M. Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-maghrib
Dans la foulée de la dernière réunion du Conseil de Bank Al-maghrib (BAM) de 2018, tenu mardi 18 décembre au matin, M. Abdellatif Jouahri, Wali de la banque centrale, a réuni la presse pour lui faire par des analyses de BAM des économies nationale et internationale, ainsi que des décisions qui en ont découlé concernant la politique monétaire marocaine.
L’information principale qui a découlé de cette réunion et qu’après analyse de la conjoncture, et des chiffres de l’inflation, la banque centrale a pris la décision de maintenir son taux directeur à 2,25%, malgré les nombreuses rumeurs qui pouvaient laisser croire à un changement à ce niveau.
La croissance mondiale décélère
M. Jouahri, fraîchement rentré des Assises du FMI à Bali, a expliqué que si l’activité mondiale demeure solide, elle montre des signes de décélération. La croissance européenne redescendrait cette année à 1,9%, tandis qu’aux Etats-Unis, si le PIB devrait croître de 2,9% cette année grâce à la politique expansionniste, la croissance devrait revenir à 2,1% en 2019. Mais, explique le Wali de BAM, le mot qui était sur les lèvres de tous les participants à ces assises est « incertitude ». Incertitude dans la politique américaine, sur les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, sur la montée du populisme, même en Europe, sur la Russie, sur la Chine, etc. Le Maroc, notamment parce qu’il est dans une région où le niveau d’intégration est quasi nul, devra trouver les moyens de résister face à ces tensions et leurs conséquences.
La croissance non-agricole reste timide
Au niveau du Maroc, avec une campagne céréalière estimée à 103 millions de quintaux, la valeur ajoutée (VA) agricole est estimée cette année à 4,6%, et, dans l’hypothèse d’une campagne normale, reculer de -0,8% en 2019, pour se reprendre à 3,3% en 2020. Quant aux activités non-agricoles, si on perçoit une certaine amélioration, avec +3,1% en 2018, 3,5% en 2019, et 3,8% en 2020, elles n’ont pas retrouvé leur dynamique pré-2008, où elle connaissait des taux de croissance supérieurs à 4,5%. Ainsi, la croissance attendue en 2018 serait de 3,3%, puis 3,1% en 2019 et 3,6% en 2020.
Au niveau du marché du travail, on note avec une certaine satisfaction, voire un certain soulagement, une baisse du taux de chômage à 10%. Par contre, le taux d’activité recule de 0,5 point à 45%, signe que de plus en plus de Marocains sortent du circuit de l’emploi, et le chômage des jeunes urbains reste un fléau, à 44,7%. Cette année, il est à noter que sur les 122 000 emplois créés, 98 000 l’ont été dans les services.
Les exportations en forme
Les exportations, portées par l’automobile et le phosphate, qui profite d’un bon comportement des prix, ont gagné 9,7% cette année. Par contre, les importations ont pris 8,8%, notamment à cause de la facture énergétique, qui a bondi de 18,4% à 79,4 MMDH. Par ailleurs, les recettes de voyage restent stables, malgré la hausse des entrées touristiques, et les transferts de MRE sont en repli de 1,7%. Quant aux IDE, leur augmentation de 36,7% vient surtout, selon M. Jouahri, de la cession de Saham.
En conséquence, le déficit du compte courant se creuse cette année à 4,4% du PIB, mais avec la baisse attendue de la facture énergétique, il devrait revenir à 3,7% en 2019, et 3,2% en 2020. Cette année, les réserves intérieures nettes se situent à 5,1 mois d’importation. Toutefois, les banques marocaines ont une solide réserve en devises, vu qu’elles n’en ont pas acheté à BAM depuis le mois de mars.
Le dirham sera resté stable cette année, mais en 2019, il devrait s’apprécier malgré les écarts d’inflation, surtout face à l’euro et aux devises de certains pays émergents.
Au niveau du crédit, le taux moyen global pondéré est resté stable à 5,35%, augmentant pour les entreprises et baissant pour les particuliers. Par contre, le crédit au secteur non financier progresse (très) lentement, et cette tendance devrait se confirmer jusqu’en 2020, où une amélioration est attendue.
Enfin, au niveau des finances publiques, le déficit se creuse de 4,1 milliards de dirhams, notamment à cause d’une hausse de la charge de compensation et d’une baisse des dons des pays du CCG à 767 MDH contre 4,6 MMDH l’an dernier. Ce déficit devrait atteindre 3,7% du PIB cette année, 3,8% en 2019, pour revenir à 3,6% en 2020. Quant à l’endettement public, son ratio devrait se stabiliser à moyen terme. La dette publique totale devrait représenter 81,9% du PIB cette année, puis 82% en 2019 et 81,8% en 2020.
Selim Benabdelkhalek
A propos de la nouvelle LPL accordée au Maroc
M. Jouahri a tenu, lors de ce point de presse, à mettre fin à certaines mésinformations concernant le FMI, et la Ligne de Précaution et de Liquidité que le fonds vient d’accorder au Maroc, la 5ème de suite. « Il faut arrêter le complexe du colonisé », a-t-il scandé face à certaines remarques qui avancent que le Maroc ne fait que subir les décisions du FMI. « Nous sommes membres du FMI ! Nous siégeons à son Conseil et payons notre quote-part ! », a-t-il rappelé. Il a ainsi précisé que pour avoir accès à la LPL, il a lui-même signé le document, ainsi que le Chef du Gouvernement, et que le Maroc, à travers son représentant permanent, en a négocié les conditions. Et concernant le prix de cette garantie, qui se chiffre à des dizaines de millions de dirhams, M. Jouahri explique que cette LPL, même si le Maroc ne l’a jamais activée, permet au Royaume d’obtenir des taux et conditions lors de ces sorties sur les marchés internationaux qui justifie largement cet investissement. Il a enfin annoncé que si le Maroc n’a pas eu accès à une ligne modulable cette année, plusieurs administrateurs du FMI y étaient favorables, ce qui laisse présager cette possibilité à moyen-terme.