
“120 mesures en 120 jours ”, telle est la belle formule inventée par les communicants de la chefferie du gouvernement pour résumer, (avec audace !), le bilan de l’équipe El Othmani quatre mois après son entrée en fonction.
Car, à défaut d’étaler un bilan concret et conséquent et parce qu’il fallait absolument marquer la rentrée, le gouvernement mis en place en avril dernier s’est livré à une belle opération de communication, orchestrée en deux temps.
Il y a eu, tout d’abord, les confidences et assurances susurrées à quelques journalistes (triés sur un volet qu’on ne connaît pas), autour d’un verre de thé, au domicile de M. El Othmani. Cette séance qui, pour un psychiatre comme El Othmani, n’était pas très loin de l’hypnose, qu’il maîtrise peut-être, lui a permis de s’étaler en propos patelins, énoncés avec la douceur qu’on lui connaît, à l’exact opposé des sorties tonitruantes de son prédécesseur, mais également compétiteur pour le secrétariat général du PJD, M. Abdelilah Benkirane.
Et, à lire les écrits de ces confrères personae gratae, le Dr El Othmani a réussi son opération « in cerebro », puisque la plupart des rédacteurs présents lui ont, sinon signé un blanc-seing pour les mois à venir, du moins accordé leur indulgente confiance et foi en l’avenir de ce gouvernement.
La seconde phase de « l’opération Marhaba pour l’opinion publique nationale » a consisté en la réunion publique des leaders des partis qui constituent la majorité parlementaire et gouvernementale.
Tout va très bien Mme la Marquise
A l’exception de M. Nabil Benabdellah, frappé le jour même par la perte douloureuse de sa mère et de M. Benkirane, qui n’a pas voulu « cirer les pompes » de son rival El Othmani, ils étaient tous là, tels les parents au chevet de la Mamma, si bien chantée par Charles Aznavour…
Chacun à son tour, les dirigeants politiques de la majorité ont pris la parole pour marquer tout à la fois leur unité et la solidité de leur alliance (ce qui est parfaitement normal puisqu’il reste encore cinq ans avant les prochaines des législatives !), mais aussi la satisfaction qui est la leur pour les avancées accomplies durant un si court laps de temps…
Mais, en toute franchise, quel citoyen, averti, informé, intéressé par la « res publica » (au sens premier du terme bien sûr !), pourrait énoncer ne seraient-ce que 10 des 120 mesures du gouvernement El Othmani au cours des quatre mois écoulés ? Hormis l’activation des promesses faites aux habitants d’Al Hoceima et de sa région, qui engageaient déjà le précédent gouvernement ou la réelle et salutaire mobilisation du ministre de l’Education Nationale, M. Mohamed Hassad, pour réussir la rentrée scolaire, on aura seulement à se mettre sous la dent des tournées en régions largement médiatisées par l’appareil communicationnel de l’Etat, des promesses les unes plus mirifiques que les autres et les péripéties du ministre Bourita dans ses sorties ( à haut risque ?) africaines…
Certes, les recrutements massifs ont bien eu lieu dans la Fonction Publique et plusieurs milliers de candidats ont été admis à enseigner pour désengorger les salles de classes.
Certes, les enfants devront chanter l’hymne national avant d’entrer en cours.
Mais, sur le front de l’emploi, sur la lutte effective contre le chômage des jeunes, sur la question lancinante de la réforme définitive des régimes de retraite, sur la décompensation du gaz, sur la morosité du secteur de l’immobilier, sur les drames occasionnés parmi les PME-PMI pour les délais de paiements, sur la démission collective face aux abus de marchands ambulants dans toutes les cités du Royaume, rien, nada, niente, nitchevo, nothing, wallou !
La Palisse, ce Marocain
Alors, pour entretenir l’espoir des uns et la crédulité des autres, on lance quelques ballons d’essai par presse interposée. C’est ainsi que l’on apprend que le gouvernement « réfléchit sérieusement » à la mise en place d’un IS progressif ! Comme si la réflexion était encore nécessaire sur une réforme qui permettrait effectivement de relancer durablement l’investissement et un taux de croissance à même d’assurer des créations d’emplois significatives.
Dans le même temps, pour tempérer cet optimisme qui pourrait gagner les milieux économiques, on ajoute que le problème est lié aux rentrées fiscales de l’Etat ! Quelle belle découverte… Comme si la question ne serait pas mieux résolue si l’on arrivait à élargir l’assiette fiscale et faire « cracher » tous les fraudeurs qui font du noir tout en ayant pignon sur rue.
Malgré toute la bonne volonté de M. El Othmani et de ses collègues, on a le pénible sentiment que ce gouvernement n’est en rien meilleur que le précédent, qu’il gère (du mieux qu’il peut sans doute) les affaires courantes, mais qu’il ne se met pas en posture de réaliser de grandes choses.
Et si l’on doit évoquer les 120 mesures du gouvernement en 120 jours, il s’agit peut-être des 120 cuillères de thé mises dans les théières durant les conseils de gouvernement, pour faciliter les débats entre les honorables ministres…
Fahd YATA