Lever de soleil le 11 janvier 2018 dans le parc de la Pendjari, au Bénin © AFP/Archives STEFAN HEUNIS
Le corps retrouvé dans un parc national du Bénin, où deux touristes français ont disparu, est bien celui de leur guide, ont confirmé dimanche les gouvernements béninois et français, renforçant les craintes d’un enlèvement dans ce pays jusque-là épargné par l’insécurité en Afrique de l’Ouest.
« Les résultats des examens effectués sur le corps sans vie retrouvé le samedi 4 mai dans le parc national de la Pendjari permettent d’affirmer que ce corps est celui du guide béninois des deux touristes français dont la recherche se poursuit », écrit le ministère béninois de l’Intérieur dans un communiqué.
Les recherches « ont conduit à la découverte du corps du guide béninois » et « se poursuivent activement afin de retrouver nos deux compatriotes », renchérit le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué distinct.
Selon une source gouvernementale béninoise interrogée par l’AFP, une grande incertitude règne toujours quant au sort des deux touristes français disparus depuis mercredi, « deux enseignants venus passer une dizaine de jours en vacances au Bénin ».
L’homme retrouvé mort « était un guide professionnel bien connu au Bénin. Hier matin (samedi) lorsque les gens du parc l’ont découvert, ils l’ont reconnu malgré l’état très abîmé du corps. Un médecin légiste qui l’a ensuite examiné a estimé que c’était lui à 99% », a poursuivi cette source.
Le pantalon retrouvé sur le cadavre a été présenté à sa famille, qui a confirmé qu’il s’agissait bien de celui du guide béninois Fiacre Gbédji.
« La thèse d’un enlèvement se précise » pour les deux touristes français, dont le véhicule a été retrouvé dans l’est du Burkina Faso, a confié à l’AFP une source sécuritaire de la région. « Un Toyota 4 Runner qui transportait les deux touristes français et leur guide a été retrouvé sans les occupants », a-t-elle détaillé.
Les deux touristes « ont peut-être déjà passé la frontière avec le Mali », base arrière de nombreux groupes jihadistes, a affirmé cette source proche du gouvernement béninois.
Ils ont disparu mercredi soir et « sont probablement déjà très loin », selon une source sécuritaire à Cotonou.
Les deux enseignants avaient visité plusieurs sites dans le sud du pays, dont Abomey et Ouidah, et devaient s’envoler dimanche soir pour Paris.
– Dégradation sécuritaire –
La Pendjari, avec ses 4.700 km2, est l’un des trois parcs de l’ensemble WAP (W, Arly et Pendjari) qui s’étend sur le Bénin, le Burkina Faso et le Niger, et l’un des derniers sanctuaires de la vie sauvage en Afrique de l’Ouest.
Il fait partie des grands projets de réhabilitation engagés par le Bénin pour son développement économique depuis l’arrivée au pouvoir du président Patrice Talon, en avril 2016.
Les investisseurs se sont engagés à investir 26 millions de dollars (dont 6 millions par le gouvernement béninois) en dix ans pour faire revivre ce parc, abîmé par des décennies de négligence.
Mais sa situation géographique, limitrophe avec le Burkina Faso, était une menace constante, désormais réelle: le pays voisin est confronté à une dégradation de la situation sécuritaire sur son sol depuis 3 ans, avec une accélération alarmante ces derniers mois.
Le Bénin était considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, une région où opèrent de nombreux groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique (EI). Mais les parcs sont des zones très difficiles à surveiller, malgré un renforcement des équipes de surveillance, entraînées militairement depuis que African Park a repris la gestion de la Pendjari.
« Il vous arrive de rencontrer des gens à pied dans le parc, mais vous ne savez pas où ils vont ni d’où ils viennent », explique à l’AFP Robert Oké, un guide du parc.
– Multiplication des fronts –
« J’ai un groupe de touristes qui venait le 15 mai », se désole le guide. « Ils ont dû annuler. Ils venaient pour six jours dans le parc ». L’exploitation du parc est l’une des seules sources de revenus dans cette région reculée du Bénin, à plus de 10 heures de route de la capitale économique, Cotonou. La zone avait récemment été placée comme « formellement déconseillée » par le Quai d’Orsay, « compte tenu de la présence de groupes armés terroristes et du risque d’enlèvement ». Selon des experts et des sources sécuritaires, le nord des pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest, comme le Togo et le Bénin, est devenu vulnérable ces derniers mois face à la stratégie d’expansion et de multiplication des fronts adoptée par les groupes armés. Dans le parc du W, à cheval sur le Bénin, le Niger et le Burkina, « des combattants originaires du Mali auraient mené dès 2014-2015 une reconnaissance » jusqu’au Bénin, selon un rapport publié en mars par l’institut de recherche Thomas More. Au Burkina, 90% des attaques ne sont pas revendiquées. Elles ont été pour la plupart attribuées à Ansaroul Islam, au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ou à l’Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), mais une dizaine d’autres groupes, « plus petits et sans doute moins structurés » sont également actifs, selon International Crisis Group (ICG). |
LNT avec AFP