SM le Roi reçoit le premier président de la Cour des Comptes
Depuis le 24 octobre 2017, le concept de responsabilité revêt enfin un sens concret au Maroc !
C’est le premier commentaire qu’il convient sans nul doute de faire à l’annonce du limogeage royal de trois ministres (et quels ministres !) d’un secrétaire d’État et d’un directeur général d’une entreprise publique, sans compter une belle brochette de quatorze hauts fonctionnaires dont les noms n’ont pas été rendus publics pour le moment.
A cette charrette s’ajoutent également les noms de plusieurs anciens ministres, bannis à tout jamais de toute responsabilité officielle.
Bien évidemment, dès la décision du Roi Mohammed VI connue, au sortir même d’une audience accordée au Président de la Cour des Comptes, le très respecté Driss Jettou, la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre à l’échelle du pays tout entier.
Car, en vérité, de mémoire de Marocain, on n’avait jamais assisté à un coup de balai d’une telle ampleur !
Dura lex, sed lex
Mais, qui pourra contester, à la lecture de ce rapport de la Cour des Comptes, ou du moins de sa synthèse, le bien-fondé d’une telle décision ?
Qui pourra, au-delà de l’affect pour telle ou telle personnalité ainsi « remerciée », dont certaines ont effectivement passé la plus grande partie de leur vie professionnelle à servir l’Etat et le pays, souvent dans l’abnégation et le dévouement, parfois au détriment de leur vie de famille et de leur santé, réfuter les constats des magistrats sous les ordres de M. Jettou ?
Qui pourra rejeter les rapports des deux commissions ad hoc, du ministère de l’Intérieur et du ministère des Finances, établissant sans fard la longue liste des dysfonctionnements, des manquements, de l’inertie, parfois même de l’impéritie qui ont, d’abord, « mis le feu » durant plusieurs mois à la ville d’Al Hoceima et ses environs et, ensuite, entraîné une colère royale qu’exprimèrent deux récents discours du Souverain ?
Un seul chiffre suffit d’ailleurs à justifier le bien-fondé de ce « débarquement » historique, celui d’un taux d’accomplissement des projets programmés par le plan « Manarat Al Moutawassit » inférieur à 1% entre octobre 2015 et juillet 2017, soient 5 projets sur 644 prévus !!!
Autre donnée qui ne souffre aucune contestation, le déblocage d’une enveloppe de 50 millions de dirhams seulement par le Ministère de l’Habitat pour un budget total sur la période de 2016-2017 de 244 MDH, destiné à la réalisation des programmes de ce département pour Al Hoceima et sa région.
Chacun avait, certes, compris que les sévères propos royaux seraient suivis d’effets et le Roi Mohammed VI avait même évoqué l’éventualité d’un séisme politique.
On comprend désormais la pertinence de cette annonce royale, et dont toutes les conséquences apparaîtront progressivement, au-delà de ce limogeage de grande ampleur.
Mais, pour autant, M. Mohamed Hassad, alors ministre de l’Intérieur a-t-il, tout comme M. Nabil Benabdallah à l’Habitat, El Houcine Ouardi à la Santé, Larbi Bencheikh à l’OFPPT ou encore Ali Fassi Fihri à l’ONEE, démérité ?
Ces hauts responsables politiques ou grands commis de l’Etat sont-ils des fusibles, des victimes expiatoires, des personnalités jetées en pâture à l’opinion publique pour satisfaire la légitime colère qui a secoué le pays et notamment Al Hoceima durant plusieurs mois ?
Certains iront dans cette appréciation, alors que d’autres, préfèreront privilégier des analyses à connotation politique, voire politicienne.
Mais les uns et les autres voudront ainsi d’ignorer deux éléments.
En premier, la matérialité indiscutable des dysfonctionnements relevés, et, en second, le fait, tout aussi indiscutable, que ces responsables étaient, chacun, le premier maillon de leur chaîne de commandement et de responsabilité respective.
Une médaille, deux faces
Si le concept de responsabilité est inscrit en très bonne place dans le texte de la Constitution de 2011, il comporte un corollaire, (la reddition des comptes), qui a été appliqué le 24 octobre dernier par le Roi Mohammed VI, sans hésitation et sans état d’âme, certainement, parce que l’esprit et la lettre de ce texte fondateur veulent désormais que tout responsable public, en charge d’une mission qui lui a été confiée, soit tenu de l’accomplir dans les meilleurs délais et gages de réussite.
Voilà pourquoi l’exemplarité de cette mesure est d’ores et déjà porteuse d’une prise de conscience pour les simples citoyens qui apprécieront sans doute ce passage à l’acte qui constitue une première dans l’histoire moderne du Royaume.
Quant aux responsables politiques, aux officiels, aux élus, aux agents de l’Etat, (quelle que soit leur place), ils sauront désormais que la reddition des comptes sera exigée en chaque occasion, en toute circonstance, comme promis d’ailleurs par le Souverain qui a demandé à M. Jettou d’étendre ses enquêtes à toutes les parties du territoire et instances publiques, avec, ce qui promet sans doute, une attention particulière à porter aux tristement fameux Centres Régionaux d’Investissements.
Tout exercice d’une responsabilité ou d’une charge publique sera, à compter de ce jour, comparable à une médaille, l’avers portant responsabilité, le revers portant reddition des comptes.
Voilà les principales remarques qui viennent à l’esprit au lendemain de la mise à l’écart de quatre membres du gouvernement de M. El Othmani, lequel se trouve désormais dans l’obligation de recomposer son équipe.
Et, si la décision royale touche particulièrement le Parti du Progrès et du Socialisme, dont trois membres de son Bureau politique ont été désavoués, si le Mouvement Populaire est également sévèrement étrillé, on comprendra que les effets de ce tsunami ne se limiteront pas à ces deux formations et à leurs dirigeants.
A bientôt donc pour d’autres commentaires car, tout comme les galets, on peut faire des ricochets en politique…
Fahd YATA