, fait remarquer un banquier de la place, : « Cela fait dix ans que l’on tourne en rond ! En Espagne par exemple, les banques ont racheté les stocks de l’immobilier et les ont vendus 30 ou 40% moins chers. Mais l’Espagne a le soutien de l’Union européenne en matière de recours de refinancement des banques ».
Les banques marocaines se trouvent dans une situation impossible, car les opérateurs de ce secteur tentent des restructurations sans résultats du fait de problèmes économiques comme l’absence de demande. Et, tant que leurs dettes ne seront pas apurées, ils n’arriveront pas à s’en sortir.
Quant aux banques, elles ont juste rallongé les délais de leurs dettes. En fait, si l’économie retrouve une bonne croissance, et que la demande revient, la machine sera relancée. Mais si elle continue sur ce « faux rythme », l’immobilier ne sortira pas de sa crise ».
Dans l’industrie, d’autres entreprises connaissent des problèmes de surendettement et une baisse de leur activité.
Partant, le secteur bancaire est pris en otage, il a besoin d’un marché qui tourne et où la demande de crédits est diversifiée.
Justement, les banques se tournent de plus en plus vers les PME.
La PME, avenir de la banque ?
Il faut savoir que le nombre de PME fiables selon notre précieuse source tourne entre cinq mille et dix mille unités.
Il s’agit de celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel entre 50 MDH et 250 MDH.
Celles-là, toutes les banques se les arrachent parce que, justement, elles n’ont pas de problèmes de remboursement des crédits bancaires qu’elles sollicitent, et que l’aide de l’État va d’abord vers elles.
Et donc, les banques n’accompagnent pas les petites entreprises à devenir viables. L’enjeu majeur est là !
Il y a donc encore un gros travail à faire en faveur des PME. Il faudrait les aider à capitaliser leurs résultats pour atteindre un minimum de fonds propres pour fonctionner et leur permettre d’avoir des financements bancaires, mais aussi leur faire comprendre qu’en l’absence de fonds propres, les banques ne prêtent plus.
Et, c’est à ce niveau que l’État peut jouer un rôle.
On peut parfaitement imaginer un dispositif dans lequel l’État abonde sur les fonds propres apportés par l’entrepreneur en lui octroyant des aides en proportion avec son apport en capital.
Ou encore apporter une garantie à concurrence de la partie du capital que l’État lui-même aura déterminée.
C’est probablement le fil d’Ariane qu’il va falloir commencer à tirer pour arriver à faire comprendre aux entrepreneurs que mettre de l’argent sera un effet de levier extraordinaire pour eux.
Introduire même une nouvelle nature juridique pour imposer aux entrepreneurs que les résultats obtenus par leur entreprise ne sont pas faits pour la poche de l’entrepreneur, mais pour pérenniser l’entreprise.
Par ailleurs, il faut également régler la problématique des relations de la PME avec les administrations. Cette relation est trop souvent catastrophique.
Notamment parce que les délais de réponse des administrations sont trop souvent très longs, pour le permis de construire, pour celui d’habiter.
Tout cela, c’est du temps perdu pour l’économie !
Time is money…
Une partie de sa croissance, vient de la rapidité d’exécution des transactions.
Et c’est pourquoi l’Administration a besoin d’une mue culturelle totale.
Et l’on sait, par ailleurs, qu’au Maroc, les gens s’alignent lorsqu’il s’agit d’exigences externes.
En conclusion, il faut reconnaître que l’État a fait beaucoup, que le privé doit prendre le relais, mais pour cela, il y a un certain nombre de critères et de conditions à respecter, et qui relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics.
L’État doit changer de paradigme. L’investissement financier dans les infrastructures n’est plus l’alpha et l’oméga, et la priorité doit aller à la réforme de l’Administration pour permettre à l’entreprise privée de tourner dans des conditions acceptables.