
La conférence de presse tenue après la réunion du conseil de Bank Al-Maghrib est une tradition bien appréciée des journalistes marocains, vu qu’elle leur permet d’échanger directement avec le Wali de BAM, M. Abdellatif Jouahri, autour des grandes questions concernant l’économie marocaine.
Mais ce mardi 17 mars 2020, pandémie oblige, M. le Wali s’est présenté seul face à la caméra, pour une intervention diffusée en direct sur la chaîne Youtube de Bank Al-Maghrib.
Le Conseil de Bank Al-Maghrib, qui suit de « très près » la conjoncture nationale et internationale, n’écarte pas d’éventuelles réunions « exceptionnelles » avant sa session prévue en juin prochain s’il se doit de prendre des mesures supplémentaires, a annoncé le Wali de la Banque centrale. M. Jouahri a fait savoir que le Conseil s’est attardé « très longuement sur les répercussions des conditions climatiques défavorables qui prévalent dans notre pays au titre de l’actuelle récolte et de la propagation à l’échelle mondiale de la pandémie Covid-19 ».
Sur ce dernier point, le Conseil a relevé que l’évolution rapide de cette pandémie « exige l’actualisation fréquente de l’évaluation de la situation et des prévisions économiques », a soutenu le Wali.
Une croissance en berne en 2020
L’analyse de la conjoncture nationale fait état notamment d' »un affaiblissement de la croissance » qui devrait stagner, a-t-il dit, à 2,3% en 2020, pâtissant de l’effet conjugué des conditions climatiques défavorables et de la propagation au niveau mondial de la pandémie Covid-19.
L’année prochaine, la croissance enregistrerait un rebond à 3,8%, avec une augmentation de la valeur ajoutée agricole de 8,1%, sous l’hypothèse d’une récolte céréalière moyenne estimée, par BAM, à 75 millions de quintaux ainsi qu’une amélioration de la croissance non-agricole à 3,3%, a indiqué M. Jouahri avant d’ajouter que « ces prévisions se risquent d’être largement révisées à la baisse si la pandémie du Covid-19 n’est pas contenue à court terme ».
En revanche, l’encours des réserves internationales nettes (RIN) se renforcerait à 246 milliards de dirhams (MMDH) en 2020 puis à 251,9 MMDH en 2021, garantissant ainsi une couverture de plus de 5 mois d’importations de biens et services, a assuré M. Jouahri.
Le taux directeur baisse de 25 pdb
Tenant compte de ces évaluations, de l’évolution de l’inflation à moyen terme, et dans l’objectif de soutenir l’activité économique, le Conseil de Bank Al-Maghrib a décidé de réduire le taux directeur de 25 points de base à 2%, a précisé le Wali.
Pour ce qui est de l’inflation, le Conseil a noté qu’après s’être établie à un niveau faible de 0,2% en 2019, l’inflation devrait se situer à 0,7% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2020 et s’accélérer à 1,2% en 2021, avec une augmentation graduelle de sa composante sous-jacente de 0,6% en 2019 à 1% puis à 1,3% en 2021.
Sur le marché du travail, l’économie nationale a connu en 2019 une création nette de 165 mille emplois. Cette évolution reflète notamment une hausse de l’emploi de 267 mille postes dans les services et une perte de 146 mille dans l’agriculture, et, compte tenu d’une entrée nette sur le marché de 135 mille demandeurs d’emploi, le taux d’activité est revenu de 46% en 2018 à 45,8% en 2019 et le taux de chômage de 9,5% à 9,2%.
Pour sa part, le déficit du compte courant se serait atténué à 4,4% du PIB en 2019, et devrait s’alléger davantage sur l’horizon de prévision pour revenir à 3,5% en 2020 et à 2,5% du PIB en 2021, estime la Banque centrale.
En 2020, les importations continueraient à progresser à un rythme modéré avant d’enregistrer une accélération en 2021, reflétant principalement l’évolution de la facture énergétique. A l’inverse, les exportations afficheraient une nette accélération, sous l’effet essentiellement de la hausse de la production que devrait connaitre la construction automobile, selon les chiffres annoncés par l’usine PSA.
S’agissant des conditions monétaires, le taux de change effectif réel est ressorti en appréciation de 1,1% en 2019, résultat notamment d’un net accroissement de la valeur de la monnaie nationale en termes nominaux. Celui-ci devrait s’atténuer sensiblement en 2020 et se dissiper en 2021.
En ce qui concerne le crédit bancaire au secteur non financier et sur la base des prévisions de la croissance et des effets attendus du programme intégré d’appui et de financement des entreprises, le crédit au secteur non financier devrait terminer l’année en progression de 4,5% avant de se renforcer de 5,3% en 2021.
La Banque centrale souligne par ailleurs qu’à moyen terme, le processus de consolidation budgétaire devrait se poursuivre, à un rythme « plus lent » que prévu en décembre, estimant que le déficit budgétaire hors privatisation devrait, compte non tenu des efforts exceptionnels que le gouvernement est amené à consentir dans la conjoncture difficile actuelle, connaitre une légère atténuation à 4% du PIB en 2020, puis à 3,9% du PIB en 2021.
Le programme Intelaka sur la bonne route
M. Jouahri a noté que concernant le Programme intégré d’appui et de financement des entreprises, « la partie financement est pratiquement finalisée, à la suite de quoi un guide a été élaboré, qui est opérationnel ». Concernant l’accompagnement des entreprises, « toutes les parties, malgré les conditions difficiles, travaillent d’arrache-pied pour finaliser précisément l’intervention de chaque partie prenante dans cette phase d’accompagnement pour élaborer un guide d’accompagnement de bout en bout et compléter ainsi la mise en œuvre de ce programme ».
Enfin, suite à la décision de l’élargissement de la bande de fluctuation du dirham à +/- 5%, le Conseil a noté que « cette transition a été décidée à un moment approprié, et le marché continue de fonctionner dans de bonnes conditions ».
Selim Benabdelkhalek