Le Musée de Bank Al-Maghrib accueille, du 26 janvier au 10 mars 2017, une importante exposition d’oeuvres d’art en hommage au peintre et graveur Aziz Abou Ali, intitulée « Entre art et mélancolie ».
Artiste au destin tragique, vu que son corps ne fut découvert que 45 jours après sa mort, Aziz Abou Ali maîtrisait parfaitement l’art de la gravure, le secret et l’alchimie des encres, des planches de cuivre, du papier, du tissu et de l’acide. L’exposition donnera à voir un éventail de ses créations exceptionnelles – des huiles, des gravures, des gouaches, des encres de Chine et mines de plomb, ainsi que des sculptures – réalisées toutes sinon en grande partie, en Espagne où il vécut jusqu’à sa mort en 1993.
A l’occasion de cette exposition hommage, une belle et volumineuse monographie consacrée à l’artiste intitulée « Le graveur de la solitude » publiée par les Editions Marsam avec le soutien du Ministère de la Culture, sera présentée.
Aziz Abou Ali, un artiste peintre expressionniste
Ni mouvement ni école, l’expressionnisme a toujours été défini par les historiens d’art comme une tendance, c’est-à-dire le fait d’isolés qui aspirent à exprimer leurs subjectivités face à la réalité sans chercher à atteindre à la perfection. Abstraction faite de toute appartenance géographique et temporelle, le peintre expressionniste est un révolté en puissance, un visionnaire pour qui la couleur n’est pas un simple revêtement de la forme. Portant ses sentiments au paroxysme, il recherche l’expression par le lyrisme de l’insolite et de l’étrange. L’ambiance de ses oeuvres est tragique. L’usage du noir et du blanc, la présence de personnages écrasés, vecteur d’identification privilégié pour mettre en relief ses états mentaux (ennui, peur, angoisse, désespoir, etc.), l’importance qu’il donne aux arts graphiques, aux formes dures, caricaturales, fantômales, la stylisation géométrique du décor et la déformation de la réalité, l’emploi du clair-obscur, des lignes acérées, obliques, le font renouer avec les archaïsmes et le goût du bois gravé. Aucun mouvement (ici tendance) n’a été si souvent assimilé à la folie. Van Gogh disait que ses tableaux étaient un cri d’angoisse. Comment s’étonner qu’Aziz Abou Ali soit un exemple représentant (à sa manière) cette tendance ! Exilé de l’intérieur avec un legs moral familial des plus décevant, l’ambiguïté et l’étrangeté règnent en maîtres dans ses oeuvres, surtout celles exécutées quelques années avant sa mort. Tous ses personnages, fuyants, à l’anatomie d’un schématisme douloureux, seraient des autoscopies, et reflètent un certain réalisme social, débité en un long destin de « feuille morte », dont la tardive et cinglante découverte de son cadavre en décomposition est le triste point culminant…
LNT avec CdP