La lecture du bilan semestriel des finances publiques du Maroc interpelle les analystes d’Attijari Global Research quant au niveau d’avancement de l’exécution de la Loi de Finances 2018. Ainsi, ils relèvent les éléments suivants:
Une baisse des revenus : Les Recettes Ordinaires au S1-18 reculent de 1,3% à 113,4 MMDH, correspondant à un TRO annuel 2018 de 47,9%. Un écart qui se justifie par la baisse de l’Impôt sur les Sociétés de 11,6% à 25,5 MMDH et le repli des revenus des monopoles de 29,9% à 3,2 MMDH durant cette même période. Il faudrait signaler dans ce sens que depuis 2012, les recettes fiscales évoluent à un rythme moyen inférieur à la croissance économique. Celles-ci ont enregistré durant la période 2012-2017 une progression moyenne de 2,6% comparée à 3,4% pour le PIB. Dans ce contexte, et en dépit des efforts de recouvrement, la progression des revenus IS est plutôt irrégulière et manque de dynamisme comparativement à la rubrique Impôts sur le Revenu (IR), alors que les recettes TVA sont impactées par les remboursements au titre du butoir**.
A ce stade, Il est difficile de se prononcer sur les prévisions de clôture 2018 des recettes, selon Attijari Global Research. Les indicateurs de conjoncture au T3-18 reflètent un contexte économique en demi-teinte peu enclin à renverser la tendance des revenus fiscaux durant le S2-18, principale rubrique des recettes ordinaires
du Trésor avec une contribution moyenne de 85,6%.
Une hausse des dépenses: Les Dépenses Ordinaires affichent au S1-18 une hausse régulière de 3,6% à 109,0 MMDH. En effet, nous ne relevons pas d’écarts significatifs dans les rubriques de dépenses par rapport aux projections de la LF 2018, ce qui nous mène vers un TRO semestriel de 50,5%. En effet, l’Exécutif poursuit une discipline budgétaire, à travers une évolution contrôlée de la masse salariale et autres dépenses de fonctionnement. Ainsi, les Dépenses Ordinaires enregistrent un recul de moyen de 1,0% durant la période 2012-2017.
Pour le S2-18, les analystes estiment que la hausse des prix du gaz à l’international (+9% au S1-18) et qui s’est accentuée durant le T3-18 devrait rehausser les dépenses de compensation. Pour l’ensemble de l’année, de même, ils estiment que la cadence soutenue de réalisation des investissements au S1-18 avec un TRO de 52,6% devrait être maintenue pour l’année 2018.
Une hausse du déficit budgétaire comparée au S1-17: Pour rappel, si le déficit budgétaire 2017 s’était établi à 3,5% du PIB, celui du S1-18 est déjà en hausse de 8,0 MMDH par rapport au S1-17, soit 20,2 MMDH. Une posture qui éloigne l’objectif de 3,0% pour l’année 2018 sans pour autant le rendre hors de portée. A périmètre constant, nous ne devrions pas assister à un renversement de tendance des recettes et des dépenses ordinaires au S2-18. Ceci n’exclut pas l’occurrence d’éléments
à caractère exceptionnel qui aideraient à s’approcher de cet objectif du déficit budgétaire de 3,0%.
D’ailleurs, lors des mises à jour de leurs prévisions, BAM et le HCP tiennent compte de ce glissement. Si le FMI s’aligne sur le niveau du Ministère des Finances de 3,0% établi initialement dans la LF 2018, Bank Al Maghrib et le Haut Commissariat au Plan (HCP) sont plus conservateurs avec des niveaux 2018E respectifs de 3,4% et 3,9%.
Au delà de l’exercice fiscal 2018, Attijari Global Research tente de se projeter vers l’avenir en s’appuyant sur les principales tendances des finances publiques lors des cinq dernières années:
L’évolution des recettes fiscales ne s’aligne pas sur la croissance économique: Ceci s’explique principalement par les raisons suivantes: (1) la faible contribution de l’agriculture à l’impôt, (2) la persistance de l’informel, (3) les difficultés de certaines industries (ex. BTP et manufacture), (4) arrivée à maturité de secteurs grands contributeurs à l’IS (ex. finance et télécoms).
Les recettes non fiscales sont fortement liées aux dons extérieurs: Avec l’amenuisement des recettes de privatisation qui ne contribuent qu’à hauteur de 0,5% aux recettes ordinaires durant la période 2012-2017, les recettes non fiscales deviennent volatiles et affichent une dépendance aux dons de l’étranger qui affichent une moyenne annuelle de 10 MMDH.
Une discipline budgétaire qui a porté ses fruits: L’Exécutif a adopté une orthodoxie budgétaire qui a permis un recul de moyen de 1,0% des dépenses ordinaires durant la période 2012-2017. Une stratégie payante mais qui reste à maintenir à l’avenir.
Les économies sur le budget de compensation ont été conséquentes: Avec la réforme de la caisse de compensation, sa charge est passée de 6,5% du PIB en 2012 à 1,4% en 2017. Dans l’attente de l’achèvement de cette réforme, le budget de compensation évoluera au gré des prix des matières premières à l’international, et principalement le cours du gaz.
Une volonté manifeste de réalisation des investissements planifiés: La hausse régulière des budgets qui sont consacrés aux projets d’investissements et l’accélération des taux de leur réalisation reflètent la volonté de leur accorder une grande priorité.
Autant d’éléments qui confirment que le défi des finances publiques relève davantage de l’accélération des recettes que de la maîtrise des dépenses. Sur ce dernier volet, l’exercice budgétaire promet d’être plus serré à l’avenir. Dans ce contexte, les analystes d’Attijari Global Research pensent qu’une politique plus expansionniste propice à une croissance plus forte constitue une piste sérieuse de réflexion. Une orientation qui les pousse à poser la question suivante: Disposerions-nous des moyens pour cette ambition ? Les éléments de réponse feront l’objet d’une prochaine publication.
LNT avec CdP
** Il convient de préciser que l’Etat a réalisé un déboursement TVA de 10,7 MMDH au titre du butoir notamment en 2016 et 2017