Bilan d’exécution de la Loi de Finances 2025 : Un déficit budgétaire de 60 milliards de dhs
Le projet de loi de finances 2026 a été adopté en première lecture par la Chambre des Représentants le 14 novembre dernier et devrait l’être définitivement au plus tard le 10 décembre prochain.
En même temps, le ministère des Finances a publié sa note de conjoncture datée de novembre, très actualisée, qui expose les exécutions de la loi de finances 2025 avec ses réalisations économiques et budgétaires.
Rappelons que la loi de finances 2025 est la première d’une programmation budgétaire triennale 2025-2027, qui s’inscrit dans une stratégie visant à réduire progressivement le déficit budgétaire, avec des objectifs de 4,1% à 3,5% du PIB en 2025, 3% en 2026 et 3% en 2027, après avoir modernisé le régime fiscal avec des allègements en faveur des entreprises et des particuliers, renforcé les budgets santé et éducation, et encouragé l’investissement étranger notamment. Et ce, en comptant sur un taux de croissance économique de 4%.
A ce titre, les chiffres et analyses de la Note de conjoncture du ministère des Finances de novembre nous permettent d’évaluer le niveau d’exécution de la Loi de Finances 2025 à la veille de l’entrée en vigueur de celle de 2026 le premier janvier prochain.
Ainsi, dans un environnement économique international, la zone Euro en particulier terminerait l’année avec une croissance atone de moins de 1% pour les principaux pays du continent que sont l’Allemagne avec 0,2%, la France 0,7% et l’Italie 0,4%. Le Maroc devant faire beaucoup mieux avec une tendance à la hausse de sa croissance dans tous les secteurs de son économie. En effet, le secteur agricole, qui suscite toutes les inquiétudes, a connu à fin juin une hausse de sa valeur ajoutée de + 4,6%, le secteur industriel de 5,2% et le tourisme de 14% à fin octobre avec 16,6 millions d’arrivées touristiques en 2025.
Mais, le plus important c’est que les deux facteurs « connus et reconnus » de la croissance économique, à savoir la consommation et l’investissement se conjuguent pour booster la croissance au Maroc. En effet, selon la note de conjoncture en question la consommation des ménages « maintient sa vigueur, soutenue par les mesures en faveur du pouvoir d’achat mises en œuvre par les pouvoirs publics, dans un contexte d’inflation qui reste maîtrisée (+0,1% en octobre). Elle bénéficie aussi des transferts des MRE (+1,1% à 92,7 milliards de dirhams à fin septembre), de la création de 220.000 postes d’emplois rémunérés au T3-2025 et de la hausse des crédits à la consommation (+4,2% à fin septembre) ».
« Alors que l’effort d’investissement est « stimulé par les grands chantiers structurants et les dépenses d’équipement du Budget général de l’État de +8,3% à 86,2 milliards de dirhams à fin octobre. Cette dynamique bénéficierait également du raffermissement notable à fin septembre des recettes des IDE de +39,5%, des importations de biens d’équipement +13,9% et des crédits à l’équipement de +22,8% ».
Par ailleurs la balance commerciale, un des agrégats fondamentaux de la stabilité du Maroc affiche des exportations en hausse de 3,6% à fin septembre, liée notamment à l’augmentation des exportations de phosphates et dérivés (+19,2%), de l’agriculture et agroalimentaire (+3,4%) et de l’aéronautique (+6,1%). Augmentation qui concerne également fortement les importations qui ont cru de 9,2% à la même date, tirées par l’ensemble des groupes de produits, à l’exception des importations des produits énergétiques qui ont reculé de 5,1%, portant le déficit commercial à 17,7% et engendrant ainsi un repli du taux de couverture de 3,1 points, à 57,2% à fin septembre.
Sur le plan budgétaire, la note de conjoncture, compte tenu de l’exécution de la Loi de Finances à fin octobre 2025, affiche un déficit budgétaire de 60,3 milliards de dirhams, contre 47,4 milliards l’année précédente. Il résulte d’un taux d’accroissement des dépenses globales de +56,3 milliards de dirhams soit +16,6%, supérieur à celui des recettes ordinaires qui ont pourtant augmenté de +14,9% à + 43,4 milliards de dirhams.
Et, ce sont les recettes fiscales qui encore cette année tiennent la dragée haute en la matière. Sachant que si les recettes ordinaires (fiscales et non fiscales), ont enregistré un taux de réalisation de 84,5% à 334,1 milliards de dirhams, les seules recettes fiscales se sont raffermies de 15,2% pour atteindre 280,8 milliards de dirhams à la même date, à hauteur de 87,7% des prévisions de la Loi de Finances 2025.
