Les spéculations vont bon train. Entre la démission de Benkirane, l’arbitrage royal, de nouvelles élections… chacun y va de sa propre analyse. Mais une chose est sûre, la population est «écœurée» de cette situation qui dure depuis près de 4 mois. Les attentes du scrutin du 7 octobre – de nouvelles têtes au sein du gouvernement, les espoirs de voir de nouveaux chantiers en phase avec les attentes des Marocains – ont rapidement cédé la place un ras-le-bol quasi général. La démonstration de force a trop duré. Deux hommes se lancent des défis, sans aucun égard envers le peuple.
Pris dans ce jeu de ping-pong de communiqués, les citoyens trouvent les arguments des uns et des autres non convaincants. C’est la montagne qui accouche d’une souris. La situation telle qu’elle se présente aujourd’hui ne signifie pas uniquement l’échec d’Abdelilah Benkirane à constituer un Gouvernement, mais cela va beaucoup plus loin.
L’exercice est indéniablement ardu, mais le SG du PJD devrait être à la hauteur de la tâche, il devrait être capable de dépasser toutes les difficultés car il savait à quoi s’en tenir.
Mais, c’est également l’échec des formations politiques qui ont prouvé encore une fois leur soif démesurée pour un strapontin au Gouvernement, quel qu’en soit le prix, car leur attrait pour le pouvoir les empêche de voir les limites à ne pas franchir. Le spectacle auquel ils se livrent assombrit davantage leur image, déjà assez trouble. Cet épisode sera sans doute un coup dur pour la politique dans notre pays de manière générale, c’est même la garantie d’une désaffection pour la politique. Alors que l’on sait que le taux de participation est déjà très faible.
Enfin, c’est la démocratie qui prend un grand coup. Le doute, le manque de crédibilité, le rejet des politiques… gagne du terrain. Le suffrage actuel et les institutions actuelles ne reflètent pas la démocratie. Le scrutin du 07 octobre a tranché.Le PJD, qu’on le veuille ou pas a remporté les élections. Suite à quoi, Benkirane a été désigné par le Roi, chef du Gouvernement. Or, aujourd’hui, certains milieux politiques souhaitent inverser la donne, faisant fi des pratiques démocratiques. Certes, dans le cadre des négociations, les partis peuvent accepter ou rejeter les propositions du chef du Gouvernement, mais imposer leurs propres conditions souvent carriéristes n’est pas politiquement correct et ne saurait être tolérable. Au moment où notre jeune démocratie a besoin d’icônes politiques, capables de tourner la page d’une histoire politique marocaine souvent marquée par des pratiques douteuses, certains nous tirent vers le bas. Des partis qui ne disposent même pas de dix sièges veulent intégrer le Gouvernement coûte que coûte. Le sentiment d’une grande partie de la population est qu’elle a affaire à une oligarchie désorganisée où chacun fait d’abord passer ses propres intérêts, sans se soucier de l’intérêt général.
C’est dire que les citoyens ont de véritables attentes auxquelles il faudrait s’atteler, au lieu de poursuivre ce jeu stérile qui ne grandit personne. A partir de là, on comprend que quelle que soit la sortie de ce blocage, la politique et l’appréciation de la démocratie s’en ressentiront à coup sûr.