On ne saurait évoquer e la nouvelle politique sociale du Maroc sans rappeler qu’elle a été incarnée par la Loi de Finances 2020.
Certes, cette LdF se devait, de marquer une transition basée sur la grande réforme fiscale préconisée par les Assises de la Fiscalité de 2019. Il s’agissait d’instaurer plus de justice fiscale et sociale par des incitations favorables aux PME, à l’investissement et la régionalisation.
A cet effet, un fonds de financement des petites entreprises notamment exportatrices en Afrique ou pour accompagner les jeunes diplômés dans la création de leur propre emploi, a été lancé, doté de 6 milliards de dirhams sur 3 ans pour leur faciliter l’accès aux prêts bancaires.
La Loi de Finances 2020 introduisait aussi la réduction progressive du taux marginal de l’Impôt sur les Sociétés, de 31% à 28%, pour les sociétés industrielles, au titre de leur chiffre d’affaires local, parallèlement à la baisse progressive du taux de la cotisation minimale de 0,75% à 0,50.
Ceci en plus de la poursuite de la mise en œuvre des réformes visant l’amélioration du climat des affaires, la mise en place de la nouvelle charte de l’investissement et la réforme des Centres Régionaux d’Investissement.
Ainsi, avant les effets de la pandémie, la loi de finances de 2020 était bel et bien sociale !
Elle a notamment marqué l’augmentation du Budget nettement en faveur de deux secteurs en crise structurelle, l’éducation et la santé.
M. Benchaaboun, Ministre des Finances, avait justifié cette nouvelle orientation budgétaire, par l’utilisation de nouveaux moyens de financements de l’État, dits « innovants », pour éviter que les dépenses sociales ne creusent le déficit budgétaire.
Car, le conséquent Budget d’investissement consacré par l’État pouvait être financé par des partenariats publics-privés consistant à faire porter par le privé les projets d’investissements publics en se réservant l’exploitation, moyennant des compensations sous forme de loyers ou autres. Grâce à ces nouveaux produits d’investissement, le Gouvernement pensait pouvoir poursuivre sa politique de soutien de l’investissement public, tout en finançant sa nouvelle politique sociale.
La loi de finances 2020 prévoyait d’ailleurs une augmentation des crédits d’investissements de 3 milliards de dirhams par rapport à 2019, à 198 Mrdh.
M. Benchaaboun, avait précisé à ce sujet : « c’est en vue de mettre en cohérence l’objectif du développement socio-économique et la nécessité de la préservation des équilibres macroéconomiques, et à l’effet de contenir le déficit budgétaire dans une limite de 3,5% du PIB en 2020, sachant que ces nouveaux montages permettraient de réduire le besoin de financement du Trésor d’un montant de 16 milliards de dirhams ».
C’est toujours dans l’objectif de financer ses orientations sociales, que la loi 2020, d’avant le déclenchement de la pandémie, avait introduit la notion d’efficacité financière qui devait obliger les différents départements ministériels à regarder à la dépense tout particulièrement au niveau des festivités et déplacements, mais surtout pour plus d’efficience et de diligence dans la réalisation de leurs budgets.
Et pour rendre cette règle d’efficacité financière, contrôlable, elle devait être sanctionnée par deux rapports, le premier dit de performance financière qui serait présenté au parlement et l’autre sous forme d’un audit diligenté par l’Inspection des Finances.
La LdF 2020 accordait donc une priorité aux politiques sociales, en faveur de l’éducation et la santé notamment. En effet, pour la mise en valeur du système de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, cette loi finançait la création par le gouvernement de 16.069 postes budgétaires dont 15.000 au profit des Académies Régionales de l’Éducation et de la Formation.
De même que pour celui de la Santé de 4.000 postes budgétaires devaient être créés. Ces derniers représentant 46% du total de la création des postes budgétaires prévus dans le cadre la LdF 2020. L’enveloppe budgétaire allouée à ces deux secteurs s’élevait à plus de 91 milliards de dirhams qui représentaient 30% du Budget Général de l’État.
Par ailleurs, ce même LdF 2020 ante la crise sanitaire prévoyait, pour la réduction des disparités sociales et territoriales, des mécanismes de protection sociale, immédiats, pour 18 milliards de dirhams.
Concrètement, cela devait se matérialiser par l’amélioration du dispositif de ciblage des populations pauvres et vulnérables en termes de soutien à la scolarisation, l’accélération de la mise en œuvre du Programme Royal de Lutte contre les Disparités Territoriales et Sociales dans le monde rural, la mise en œuvre du programme d’assistance médicale « RAMED » et la généralisation de la couverture médicale de base aux étudiants et indépendants, uniquement à ce moment, ainsi que l’accompagnement de la 3è phase de l’INDH.
Toujours dans le cadre de sa politique sociale, la LdF 2020 originale prévoyait également l’allocation de 26 milliards de dirhams pour la préservation du pouvoir d’achat des citoyens, essentiellement de la classe moyenne, en prévoyant la concrétisation de prises de décisions dans le cadre du dialogue social, en matière d’augmentation des salaires, pour 6 milliards de dirhams en 2020, en plus de 5,3 milliards de dirhams accordés en 2019.
Et ce, tout en maintenant les charges de la compensation à 14,6 milliards de dirhams pour l’année en question.
C’est ainsi que la Loi de Finances 2020, traduisait, sous l’impulsion des discours royaux, le lancement d’une politique sociale au Maroc concrétisé par une phase de réformes continues tant sociales, financières, fiscales et économiques, que politique, avec une nouvelle gouvernance qui devait se matérialiser à l’issue des consultations électorales de septembre 2021 …
Afifa Dassouli
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