Elles traduisent un élargissement de l’assiette fiscale engendré par la grande réforme fiscale avec ses réductions de taux. Donc, elles ont été impulsées par les recettes des impôts directs qui se sont consolidées de 23% à 134 milliards enregistrant un taux de réalisation exceptionnelle de 96,2%. Il s’agit de l’IS qui a pris 29,7% à 74,1 milliards de dirhams, avec la précision importante de son taux de réalisation de 101,5 %. Mais aussi, des recettes de l’IR qui se sont accrues de 15,8% pour se situer à 55,9 milliards de dirhams, avec un taux de réalisation de 91,9% et de la TVA dont les recettes se sont améliorées de 9,1% à 79,7 milliards de dirhams pour un taux de réalisation de 79%.
Quant aux recettes non fiscales, elles ont également augmenté de 14,7% pour s’établir à 49,4 milliards de dirhams à fin octobre 2025, se concrétisant à hauteur de 69%. Cette évolution s’explique par l’appréciation des recettes en provenance des établissements et entreprises publics de 18,4% à 16,1 milliards de dirhams et des autres recettes non fiscales de 20% pour s’élever à 33,3 milliards de dirhams, dont 18,8 milliards au titre des mécanismes de financements innovants, résultat de la réforme en la matière et de 11,7 milliards au titre des produits divers des ministères.
Du côté des dépenses ordinaires, qui avec un taux de réalisation de 84,2% se sont appréciées de 16,1% à 298 milliards de dirhams, l’on retient deux éléments importants qui concernent d’une part, les dépenses en intérêts de la dette et celui des charges de la compensation de l’autre.
Le comportement des charges en intérêts de la dette constitue une ligne à regarder de près parce qu’exécutées à hauteur de 89,3%, elles ont augmenté de 23,6% pour atteindre 38,1 milliards de dirhams. Cette évolution recouvre une hausse des charges en intérêts de la dette intérieure de 36,9% à 30,2 milliards de dirhams et une baisse de celles de la dette extérieure de 9,9% à 7,9 milliards de dirhams.
A noter également, la conversion économique du pays avec la baisse importante des charges de la compensation, qui ont enregistré un taux de réalisation de 93,1%, tout en reculant de 25,4% pour se situer à près de 16 milliards de dirhams uniquement. Cette évolution s’explique, d’une part, par la diminution des dépenses liées au gaz butane de -2,1 milliards de dirhams, au sucre de -1,2 milliard de dirhams et à la farine nationale de blé tendre de -441 millions de dirhams, ainsi que par la non-reconduction de la subvention en faveur des professionnels du secteur du transport routier, dont le montant accordé à la même période de l’année précédente avait atteint 1,7 milliard de dirhams.
Dans la note de conjoncture du ministère des Finances de novembre, c’est l’aggravation du niveau du déficit budgétaire à octobre 2025, qui passe de 47,4 à 60,3 milliards de dirhams qui retient l’attention ! Sachant que de la situation des charges et ressources du Trésor dégage un besoin de financement de 73 milliards de dirhams à deux mois de la fin de l’année, contre 52,4 milliards l’année précédente. Lequel besoin a été couvert par le recours aux financements intérieur et extérieur respectivement de 39,3 et 33,7 milliards de dirhams respectivement.
Toutefois, dans un Maroc qui bouge par la mise en œuvre de réformes tous azimuts, qui se traduisent par des investissements publics et privés de grande envergure, réalisés sur tout le pays avec un accent sur les secteurs prioritaires comme la santé et l’éducation dont la construction et la mise à niveau d’écoles et d’hôpitaux et des infrastructures, l’aggravation du déficit budgétaire se justifie et devrait s’améliorer au bout de la loi de finances triennale. D’autant que son financement est réalisé en dirhams et en devises pour un certain confort de la balance des paiements. La diminution du déficit budgétaire programmée par la Loi de finances triennale s’appuie sur la prévision d’une croissance résultant de ces efforts d’investissements qu’il faut mesurer également par des signes d’utilisation massive de nouvelles sources de financement alternatives et innovants comme le démontrent les chiffres publics du marché des capitaux, la bourse et le marché de la dette privée, qui accumulent les émissions d’obligations et les introductions en bourse en milliards de dirhams. Preuve s’il en est, les performances des indices MASI et MASI 20, qui à fin octobre 2025, affichent +28,8 et 29,8 % par rapport à fin octobre 2024…
Afifa Dassouli
