La Banque centrale européenne doit annoncer jeudi son intention de réduire son imposant soutien à l’économie de la zone euro, qui lui a permis d’éviter de sombrer dans la crise, mais elle entend agir sans précipitation.
« L’institut d’émission ne va pas vouloir causer un électrochoc mais plutôt tranquilliser les investisseurs en annonçant qu’elle va encore intervenir longtemps et de manière forte sur les marchés », déclare à l’AFP Sylvain Broyer, économiste chez Natixis.
Le patron de l’institut monétaire Mario Draghi a annoncé « des décisions » lors de la réunion d’octobre.
Rien n’est attendu concernant les taux d’intérêt directeurs, maintenus à leurs planchers historiques depuis plus d’un an.
C’est du côté des rachats de dette, autre moyen d’agir sur l’économie, que les choses vont commencer à changer: l’institution gardienne de l’euro achète depuis mars 2015 des obligations publiques et privées sur le marché, pour près de 1.900 milliards d’euros à ce jour, soit d’ores et déjà plus que que le PIB de l’Italie.
Ce programme baptisé « QE » a été décidé pour diffuser la monnaie créée vers l’économie afin de soutenir la croissance et éloigner le spectre de la déflation.
– Croissance sans inflation –
La martingale a fonctionné, se félicite la BCE, mais pas encore de manière complète à ses yeux. Les conditions de crédit sont souples comme jamais, favorisant la consommation et les investissements, devenus les piliers de la croissance retrouvée.
Celle-ci s’est établie en zone euro à 2,4% en rythme annuel au premier semestre de l’année, mieux qu’attendu.
Cependant, « la stabilité des prix n’est pas encore garantie, notamment parce que les coûts salariaux n’augmentent pas à la vitesse voulue », explique Sylvain Broyer. En cause, la faible qualité des emplois créés dans le sillage de la reprise.
Lors de sa précédente réunion de septembre, la BCE, qui a pour tâche première de surveiller l’inflation, en était même venue à abaisser ses perspectives en la matière en zone euro à 1,2% en 2018 et 1,5% en 2019, des chiffres éloignés de l’objectif proche de 2% qu’elle s’est fixé à moyen terme.
Le taux de change de l’euro joue aussi un rôle important. La monnaie unique vaut à ce jour près de 1,17 dollar, alors qu’elle était considérée comme un « facteur d’incertitude » et de fait un frein pour l’inflation en atteignant plus d’1,20 dollar en septembre.
– Tranquillisants –
Pour le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, la BCE devait réduire ses achats d’actifs, mais de façon « pragmatique », afin de maintenir l’orientation « accommodante » de sa politique monétaire.
« La BCE va ramener le rythme de ses achats mensuels à 30 milliards d’euros à partir de janvier 2018 », et ce pour neuf mois, contre 60 milliards actuellement jusqu’à fin 2017, estime Jörg Krämer, chef économiste chez Commerzbank.
Placer la barre plus haut – à 40 milliards par mois mais moins longtemps – ferait courir le risque de voir certaines obligations souveraines, surtout allemandes, commencer à se raréfier. Alors que descendre plus bas – 20 milliards par mois – pourrait prendre inutilement les marchés à contre-pied et susciter quelques remous, précisément ce que veut éviter la BCE.
De même, l’institution francfortoise n’agira pas sans ignorer ce qui va se passer de l’autre côté de l’Atlantique en terme de politique monétaire. En effet, « le resserrement du crédit par la Réserve fédérale américaine, appelé à se poursuivre, donne plus de marge de manœuvre à la BCE pour continuer à lever le pied sur ses achats d’actifs », estime Sylvain Boyer.
Jeudi, « le ‘Docteur’ Draghi voudra également prescrire quelques tranquillisants », selon Jörg Krämer. Il s’agira selon lui de conserver la perspective d’un nouvel assouplissement si les choses tournaient mal et de maintenir les taux au plus bas encore longtemps.
Ce faisant, l’institution risque de s’attirer de nouvelles critiques en Allemagne, surtout chez les libéraux du FDP, l’un des partis entré dans des négociations avec les chrétiens-démocrates d’Angela Merkel et les Verts en vue de former un gouvernement de coalition. Les Allemands, champions de l’épargne, se plaignent de la faible rémunération induite pas les taux bas.
LNT avec Afp