Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, à Madrid le 24 mai 2017 © AFP/Archives JAVIER SORIANO
La Banque centrale européenne devrait envoyer jeudi un signal prudent amorçant la fin de l’afflux d’argent bon marché face à une embellie économique de la zone euro, tout en renvoyant néanmoins à plus tard l’annonce de mesures concrètes, selon les analystes.
A l’issue de la réunion du conseil des gouverneurs de l’institution, qui se tient exceptionnellement à Tallinn en Estonie, seront annoncés à 11H45 GMT, selon toute attente, le maintien des taux directeurs en zone euro à leur plus bas historique — avec le principal taux à zéro et celui sur les dépôts à -0,40% — et la poursuite du programme d’achats de dette au rythme de 60 milliards par mois, anticipent les économistes.
Mais ce sont les mots choisis par le président de la BCE, Mario Draghi, lors d’une conférence de presse débutant à 12H30 GMT, qui seront particulièrement scrutés. L’Italien pourrait poser les jalons d’une diminution progressive, décidée plus tard dans l’année, des rachats de dette, sur fond d’amélioration de la conjoncture économique et de l’inflation.
« La BCE devrait envoyer des signaux prudents, comme quoi le temps de sa politique ultra-expansive pourrait parvenir à son terme », juge Alain Lemangnen, de Natixis.
– Loin de l’objectif –
Pour conjurer le risque de déflation, la BCE avait lancé en 2015 ses achats massifs d’actifs sur le marché. Et depuis mars 2016, les taux sont scotchés à des niveaux historiquement bas pour soutenir le crédit et l’investissement.
Mario Draghi n’a eu de cesse de louer les résultats de cette politique, avec des indices de confiance au plus haut, un taux de chômage à son plus bas depuis 2009 (9,3% en mai) et un risque de déflation écarté.
Toutefois, la BCE n’est pas encore prête à sonner la fin de la partie car « la reprise cyclique n’a pas amené de pression inflationniste », souligne Carsten Brzeski, chez ING Bank.
L’inflation en glissement annuel avait atteint 1,9% en avril, mais s’est tassée à 1,4% dès mai. Mesurée sans les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, elle s’est même limitée à 0,9%. Cela reste « loin de l’objectif de la BCE d’amener durablement l’inflation en direction des 2% », estime Carsten Klude, chez M.M.Warburg.
D’ailleurs, Mario Draghi a prévenu récemment, devant le Parlement européen, que la BCE était « fermement convaincue » du besoin de poursuivre sa politique expansionniste, malgré les appels allemands, sur fond de campagne électorale, à mettre un terme à cette politique de taux bas rognant les économies des petits épargnants.
– Risques équilibrés –
Mais la BCE pourrait toutefois qualifier désormais d' »équilibrés » les risques pesant sur la reprise, une première après les avoir perçus jusqu’à présent comme orientés « à la baisse ». Le PIB de la zone euro a crû de 0,5% au premier trimestre et celui en cours s’annonce aussi robuste.
« Les données sur l’économie réelle devraient convaincre le conseil des gouverneurs de se départir de sa prudence et d’améliorer sa prévision de croissance pour la zone euro », estime Marco Valli, UniCredit.
Selon la banque Natixis, la nouvelle prévision de croissance du PIB de la zone euro, communiquée ce jeudi, pourrait être revue à la hausse pour 2017, passant de 1,8 à 1,9%, mais celle de l’inflation, à 1,7% actuellement, serait réduite de 0,1 point.
Même si elle reste très soucieuse de contrôler de près le vocabulaire employé afin de ne pas susciter des attentes injustifiées sur les marchés, la BCE pourrait quand même surprendre si, à côté de son engagement à maintenir les taux à leur niveau aussi longtemps que nécessaire, elle abandonnait toute référence à la possibilité de les « baisser davantage ».
Une autre interrogation porte sur le maintien ou non du passage de son communiqué soulignant la possibilité de modifier le rythme ou la durée des rachats mensuels d’actifs, si l’horizon est amené à se détériorer.
Toute réduction du programme de rachats d’actifs, pour l’heure prévu au rythme actuel au moins jusqu’à 2018, ferait remonter les taux d’emprunts, ce qui risque de peser sur la dette de certains Etats fragiles de la zone euro, l’Italie en premier.
La BCE a, dans tous les cas, déjà prévenu qu’elle ne songerait à relever les taux d’intérêt que « bien après ».
LNT avec AFP