Le Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), réuni le 25 juin 2024, a décidé de baisser le taux directeur de 25 points de base, le fixant désormais à 2,75 %. Cette décision marque une inflexion significative dans la politique monétaire de la banque centrale, après avoir maintenu ce taux à 3 % pendant quatre réunions consécutives. Cette décision est justifiée par une série de facteurs favorables sur le plan national et international, qui signalent une amélioration notable de la conjoncture économique.
Sur le plan international, le Conseil de BAM a noté une résilience relative de l’activité économique. Malgré les incertitudes persistantes liées aux tensions géopolitiques et aux conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, l’économie mondiale montre des signes d’amélioration. L’inflation, bien qu’encore présente, a commencé à diminuer à un rythme plus lent que prévu initialement. BAM prévoit une décélération de l’inflation mondiale, passant de 4,7 % en 2023 à 3,5 % en 2024, et à 3,1 % en 2025. Cette baisse est principalement attribuable à la réduction des prix des matières premières, notamment alimentaires.
Les prévisions économiques pour les grandes économies mondiales sont également optimistes. Aux États-Unis, le PIB devrait augmenter de 2,1 % en 2024 avant de ralentir à 1,4 % en 2025. En Europe, une légère amélioration est attendue, avec une croissance prévue de 0,9 % en 2024 et de 1,8 % en 2025. La Chine, malgré des difficultés persistantes, devrait atteindre son objectif de croissance de 5 % cette année, avant de ralentir légèrement à 4,8 % en 2025. L’Inde, quant à elle, devrait maintenir une croissance robuste avec des taux de 6,8 % en 2024 et de 6,6 % en 2025.
Croissance soutenue et maîtrise de l’inflation
Au niveau national, les données publiées par le Haut-Commissariat au Plan (HCP) pour 2023 indiquent une accélération des activités non agricoles et une amélioration notable de la consommation des ménages. En prenant en compte les indicateurs infra-annuels, BAM prévoit une trajectoire de croissance non agricole plus élevée, soutenue par l’investissement public et privé. Cette croissance devrait être de 2,8 % en 2024 et atteindre 4,5 % en 2025.
La maîtrise de l’inflation interne est un autre facteur crucial dans cette décision. Après avoir atteint des taux de 6,6 % en 2022 et de 6,1 % en 2023, l’inflation a récemment diminué. Les pressions externes se sont atténuées et les prix des produits alimentaires à prix volatils ont baissé. La composante sous-jacente de l’inflation, qui reflète la tendance fondamentale des prix, s’est établie à 2,1 % en moyenne sur les cinq premiers mois de 2024 et devrait rester proche de ce niveau jusqu’à la fin de 2025.
Les anticipations d’inflation, telles que mesurées par l’enquête trimestrielle de BAM auprès des experts du secteur financier, montrent un recul significatif. Pour le deuxième trimestre de l’année, les prévisions d’inflation sont de 2,7 % pour un horizon de huit trimestres et de 2,8 % pour douze trimestres.
Des « progrès notables »
BAM souligne que les mesures adoptées lors des réunions précédentes, ainsi que les actions publiques menées en parallèle, ont eu un impact positif. Le resserrement calibré de la politique monétaire, combiné aux mesures gouvernementales visant à soutenir le pouvoir d’achat des ménages et certaines activités économiques, a contribué à la réduction de l’inflation et à la reprise post-COVID-19 de l’activité économique.
Le Wali de BAM, Abdellatif Jouahri, a déclaré lors du point de presse à l’issue de la réunion : « La décision de réduire le taux directeur à 2,75 % tient compte des progrès notables de la situation de l’économie nationale. » Il a ajouté que « le retour de l’inflation à des niveaux en ligne avec l’objectif de stabilité des prix » a été un facteur déterminant.
M. Jouahri a également noté que « le taux d’inflation devrait atteindre, tout en tenant compte de la reprise du processus de décompensation partielle du gaz butane, un niveau inférieur à 2 % en 2024, précisant que sa composante sous-jacente, qui reflète la tendance fondamentale des prix, s’est établie en moyenne à 2,1 % sur les cinq premiers mois de l’année et devrait rester proche de ce niveau jusqu’à fin 2025. »
En ce qui concerne la croissance économique, il a affirmé que « la croissance de l’économie nationale devrait s’accélérer pour atteindre 4,5 % en 2025, un niveau inédit depuis longtemps. » Il a également mentionné que « BAM prévoit une stabilité du déficit budgétaire à 4,4 % du PIB cette année et son allègement à 4,1 % en 2025, ce qui est en parfaite cohérence avec l’objectif de préservation des équilibres macroéconomiques mentionné dans la note de cadrage du projet de Loi de finances. »
Le Wali de BAM a souligné que « la baisse du taux directeur a aussi été motivée par la situation des avoirs officiels de réserve (AOR) qui devraient continuer de se renforcer, offrant une couverture d’environ cinq mois et demi d’importations de biens et services. »
Malgré la baisse du taux directeur, le Conseil de BAM continuera de suivre de près l’évolution de la conjoncture économique et de l’inflation, tant au niveau national qu’international. Les perspectives restent entourées d’un niveau élevé d’incertitudes, principalement en raison des tensions géopolitiques et des conflits en Ukraine et au Moyen-Orient.
Perspectives économiques et financières
Les prévisions de BAM pour l’économie mondiale sont optimistes. La croissance mondiale devrait bénéficier de la baisse des prix des matières premières. En parallèle, la croissance de l’économie nationale est attendue à 2,8 % en 2024, avec une accélération à 4,5 % en 2025. La valeur ajoutée non agricole devrait continuer à se renforcer, tandis que la valeur ajoutée agricole dépendra des conditions climatiques. La croissance agricole est prévue à -6,9 % en 2024, mais devrait rebondir à 8,6 % en 2025.
L’inflation domestique devrait rester maîtrisée. Après avoir atteint des taux de 6,6 % en 2022 et de 6,1 % en 2023, elle est revenue à des niveaux bas ces derniers mois, principalement grâce à l’atténuation des pressions externes et à la baisse des prix des produits alimentaires à prix volatils. BAM prévoit une inflation moyenne de 1,5 % en 2024, avec une légère hausse à 2,7 % en 2025.
Les finances publiques montrent des signes d’amélioration. Les recettes ordinaires ont augmenté de 10,8 % au cours des cinq premiers mois de 2024, principalement grâce aux rentrées fiscales. Les dépenses globales ont légèrement augmenté de 1,2 %, tirées par les dépenses de biens et services, tandis que les charges de compensation et les dépenses d’investissement ont diminué. BAM prévoit une stabilité du déficit budgétaire à 4,4 % du PIB cette année, avec une réduction à 4,1 % en 2025.
Selim Benabdelkhalek