Manifestation contre la France à Dacca, le 2 novembre 2020 © AFP Munir Uz zaman
Au moins 50.000 personnes ont manifesté lundi à Dacca, selon la police, appelant à boycotter les produits français et accusant la France de soutenir les caricatures du prophète Mahomet, après des déclarations de son président Emmanuel Macron sur la liberté d’expression.
Les manifestants, qui répondaient à l’appel de l’un des principaux groupes radicaux islamistes bangladais, Hefazat-e-Islam, ont été empêchés de s’approcher de l’ambassade de France où la sécurité avait été renforcée. Ils se sont dispersés sans incidents, selon la police.
Les organisateurs se sont réclamés de plus de 100.000 manifestants.
Il s’agit de la troisième –la plus importante à ce jour– des manifestations d’ampleur organisées depuis une semaine par des partis islamistes contre la France et son président au Bangladesh, pays de 168 millions d’habitants majoritairement musulmans.
Les manifestants protestent contre des déclarations d’Emmanuel Macron défendant le droit à la caricature au nom de la liberté d’expression, après la décapitation le 16 octobre par un islamiste d’un enseignant français, Samuel Paty, qui avait montré à ses élèves des caricatures du prophète de l’islam.
L’islam dans son interprétation stricte interdit toute représentation de Mahomet.
Des manifestations anti-françaises ont eu lieu dans plusieurs pays musulmans. En Indonésie, quelque 3.000 personnes ont manifesté lundi devant l’ambassade de France à Jakarta selon la police.
Les manifestants ont brûlé des photos de M. Macron et brandissaient des portraits du président avec des empreintes de chaussures sur le visage ou la tête surmontée de cornes démoniaques.
Au Bangladesh, le gouvernement officiellement laïque a jusqu’à présent gardé le silence sur ces manifestations.
Lundi, les manifestants, partis de la mosquée Baitul Mokarram – la plus grande du pays -, scandaient des slogans comme « boycott des marchandises françaises » ou « les croyants sont frères, Macron tu es en danger ».
« Non à la diffamation du prophète Mahomet », criaient-ils également, »nous n’avons pas peur des balles et des bombes ».
Dans le défilé de deux kilomètres de long, des manifestants portaient un cercueil factice du président français dont ils ont à nouveau brûlé une effigie.
– Excuses –
Nombre d’entre eux étaient venus d’autres régions. Selon les organisateurs, la police a bloqué à l’entrée de Dacca des autocars de manifestants.
Junaid Babunagari, chef adjoint du Hefazat-e-Islam, a demandé à la Première ministre Sheikh Hasina d’inciter le Parlement à condamner M. Macron.
« J’appelle les commerçants à jeter les produits français. Je demande aux Nations unies de prendre de sévères mesures contre la France », a-t-il lancé. D’autres responsables du Hefazat ont réclamé à M. Macron des excuses envers les musulmans.
Dimanche soir, environ 500 personnes ont attaqué et brûlé des habitations hindoues dans la ville de Banghura (Est) après un message félicitant M. Macron pour ses propos publié sur Facebook par un Hindou, a indiqué la police à l’AFP.
Un homme hindou a été arrêté après une plainte contre lui pour avoir heurté des sentiments religieux et cinq hommes musulmans ont été arrêtés pour avoir attaqué les habitations, selon la police.
Depuis la première publication des caricatures de Mahomet il y a quinze ans par le quotidien danois Jyllands Posten, le sujet provoque régulièrement des manifestations de masse au Bangladesh où les groupes islamistes, dont le Hefazat, réclament une loi châtiant le blasphème de peines allant jusqu’à la mort.
En 2013, des dizaines de milliers de partisans du Hefazat-e-Islam avaient manifesté à Dacca pour exiger l’exécution des blogueurs athées et l’adoption de lois anti-blasphème et une cinquantaine de personnes avaient été tuées dans des affrontements avec la police, un des pires épisodes de violence politique de l’histoire du pays.
Entre 2013 et 2016, le Bangladesh a connu une vague de meurtres de militants et blogueurs laïques. En juillet 2016, un attentat islamiste contre un café de Dacca a fait 22 morts dont 18 étrangers.
En 2018, Dacca s’est doté d’une législation controversée sur le numérique permettant des poursuites pour avoir blessé les sentiments religieux de la population.
LNT avec Afp