De premier abord, il convient de rappeler que l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux, AMMC, est depuis février 2016 le nouvel organe de régulation, en remplacement du CDVM. Le 22 mai 2017, son règlement général a été publié au Bulletin Officiel. Il était clairement grand temps que l’AMMC puisse appliquer son propre règlement au lieu de celui du CDVM, qui commençait à dater et n’était plus vraiment adapté à la réalité du marché des capitaux marocain.
C’est ainsi que le 3 juillet 2017, l’AMMC a organisé sa première véritable conférence de presse, afin de présenter aux journalistes ce nouveau règlement dans les détails, ainsi qu’aborder sa vision stratégique 2017-2020.
« Cela permet enfin de travailler dans le cadre des textes de l’AMMC », a déclaré d’emblée Nezha Hayat, Présidente de l’AMMC, en ouverture de la conférence. A cause de « l’évolution contrastée du marché des capitaux marocain », il est « nécessaire de regagner la confiance des investisseurs », a-t-elle ajouté.
Cette idée de regain de confiance est omniprésente dans ce nouveau texte, qui accorde une importance majeure aux notions de déontologie, de transparence, de gouvernance, ou encore d’habilitation.
Deux nouveaux organes institutionnels
Le champ d’intervention de l’AMMC s’étant élargi afin de mieux protéger l’ensemble des investisseurs, avec pour mission première « la protection de l’épargne investie en instruments financiers », il était nécessaire de revoir la gouvernance du régulateur afin de permettre un fonctionnement plus fluide et transparent, en évitant autant que ce peut les risques de conflits d’intérêt.
C’est ainsi qu’ont été mis en place deux organes institutionnels. Le premier est le nouveau Conseil d’administration, avec la Présidente à sa tête, qui a pour rôle l’administration de l’AMMC et l’accomplissement des missions qui lui sont dévolues. Notons que le gouverneur de Bank Al-Maghrib doit désigner un représentant qui y siègera. C’est la présidente qui, à sa propre initiative ou avec l’avis du conseil, peut procéder à l’ouverture d’enquêtes.
L’instruction des faits susceptibles de mener à une sanction est maintenant le rôle du Collège des Sanctions, qui est présidé par un magistrat. Il peut également proposer à la présidente la saisine de l’autorité judiciaire compétente.
Il est également important de noter la nomination d’un Commissaire du gouvernement, nommé par l’administration, qui contrôle les activités de l’AMMC et s’assure que le Collège dispose des moyens nécessaires à son fonctionnement.
La déontologie au centre des préoccupations
Au sein du règlement général, plus de 15 articles sont consacrés à la notion de déontologie. Ces règles sont applicables au personnel de l’AMMC et aux membres de ses organes institutionnels, qui doivent à tout moment le secret professionnel et la confidentialité, mais aussi signaler par avance toute possibilité de conflit d’intérêt dans le traitement d’un dossier, afin de s’en détacher. Dans ce sens, tous les membres du personnel devront déclarer chaque année l’ensemble des instruments financiers qu’ils détiennent, et notifier toute transaction dans un délai de 5 jours.
L’ensemble des procédures de réclamations, plaintes et sanctions a été revu en profondeur, dans un souci d’efficacité et de transparence. Ainsi, l’AMMC, après avoir été saisie, doit notifier la recevabilité ou non de la réclamation dans les 15 jours, et la traiter dans les 3 mois qui suivent. Le Collège des sanctions est saisi par la présidente, et celle-ci pourra prononcer la sanction sur les conseils du Collège, après instruction du dossier. En ce qui concerne les sanctions, et toujours dans cet objectif de transparence, les pénalités de retard de diffusion d’une information au public passent de 1000 à 5000 dh/j, et le retard de transmission d’un document ou information coûtera 3000 dh/j.
Des circulaires à caractère réglementaire
Selon la loi 43-12 relative à l’AMMC, ses circulaires doivent être homologuées par le ministère chargé des Finances et publiées au BO. Elles prennent ainsi un caractère règlementaire et deviennent opposables aux tiers. C’est pourquoi Mme Hayat explique que « tous les mots doivent maintenant être mesurés et pesés ». La Présidente a également expliqué que la circulaire générale de l’AMMC, qui compile toutes les circulaires relatives à son fonctionnement, est actuellement à l’étude par le Secrétariat Général du Gouvernement, qui doit l’étudier en profondeur et en détails. Elle a été séparée en une soixantaine de parties, dont les plus urgentes pour les attentes du marché marocain des capitaux seront traitées en premier lieu.
Un autre grand changement amené par ce nouveau règlement général est la notion d’habilitation. En effet, dans un souci d’assainissement du marché et de ses intervenants, un grand nombre de fonctions (par exemple : analyste financier, gérant de portefeuille, contrôleur interne) demanderont à présent l’habilitation de l’AMMC, matérialisée par une carte professionnelle. Celle-ci requiert non seulement la possession d’un diplôme d’enseignement supérieure, mais aussi 2 ans d’expérience dans le domaine financier, et le passage d’un examen tous les 3 ans, jusqu’à atteindre 10 ans d’expérience.
La communication, mère de la confiance
Le plan stratégique 2017-2020 de l’AMMC se décline en 4 axes. Le premier, qui vise le renforcement de la confiance, accorde la part belle à la communication, à travers un rehaussement des standards des acteurs du marché et une diffusion rapide de toute information ou décision de la part du régulateur sur son site internet. Elle passera également par l’organisation régulière de rencontres avec les intervenants et la presse. L’AMMC compte également assainir le marché à travers une augmentation des contrôles, une approche préventive et un traitement équitable.
Le deuxième axe concerne l’entretien d’une dynamique positive du marché à travers l’innovation et la mise en place d’un cadre réglementaire clair et évolutif. Le troisième a pour objectif d’améliorer la performance et l’influence de l’AMMC à travers le renforcement de ses équipes et sa coopération avec les acteurs nationaux et internationaux. Enfin, le dernier axe a trait aux capacités des épargnants et opérateurs, par la mise à niveau des cahiers des charges, le dispositif d’habilitation et l’éducation financière.
L’AMMC se dote ainsi les moyens nécessaires à la pleine réussite de sa mission de régulateur, mais aussi à l’assainissement du marché des capitaux marocain, qui doit passer de terrain de jeu de quelques opérateurs et institutionnels qualifiés à une vraie opportunité de placement pour l’ensemble des épargnants marocains.
Selim Benabdelkhalek