Au Liban en plein effondrement, les prix des carburants ont augmenté mardi de plus de 30% après une levée partielle des subventions et des semaines de pénuries ayant provoqué d’interminables files d’attente devant les stations-service.
La hausse va se répercuter sur d’autres secteurs et alimenter l’inflation, notamment pour les transports collectifs, les livraisons de marchandises, voire le prix du pain ou la facture des générateurs d’électricité privés, très répandus. Certains fournisseurs ont déjà annoncé une hausse des tarifs.
Il s’agit d’un nouveau coup dur pour des Libanais éreintés, exaspérés par des dirigeants politiques accusés d’incompétence et de corruption. Le pays est englué selon la Banque mondiale dans une des pires crises économiques au monde depuis 1850 et plus de la moitié de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté, selon l’ONU.
Jusqu’ici, la Banque centrale fournissait aux importateurs de carburants 85% des dollars nécessaires à leurs activités au taux officiel de 1.507 livres libanaises pour un dollar, un taux bien plus avantageux que celui du marché noir où le billet vert s’échange désormais à plus de 17.000 livres.
Le système de subventions avait permis de juguler les prix à la pompe et d’atténuer les conséquences de l’effondrement monétaire.
Mais face à l’épuisement des réserves de la Banque du Liban, celle-ci échangera désormais avec les importateurs le dollar contre 3.900 livres.
Le prix du bidon de sans plomb 95 a donc augmenté mardi de près de 16.000 livres libanaises (9 euros au taux officiel) pour atteindre 61.000 livres (35 euros), selon l’agence nationale de l’information (ANI).
Le prix des 20 litres de sans plomb 98 a lui grimpé de 16.300 livres pour atteindre près de 63.000 livres, tandis que le bidon de diesel a bondi à 46.100 livres, contre 33.300 livres auparavant.
– « On déteste la vie » –
Cette hausse des prix intervient alors que les pénuries de carburant paralysent le pays depuis des semaines, les automobilistes stationnant tous les jours des heures durant devant les stations, souvent dès l’aube.
« On déteste la vie ici, on n’en peut plus » s’est emporté mardi Noureddine Radwan dans une longue file d’attente à Beyrouth.
« Tous les jours ont fait la queue, plus humiliant que ça, il n’y a pas. Bientôt on va s’entretuer pour de l’essence », fulmine-t-il.
Selon les importateurs, les pénuries sont dues à un retard pris par la Banque centrale dans l’ouverture de nouvelles lignes de crédits, les autorités libanaises les attribuant quant à elles au stockage de grandes quantités de carburants par les commerçants qui attendaient les nouveaux tarifs et à la contrebande vers la Syrie.
Le président du syndicat des distributeurs de carburants, Fadi Abou Chakra, a indiqué mardi à l’ANI que six pétroliers avaient commencé à décharger leurs cargaisons.
– « Alléger la crise » –
« Ce qui s’est passé ces derniers jours devant les stations essence est inacceptable, c’est une humiliation pour les citoyens », a indiqué mardi le président Michel Aoun, une des figures politiques conspuées par la rue.
A l’occasion d’une réunion sécuritaire qu’il présidait, il a estimé que la nouvelle grille des tarifs devrait « alléger la crise ».
Durant le week-end, des manifestants en colère dans deux grandes villes ont tenté de prendre d’assaut des institutions publiques, notamment des agences de la Banque du Liban, pour dénoncer la dépréciation record de la monnaie nationale.
Lundi encore, les contestataires ont bloqué plusieurs routes à travers le pays. Le Liban avait été secoué à l’automne 2019 par un soulèvement populaire inédit, qui dénonçait une classe politique corrompue, quasi-inchangée depuis des décennies.
Le pays commémore le 4 août le premier anniversaire de l’explosion au port de Beyrouth qui a fait plus de 200 morts. Le drame avait poussé à la démission le gouvernement actuel, désormais en charge des affaires courantes.
Depuis, le Liban et la communauté internationale attendent toujours la formation d’un nouveau gouvernement.
LNT avec Afp