Vue de l'ouverture de la session de l'OIAC le 26 juin 2018 à La Haye, qui doit procéder à un vote crucial sur un possible renforcement des pouvoirs de l'organisation de lutte contre les armes chimiques © ANP/AFP Jerry Lampen
Les diplomates s’activaient en coulisses mercredi à La Haye avant un vote crucial sur un possible renforcement des pouvoirs de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), projet porté par les Occidentaux mais rejeté par la Russie et la Syrie.
Au deuxième jour d’une session exceptionnelle, désormais à huis clos, les pays membres de l’OIAC doivent se prononcer dans l’après-midi sur un projet britannique visant à donner à l’organisation le pouvoir d’identifier les auteurs d’attaques à l’arme chimique.
Soutenu par la France et les États-Unis notamment, le projet se heurte à la résistance de Moscou et Damas, suspectés d’avoir employé respectivement des agents neurotoxiques contre un ex-espion russe en Grande-Bretagne et des gaz toxiques contre la population syrienne.
« Aujourd’hui, c’est le jour de la décision », a tweeté la délégation britannique auprès de l’OIAC, qui a son siège à La Haye.
« Nous voterons à 14H40 (12H40 GMT). Soutien croissant pour habiliter l’OIAC à déterminer la responsabilité des attaques à l’arme chimique », a-t-elle ajouté.
Ce vote survient alors que les inspecteurs de l’OIAC doivent très prochainement dévoiler un rapport très attendu sur l’attaque présumée au sarin et au chlore du 7 avril à Douma, près de Damas, qui a fait 40 morts.
Les Britanniques ont pris l’initiative de la réunion quelques semaines après l’empoisonnement par un agent innervant de l’ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille à Salisbury (sud-ouest de l’Angleterre), une attaque chimique –la première depuis des décennies en Europe– que Londres a attribuée à la Russie.
En référence aux attaques en Syrie, à Salisbury et à Kuala Lumpur contre le demi-frère du leader nord-coréen Kim Jong Un, le chef de la diplomatie néerlandaise Stef Blok a évoqué un « nuage noir » venu ternir les célébrations de l’OIAC qui a fêté ses 20 ans l’an dernier et qui a contribué à la destruction de 96,3% des stocks d’armes chimiques.
« De terribles souffrances humaines en ont résulté, mais aussi le risque d’une +nouvelle normalité+: une situation où les auteurs se considèrent comme intouchables », a-t-il dit selon une copie de son discours obtenue par l’AFP.
– Moscou dit ‘Niet’ –
La Russie s’est dite opposée au projet britannique. Son ambassadeur aux Pays-Bas, Alexandre Choulguine, a tenté mardi de noyer les débats dans des questions de procédure avec le soutien des délégués syrien et iranien.
« Le Royaume-Uni a-t-il présenté des preuves tangibles dans la soi-disant +affaire Skripal+? Non », a tweeté mercredi l’ambassade de Russie aux Pays-Bas.
« Ils ont embrigadé leurs alliés dans une campagne flagrante contre la Russie. Maintenant, ils essaient d’entraîner l’OIAC dans leur petit jeu », a-t-elle déploré.
La Russie, qui a présenté un projet de résolution distinct, estime que seul le Conseil de sécurité de l’ONU est légitime pour désigner ceux qui recourent à ces armes de destruction massive.
Fin 2017, Moscou avait exercé son droit de veto à l’ONU pour mettre fin au mandat de la mission d’enquête commune ONU-OIAC, le Joint Investigative Mechanism (JIM), visant à identifier les responsables des attaques en Syrie.
De plus en plus protectrice de Damas, son allié, à mesure que la guerre civile se propageait en Syrie, la Russie a affirmé que l’attaque de Douma avait été mise en scène par les sauveteurs volontaires syriens, connus sous le nom de Casques blancs.
– Ambiance ‘très chargée’ –
Pour être approuvé, le projet britannique doit obtenir une majorité des deux tiers des votants.
« Nous espérions tous que ces terribles instruments de mort ne seraient plus jamais utilisés », a déclaré mardi le chef de la diplomatie britannique, Boris Johnson, venu pour l’occasion à La Haye.
« Mais la tragique réalité, c’est que des armes chimiques ont été utilisées et sont encore utilisées à nouveau », a-t-il dit.
Avant le vote, les manœuvres allaient bon train des deux côtés pour faire pencher la balance.
« C’est très chargé à l’intérieur », a indiqué une source diplomatique occidentale à l’AFP.
Avant sa dissolution en décembre, le JIM avait déterminé que le régime syrien avait utilisé du chlore ou du gaz sarin au moins quatre fois contre sa propre population et que le groupe État islamique avait utilisé du gaz moutarde en 2015.
LNT avec Afp