Donald Trump à Washington le 30 août 2017 © AFP NICHOLAS KAMM
Le troisième round de renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis, à partir de samedi à Ottawa, s’annonce difficile en raison des tensions politiques entre les trois parties.
Pendant cinq jours, les négociateurs vont travailler à partir d’un texte reprenant « une série de propositions » élaborées par une vingtaine de groupes de travail à l’occasion du deuxième round de discussions, tout début septembre à Mexico, visant à moderniser cet accord en vigueur depuis 23 ans, selon le ministère canadien des Affaires étrangères, en charge du dossier.
A l’issue de cette rencontre à Mexico, Robert Lighthizer, représentant américain au Commerce (USTR), Chrystia Freeland, ministre canadienne des Affaires étrangères et Ildefonso Guajardo, ministre mexicain de l’Économie, avaient assuré avoir fait « des progrès importants ».
Mais aucun détail n’a filtré sur des points sensibles comme le secteur manufacturier (automobiles…) ou l’agriculture, pour lesquels le Mexique est la cible favorite de Donald Trump.
Le président américain menace à chaque occasion de sortir de l’Aléna, répétant à l’envi que « c’est le pire accord commercial jamais conclu », au grand dam des grandes entreprises américaines qui trouvent au Mexique par exemple des coûts de fabrication bien inférieurs.
Mi-septembre, Robert Lighthizer doutait de la possibilité de « parvenir à une conclusion » même s’il affirmait que les négociations avançaient « à la vitesse de l’éclair », sans avoir le même écho chez ses deux partenaires.
Contraints de négocier, le Mexique et le Canada ne veulent pas céder sur les avantages d’un accord en vigueur depuis 1994 avec la libre circulation des marchandises sur un marché de 500 millions d’habitants.
– Le bois, le lait et Bombardier –
La ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland insiste sur le fait qu’une modernisation de l’Aléna ne peut se faire que sur la base d’un accord « gagnant, gagnant, gagnant » pour les trois pays.
Mais ces négociations se déroulent dans un climat peu favorable aux compromis des uns ou des autres. Si le Canada est plutôt épargné par les vindictes de Donald Trump, le conflit sur le bois de construction, la menace sur les producteurs laitiers ou la plainte du constructeur américain d’avions Boeing contre son concurrent canadien Bombardier sont autant de nuages sur les discussions.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a été très ferme cette semaine en menaçant les Etats-Unis de ne pas acheter d’avions de combats Boeing si ce dernier obtenait de l’administration Trump des droits antidumping sur les avions Bombardier vendus aux compagnies aériennes américaines.
« Si Boeing continue d’insister à vouloir éliminer des dizaines de milliers d’emplois au Canada en s’attaquant à Bombardier, il ne devrait pas s’attendre (…) à ce que nous lui achetions des avions », a prévenu M. Trudeau.
Après Ottawa, Mexicains, Américains et Canadiens se retrouveront une nouvelle fois à Washington en octobre avec l’objectif de conclure un accord avant que les échéances électorales (présidentielle au Mexique, élections de mi-mandat aux Etats-Unis) viennent empoisonner, sinon bloquer, les négociations.
« Il sera très difficile aux responsables mexicains de négocier » à l’approche de l’élection présidentielle en juillet prochain, a estimé Daniel Kerner du groupe Eurasia, spécialisé dans le conseil aux entreprises.
« Puisque les partenaires de l’Aléna se connaissent, nous nous attendions à ce que les négociations soient accélérées (…) mais le calendrier espéré ne sera jamais atteint », a expliqué Carlo Dade de l’université d’Ottawa, visant plutôt l’année 2019.
Si l’Aléna dans son fonctionnement actuel n’est pas menacé « les fortes divisions entre les trois pays sur les principaux enjeux semblent compromettre la conclusion d’une entente à court terme », selon Russ Crawford, du cabinet de conseils KPMG.
Aussi, pour prévenir des négociations longues, KPMG recommande aux entreprises de prévoir « des plans d’urgence (…) car les risques peuvent être imprévisibles ».
LNT avec AFP