Mme Asmaa Chakir Alaoui
Asmaa Chakir Alaoui est une entrepreneure « green », fondatrice de VelyVelo, une start-up basée à Paris qui est venue « disrupter » le marché de la livraison de repas à domicile. Asmaa représente une nouvelle génération de femmes engagées par l’action dont l’impact est immédiat sur son environnement. Elle nous explique dans cet entretien ce que cela représente d’être une femme dirigeante d’une entreprise et les challenges qu’elle relève.
La Nouvelle Tribune : Mme Asmaa Chakir Alaoui, nous sommes ravis que vous ayez accepté de participer à ce numéro spécial dédié à des portraits de femmes marocaines entrepreneures à l’international. Dans un premier temps, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Asmaa Chakir Alaoui, j’ai 35 ans et suis originaire de Rabat, aujourd’hui installée à Paris.
Je suis la co-fondatrice d’une belle startup à impact «VelyVelo» et maman de deux petites merveilleuses petites filles.
Après une terminale ES à Descartes, je m’envole pour Grenoble puis Paris pour y faire mes études.
Je poursuis des études en expertise comptable à l’Université de Paris 1 Sorbonne dont je suis diplômée quelques années plus tard.
En 2011, j’intègre l’un des plus prestigieux cabinets de conseil et d’audit EY (ex Ernst & Young) dans lequel je fais carrière pendant 8 ans.
Durant ces 8 années, j’ai eu l’occasion de travailler sur différents secteurs d’activité avec des équipes talentueuses et compétentes.
En 2015, j’intègre une équipe dédiée à l’écosystème des start-ups et c’est le déclic. Je rencontre des porteurs de projets tous aussi inspirants les uns que les autres et au fond de moi je nourris la conviction que moi aussi un jour je porterai un projet d’entreprenariat ambitieux.
C’est ce qui est arrivé en 2019, puisque je quitte EY pour rejoindre une aventure entrepreneuriale incroyable et pour donner envie aux jeunes générations de croire en eux et en leur ambition, j’intègre en parallèle le corps professoral de la Sorbonne où je donne des cours de finance aux nouvelles générations 15 ans après mon passage sur les mêmes bancs.
D’où est née l’idée de fonder VelyVelo ?
VelyVelo est né d’un constat fait sur le terrain par mes deux associés Othman et Jamil, anciens restaurateurs.
Ils livrent en scooter thermique et ont la conviction que ce véhicule, couteux, accidentogène et polluant n’est pas le bon véhicule pour la livraison de repas à domicile.
Ils décident donc de changer toute leur flotte (60 scooters) en vélos à assistance électrique. C’est un carton : ils livrent plus vite, moins cher, sans nuisance sonore ni émission de CO2.
C’est alors qu’il nous est paru comme une évidence que si cela a fonctionné pour eux, cela fonctionnera pour tous ceux qui font le même métier qu’eux.
Avec une expertise opérationnelle qu’ils ont développé à travers leur précédente expérience professionnelle et mon expertise financière et managériale, nous avons monté cette entreprise.
Ils m’ont tout de suite fait confiance en me donnant le rôle de chef d’orchestre et de CEO de VelyVelo.
Quels challenges avez-vous rencontré lors de la mise en place de votre projet ?
Ce ne sont pas les challenges qui ont manqué à VelyVelo, cela a même été un ADN.
On a dû affronter plusieurs challenges :
1. Changement de mindset / mentalité : VelyVelo était précurseur et a bousculé les lignes en souhaitant mettre à la benne les scooters au profit de vélos à assistance électrique.
Ce n’était pas une mission facile, VelyVelo a dû évangéliser le marché pendant presque 2 ans avant de connaitre et rencontrer le succès.
2. Devenir un industriel
Notre promesse est de concevoir des vélos à assistance électrique qui répondent aux exigences de la livraison du dernier kilomètre. Cela suppose que VelyVelo devienne un concepteur et un constructeur. Cela demande énormément de moyen, car il faut produire.
Avec le peu de moyens que nous avons eu au départ, il fallait donc penser à un business model rentable, viable et pérenne.
Cela est rare dans le monde de la start-up mais VelyVelo a su faire la différence en ayant toujours été rentable depuis sa création (merci les démons de l’expertise comptable).
3. Faire de la place à une femme dans un secteur d’hommes
La mobilité est un secteur masculin, combiné à celui de la livraison, les femmes se font très rares.
Il ne m’a pas été facile de m’imposer en tant que femme dirigeante dans un milieu très masculin.
Un travail de longue haleine m’a été nécessaire pour assoir ma place dans ce milieu et j’en suis très fière.
Être une figure féminine incontournable dans cet écosystème est pour moi une immense fierté.
En tant que femme et entrepreneure, de quoi êtes-vous la plus fière ?
Je suis fière de la femme entrepreneure que je suis, cela est certain mais ce dont je suis le plus fière est de voir dans les yeux de mes filles beaucoup d’admiration.
Elles sont très curieuses de savoir et comprendre ce que je fais dans mon quotidien.
Et dans l’autre sens, je suis fière d’être une fierté pour mes parents qui m’ont toujours donné leur confiance et qui n’ont cessé de me soutenir dans tous les choix que j’ai eu à faire.
Je pense aussi à mon époux, qui est mon associé dans VelyVelo, qui m’a fait confiance rapidement et qui m’a donné les rênes de l’entreprise pour la mener le plus loin possible. Nous sommes une équipe à la maison comme au travail. En un mot, ma fierté est de rendre fiers mes proches.
Dans quelle mesure le Maroc s’inscrit-il dans votre démarche professionnelle ou personnelle ?
Professionnellement, le Maroc est le prochain pays dans lequel nous souhaitons déployer notre activité.
Au-delà des raisons du cœur, on y voit un marché de la livraison mature, qui a sans doute besoin d’être structuré et repensé pour être efficace et moins coûteux.
Nos vélos seront parfaits pour cette activité et le «time to market» nous semble parfait.
Notre pays est sensible aux sujets d’écologie, il est ainsi temps de voir des livreurs sur des vélos électriques et non sur des scooters qui sont une catastrophe pour nos villes tant en nuisance sonore qu’en émission de particules polluantes.
Personnellement, j’ai de très fortes attaches ici. J’essaie tant bien que mal avec la crise sanitaire de maintenir un lien fort. C’est dans cette démarche, que je participe entre autres au Raid Féminin La Sahraouiya à Dakhla dont les valeurs correspondent aux miennes.
Propos recueillis par Yasmin Yata