Trois mois quasiment après avoir été investi par le Roi Mohammed VI de la mission de constituer une majorité parlementaire et gouvernementale, à la suite des élections législatives du 7 octobre dernier, M. Abdelilah Benkirane aborde sa dernière ligne droite…
Mais où le mènera-t-elle ? Lui faudra-t-il se soumettre sous peine de se démettre ?
Sans préjuger de l’avenir tout proche et dans la continuation de nos analyses précédentes, qui, grâce à Dieu, ne se sont pas avérées trop mauvaises jusqu’à présent, on peut estimer que le secrétaire général du PJD n’a plus qu’une seule alternative, laquelle, comme chacun sait, est constituée de deux options : Accepter les conditions, qu’il considère comme léonines, du président Aziz Akhannouch, ou « rendre son tablier », avant d’être frappé d’une « infamie politique » qui consisterait à se voir remercié par le Souverain après le constat officiel et royal de son échec !
Car s’il venait à refuser la dernière exigence du nouveau patron du RNI, c’est-à-dire l’inclusion de l’UC et de l’USFP dans l’attelage gouvernemental, il lui serait incontestablement très difficile de réussir son pari, celui de diriger pour la troisième fois consécutive, un gouvernement de coalition.
Voilà pourquoi l’on serait tenté de pasticher le titre d’une œuvre littéraire du Français Daniel Rops, « Abdelilah, où est ta victoire » ?
On a gagné !
Car si le vainqueur des élections législatives et son parti, le PJD, certes arrivés en tête au soir du 7 octobre 2016, ont dû avaler maintes couleuvres pour rester en piste dans la course à l’investiture parlementaire, aujourd’hui, c’est pratiquement un boa constrictor qu’on veut leur faire ingurgiter, sans trop d’espoir pour eux de refuser un tel « repas ».
Qu’on en juge : Abdelilah Benkirane et ses amis, « sûrs d’eux et dominateurs » au début d’octobre dernier, voulaient « agencer » leur édifice gouvernemental sur la seule base de leurs « amitiés » et calculs. C’est ainsi que le PJD s’assura de la participation, empressée et sans conditions d’ailleurs, du PPS et de l’Istiqlal, tandis que l’USFP et le MP, adoptaient une attitude ambiguë.
Avec le discours royal de Dakar, début novembre, le chef de gouvernement pressenti vint à comprendre que l’affaire serait plus compliquée et tout en insistant sur la participation de « Ssi Cliss », il tourna son regard vers le RNI, lequel venait de se donner un nouveau chef et pas le moindre, Aziz Akhannouch, à l’esprit de décision fort affuté par sa longue expérience d’opérateur économique averti.
Benkirane et la quasi-totalité des analystes croyaient alors que le tour était joué et que le RNI, docilement, viendrait se ranger sagement derrière l’équipage PJD-PPS-PI, comme s’il fallait absolument que la Colombe fit équipe avec la Lampe, le Livre et la Balance.
Vint alors le temps de l’attente et d’une pression qui allait s’accentuant sur un homme qui commençait à comprendre que sa misérable paire de 7 ne pouvait contre le brelan d’As de son vis-à-vis…
Et l’estocade finale pris la forme d’une démarche de deux conseillers royaux au siège de la chefferie du gouvernement, à la fin de l’année 2016, lorsqu’on fit comprendre à Ssi Abdelilah que cette longue vacance gouvernementale indisposait tout autant le Chef de l’Etat que l’opinion publique nationale.
Les pourparlers s’engagèrent donc avec le RNI, qui exigeait l’éviction du PI, chose que le leader du PJD refusait de faire jusqu’à ce qu’intervint un coup de théâtre comme seule la classe politique marocaine en a le secret, le « suicide en live et en public » de M. Hamid Chabat qui, le temps d’une déclaration à un site électronique, lui aussi bien inspiré dans ses questions, se prit à ressembler à feu Allal El Fassi, pastichant pour l’occasion la grenouille et le bœuf de Jean de La Fontaine. Qu’advint-il d’autre que « l’éclatement de Ssi Cliss » et la fin des prétentions de l’Istiqlal, lâché par un Abdelilah Benkirane obligé de constater que Chabat s’était tiré une balle dans la tête lui qui avait l’habitude de tirer dans les jambes des autres….
Volens, nolens…
Et nos preux analystes de s’empresser d’annoncer l’imminence de la constitution du gouvernement, et le PJD de « cadrer » sa nouvelle majorité en précisant quelle serait sa composition exacte…
Et tout le monde, ou presque, d’oublier qu’entretemps, M. Aziz Akhannouch avait continué son bonhomme de chemin, constituant un bloc politique solide, destiné, incontestablement, à peser lourdement à l’intérieur même de la majorité et du gouvernement !
Car le RNI désormais, ne parlait plus en son nom propre, mais également en lieu et place de ses alliés, le MP, l’UC et l’USFP, les caciques de ce parti ayant compris qu’ils gagneraient plus à s’arrimer au RNI qu’au PJD, déjà fort avancé dans ses épousailles avec le PPS…
Voilà où en sont les choses alors que le Royaume s’apprête à célébrer le Manifeste de l’Indépendance, qui marquait, faut-il le rappeler ?, l’engagement résolu du mouvement patriotique national derrière son Souverain, le 11 janvier 1944…
Benkirane acceptera-t-il les conditions d’Akhannouch, démissionnera-t-il, ou sera-t-il démis ?
Dans les trois hypothèses, il ne sera rien d’autre qu’un perdant, comme l’écrivaient La Nouvelle Tribune et le portail www.lnt.ma en un éditorial daté du 14 décembre 2016 « trois scenarii pour un perdant » !
Et cela faute d’avoir compris, dès le départ, qu’il ne disposait pas d’atouts assez forts pour dicter ses conditions alors qu’une autre maxime de La Fontaine lui aurait permis de d’éviter cette défaite politique et d’image majeure qu’il a contribué à infliger à son parti : On a toujours besoin d’un plus petit que soi…
Fahd YATA