Quelques jours à peine après l’entrée en vigueur de la Loi de Finances 2020, la Direction Générale des Impôts a fait diligence en rendant publiques les dispositions concrètes destinées à permettre la mise en œuvre de l’amnistie fiscale accordée aux personnes physiques détenant des avoirs en liquides en dehors du circuit bancaire.
Il s’agit, moyennant une contribution libératoire de 5%, de déposer aux guichets bancaires, sans justification de leurs provenances ou origines, ces liquidités détenues par devers des individus qui jusque-là rechignaient à mettre en banque leurs avoirs.
Cette mesure, on l’a bien compris, a pour objectif de remettre dans le circuit fiduciaire officiel des fonds qui lui échappaient, ce qui avait eu pour conséquence, selon certaines estimations, d’aggraver le montant du cash informel de 18 milliards de dirhams pour la seule année 2018.
Mais, s’il s’agit de placer ce dispositif dans le cadre de la LdF 2020, ce qui le rend exécutoire, on ne peut s’empêcher d’émettre plusieurs remarques dictées par le bon sens.
En effet, cette amnistie fiscale est, par son essence même et ses objectifs, destinée au secteur informel d’une part et aux individus qui répugnent à la transparence, d’autre part.
Si l’État a jugé nécessaire de prendre de telles mesures, c’est d’abord parce qu’il est impérieux d’arrêter l’hémorragie qui caractérise les dépôts bancaires, en baisse drastique depuis plusieurs mois, mais également, par les montants versés au fisc, de requinquer quelque peu le Trésor public et enfin, de mettre dans le circuit formel des personnes physiques en échange de leur anonymat.
Cette opération a donc une portée générale et nationale et implique qu’elle s’adresse au plus grand nombre de personnes possible.
Et si la DGI, à l’instar de toutes les administrations, fonctionne selon le principe qui veut que nul n’est censé ignorer la loi, encore s’agit-il de lui donner le plus grand retentissement possible pour atteindre les objectifs assignés à l’administration fiscale.
Or, on a le sentiment que ce texte d’amnistie, tel qu’il est communiqué aujourd’hui, ne s’adresse qu’aux « happy few », c’est-à-dire à seulement ceux qui s’informent régulièrement, pour des raisons professionnelles, telles les fiduciaires, ou les citoyens conscients de leurs devoirs civiques et notamment fiscaux.
Ceux-là, pourtant, ne sont pas les seuls interpellés par l’amnistie en question, loin s’en faut !
Et si, effectivement, nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il qu’elle soit connue de tous !
Le devoir de l’État et de ses diverses déclinaisons, Ministere de l’Économie et des Finances en premier, DGI en second, est de mettre au point un vaste plan de communication destiné à faire connaître le plus amplement possible les termes cette amnistie.
Car, bien évidemment, quelques articles dans la presse écrite, pour nécessaires qu’ils soient, ne permettront pas de toucher ceux qui sont concernés par cette mesure libératoire.
Dans cet ordre d’idées, on attend donc des services concernés, la mise en place rapide et sur la durée de l’amnistie en question, de dispositifs de communications, notamment à travers les médias télévisuels et radiophoniques, l’affichage public, la presse écrite et électronique, de messages clairs et incisifs destinés à conscientiser la large population concernée par ces dispositions libératoires de la Loi de Finances 2020.
Le Royaume ne s’arrête pas à Casablanca, Rabat, Marrakech ou Tanger.
Et si la DGI entend obtenir des résultats probants, comme cela se comprend parfaitement, alors, les premières mesures de communication prises relèvent plus de la confidentialité que de la volonté de donner à cette amnistie les plus larges échos absolument indispensables au succès de l’opération.
Dans le cas contraire, on continuera de presser le même citron, et de donner l’impression que ces mesures s’apparentent à de simples velléités de rentrer des fonds dans les caisses de l’État, ce qui ne correspond pas au plus important des messages livrés par Loi de Finances et qui concerne les trois amnisties relatives au rapatriement des avoirs extérieurs, à l’insuffisance des déclarations fiscales et enfin la thésaurisation illégale de fonds.
Ce message énonce clairement que l’année 2020 est une année de transition vers la totale transparence de tous les assujettis au fisc et en conséquence, à l’application de toutes les prescriptions financières.
Quant à la deuxième partie du message, encore plus importante, elle dispose qu’à partir de 2021, compte tenu des data dont dispose l’État, plus personne, ni les catégories couvertes par les amnisties ne seront épargnées et affronteront des sanctions les plus sévères.
Voilà que donne encore plus l’obligation à la puissance publique de les avertir amplement !
Fahd Yata