M. Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib
Le Conseil de Bank Al-Maghrib a tenu ce mercredi 13 octobre sa troisième session trimestrielle de l’année 2021, et dans la foulée, M. Abdellatif Jouahri, Wali de BAM, a tenu sa traditionnelle rencontre avec la presse, durant laquelle il a disséqué les conclusions et projections de la banque centrale quant à l’économie nationale.
Le Wali a expliqué qu’à la lumière de l’évolution de la situation sanitaire, la conjoncture économique aux niveaux national et international, ainsi que les projections macroéconomiques à moyen terme de la Banque, des progrès de la vaccination, la poursuite de la reprise de l’activité économique et l’évolution de l’inflation à des niveaux modérés, et enfin des derniers développements sur le marché de change et de l’impact des interventions récentes de la Banque pour résorber les excédents conjoncturels de devises, le Conseil a estimé que l’orientation de la politique monétaire reste largement accommodante, assurant « des conditions de financement adéquates ». Il a jugé en particulier que le niveau actuel du taux directeur demeure approprié et a décidé ainsi de le maintenir inchangé à 1,5%.
La croissance revue à la hausse
De ce fait, comme les autres institutions financières nationales et internationales, du FMI à Attijari Global Research, Bank Al-Maghrib a revu à la hausse ses prévisions de croissance de l’économie nationale à la hausse, à 6,2%, soit l’un « des plus hauts taux de la région MENA et en Afrique », a expliqué M. Jouahri, même si les perspectives liées à la pandémie restent « entourées d’incertitudes » mais favorables. Après un pic à 2,2% en juillet, l’inflation est revenue à 0,8% en août en lien avec la baisse des prix alimentaires à prix volatils, et elle devrait ressortir à 1,2% sur l’ensemble de cette année et s’établir à 1,6% en 2022 et ce, après un taux de 0,7% en 2020.
Ainsi, les dernières données des comptes nationaux relatives au T2-2021, selon BAM, indiquent une croissance de 15,2%, en glissement annuel, avec des progressions de 18,6% de la valeur ajoutée agricole et de 14,8% de celle des activités non agricoles. La reprise devrait donc se poursuivre, soutenue par les progrès notables de la campagne de vaccination, la très bonne campagne agricole, le stimulus budgétaire ainsi que l’orientation accommodante de la politique monétaire. Autre point favorable, sur le marché des matières premières, les prix du phosphate se situent nettement au-dessus des prévisions de milieu d’année, avec des hausses proches de trois chiffres.
La révision à la hausse de 0,9 point de la croissance par rapport aux prévisions de juin dernier reflète une augmentation de 18,8% de la valeur ajoutée agricole, compte tenu d’une récolte céréalière de 103,2 millions de quintaux, et une augmentation de 4,6% de celle non agricole. En 2022, la croissance se consoliderait à 3%, recouvrant un repli de 3,3% de la valeur ajoutée agricole, sous l’hypothèse d’un retour à une production céréalière moyenne, et un accroissement de 3,6% de celle des activités non agricoles.
Un marché de l’emploi morose
Concernant le marché du travail, la situation est moins rose. En effet, selon les données du T2-2021, 405 000 emplois ont été créés en glissement annuel, assez loin des 533 000 nouveaux actifs qui ont rejoint le marché au cours de la même période. En conséquence, le taux d’activité s’est amélioré de 1,3 point à 46,1% alors que le taux de chômage s’est aggravé de 0,5 point à 12,8%, et même de 2,6 pts à 18,2% en milieu urbain. Chez les jeunes citadins, malgré une faible amélioration, le taux reste extrêmement élevé, à 47,2%.
Du côté des échanges extérieurs, Bank Al-Maghrib note une accélération généralisée de la reprise du commerce de biens. Cette dynamique se poursuivrait avec une hausse des exportations de 22,6% en 2021 puis de 5,9% en 2022, tirées principalement par les ventes du phosphate et dérivés et de la construction automobile.
En parallèle, les importations s’accroîtraient de 19,6% en 2021, traduisant essentiellement les augmentations prévues des achats de biens d’équipement et de consommation, ainsi que l’alourdissement de la facture énergétique. Par ailleurs, les restrictions sanitaires continuent de peser sur les recettes voyages avec une nouvelle baisse de 8,6% à 33,3 MMDH prévue en 2021 après celle de 53,7% en 2020. En 2022, sous l’hypothèse d’un allègement significatif de ces mesures, ces recettes connaitraient un rebond à 60,7 MMDH, un niveau qui reste toutefois bien en deçà de celui de 78,7 MMDH enregistré en 2019. Par contre, les transferts des MRE afficheraient une forte progression de 27,7% en 2021 pour atteindre un record de 87 MMDH, au point que le Wali a évoqué la mise en place d’une enquête pour trouver les raisons de ce phénomène.
Dans ces conditions, le déficit du compte courant se creuserait de 1,5% du PIB en 2020 à 2,5% en 2021 avant de s’alléger à 1,4% en 2022. S’agissant des flux d’investissement direct étranger, ils devraient osciller autour de l’équivalent de 3% du PIB. Ainsi, les avoirs officiels de réserve se situeraient à 335 MMDH à fin 2021 et à 345,1 MMDH à fin 2022, soit l’équivalent de plus de 7 mois d’importations de biens et services.
Côté dirham, le taux de change effectif réel devrait terminer l’année avec une augmentation de 0,4%, avant de se déprécier en 2022.
Ralentissement pour le crédit bancaire
Quant aux taux débiteurs, ils ont enregistré une baisse trimestrielle de 13 points de base au deuxième trimestre qui a bénéficié principalement aux entreprises. Pour ce qui est du crédit bancaire au secteur non financier, sa progression a connu un léger ralentissement à 3,3% au deuxième trimestre, reflétant en particulier la décélération des prêts accordés aux entreprises non financières privées après la fin de certains programmes de soutien mis en place en 2020 dans le cadre de la réponse à la crise de la Covid-19. Il devrait terminer cette année avec une hausse de 3,7% puis augmenter de 3,8% en 2022.
Au plan des finances publiques, le déficit ressort à 48,8 MMDH, en creusement de 2,2 MMDH d’une année à l’autre. Les recettes ordinaires se sont améliorées de 9,3%, tirées par la hausse du produit fiscal de toutes les catégories d’impôt à l’exception de celui au titre de l’IS qui est ressorti en recul. En parallèle, les dépenses globales se sont alourdies de 8%, en lien notamment avec les augmentations des dépenses de biens et services, des transferts aux Collectivités Territoriales et de la charge de compensation (surtout le gaz butane). Le déficit budgétaire, hors privatisation, devrait s’améliorer, selon les projections de Bank Al-Maghrib, passant de 7,6% du PIB en 2020 à 7,3% en 2021 et à 6,8% en 2022.
Selim Benabdelkhalek